Allergies alimentaires du sujet âgé : fréquentes et sévères

27/05/2023 Par A.V.
Allergologie
[CFA 2023] - Peu étudiée, l’allergie alimentaire des séniors est pourtant fréquente. Ses manifestations sont souvent confondues avec d’autres pathologies rendant son diagnostic difficile. 

« L'allergie alimentaire (AA) chez le sénior est considérée comme mineure. Pourtant, des études (dont Gupta et al. JAMA 2019) montrent que 10,8% des séniors auraient une ou plusieurs AA IgE médiée (et 19% des AA « non convaincantes »), ce qui est considérable », introduit la Dre Martine Morisset, allergologue (CHU Angers). 

Plusieurs facteurs prédisposent l’AA chez le sénior. La gastrite atrophique est plus marquée (25% vs 0% chez les < 35 ans). La sécrétion de pepsine baisse ce qui contribue à réduire la capacité d’absorption de micronutriments et de vitamines et favorise la pullulation bactérienne intestinale, les diarrhées et l'augmentation de la perméabilité de l’intestin. Lorsque le pH est acide, la pepsine digère certaines protéines mais elle n’agit plus lorsqu’il est alcalin expliquant la persistance d'IgE réactives aux extraits de poisson ou à la caséine du lait. Avec l’âge, les glandes de Brunner duodénales et l'activité enzymatique pancréatique diminuent significativement. Le volume des sécrétions (lipases, phospholipases, chymotrypsines) se réduit générant malabsorption, dénutrition, pullulation intestinale et diminution de la dénaturation des allergènes avant leur absorption.  

Une étude (Shemtov et al. FEBS Journal 2022) s’est intéressée au système immunitaire digestif. « Son immunosénescence contribue à l’« inflamm’aging » (inflammation liée à l’âge). Au niveau de l'immunité innée, des perturbations favorisent le « leaky gut syndrome » et contribuent à l'augmentation de la perméabilité intestinale aux allergènes alimentaires notamment. D'un point de vue adaptatif, mais cela reste contesté, il y aurait une diminution des lymphocytes T régulateurs, des IgA, une involution thymique (réduisant la valence Th1) et des carences (vit. D notamment). Des facteurs modifient l'action de la pepsine comme les anti-ulcéreux (IPP…) et la chirurgie bariatrique. D’autres, la perméabilité intestinale comme les maladies inflammatoires intestinales, les IPP (contribuant à la pullulation intestinale), les AINS et l’alcool (augmentant la sensibilisation IgE médiée aux aliments) », précise la spécialiste.   

L’AA peut se développer tardivement. Dans l’étude Gupta et al., 48% des patients ont eu au moins une AA IgE médiée apparue à l’âge adulte et pour 27%, elles sont toutes apparues après 18 ans.  

Pour la médecin : « le diagnostic des AA chez les séniors est plus difficile en raison de mécanismes qui ne sont pas toujours IgE médiée, d’une plus faible réactivité cutanée et aussi de la dangerosité des tests de provocation par voie orale (TPO) chez ces sujets polymorbides ».  

Les aliments impliqués dans l’AA IgE médiée sont principalement les crustacés puis le lait. Dans les AA non IgE médiée, ce sont les fruits, les légumes crus, les additifs alimentaires, l'alcool, le lait et les céréales.  

 

Les AA et les anaphylaxies chez les séniors sont plus sévères 

Les études menées par le réseau européen Nora, montrent que les anaphylaxies chez les aînés sont plus sévères selon le score de Ring & Messmer. Les causes principales sont les hyménoptères, les médicaments et les aliments. Les seniors ont moins de douleurs abdominales et plus de troubles sphinctériens, moins de prurit, d'urticaire, d’angioedèmes et de dyspnées, mais beaucoup plus de phénomènes de perte de connaissance lors des manifestations anaphylactiques.  

« Nous avons réalisé une étude en France (Hassan El Hanache, Clin Exp Allergy 2023) avec notamment les données du Réseau d’allergovigilance sur les anaphylaxies alimentaires chez le sénior. Nous avons montré que 40% des sujets sont atopiques et la moitié font des anaphylaxies récidivantes. La cardiomyopathie chronique est un facteur de sévérité. Près de 25% présentent un grade III et 11% un grade IV. Des cofacteurs sont retrouvés dans 61% des cas avec principalement les médicaments (dont les bétabloquants) mais également l’alcool », poursuit la médecin. Dans ces travaux, le poisson et les fruits de mer (crustacés notamment) sont les principaux allergènes (19%) avec très peu de patients ayant des IgE anti Pen a 1. Il est à noter des réactions au parasite anisakis (4%) venant de poissons non congelés consommés crus. Viennent ensuite les viandes et abats (16%) avec des dosages IgE AlphaGal positifs, chez les hommes principalement. Les légumineuses (14 %), au lupin notamment et des allergies au lait de soja et aux boissons hyperprotéinées à base de soja. On retrouve aussi les fruits et les végétaux (13%) avec des syndromes pollen-fruits, des anaphylaxies au céleri et des sensibilisations à l’armoise défensine. La noisette (11%) avec des profils cor 1 a. S’ensuivent les céréales (9%), le blé surtout, avec des sujets sensibilisés à l'oméga-5 gliadine. Et enfin les graines (5%), le sésame essentiellement, avec des IgE au sésame négatifs mais une sensibilisation aux oléosines. « L’alcool est un cofacteur de l'allergie et de l'anaphylaxie alimentaire. Dans la population générale, les buveurs excessifs représentent 2 à 14%. Chez les > 65 ans, ils sont 20 à 25%. Les études menées chez les souris vieillissantes montrent que consommer de petites quantités d'alcool tous les jours augmente la perméabilité intestinale et favorise l’AA » conclut la Dre Morrisset. 

 

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