Epilepsie : un impact multiple sur le quotidien des patients
L’épilepsie peut avoir différentes conséquences sur la santé et la qualité de vie des patients : apprentissages, exposition aux accidents domestiques, déclin cognitif, mort subite. Il est fondamental d’informer les malades et leur entourage.
Près de 5 enfants et adolescents pour 1 000 et 6 adultes pour 1 000 seraient touchés par l’épilepsie en Europe, avec des comorbidités dans près de 8 cas sur 10. « Bien que la majorité des sujets ont gardé une efficience intellectuelle normale, ils ont un rendement scolaire beaucoup plus faible, des troubles de la compréhension, de la lecture, et des difficultés comportementales : hyperactivité, déficit attentionnel, troubles émotionnels… », a rapporté la Dre Christine Bulteau, neuropédiatre à la Fondation Rothschild (Paris). Aussi, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de « prendre en charge les troubles psychiatriques très tôt dans le parcours des patients », en réalisant systématiquement un bilan neuropsychologique.
Un risque accru d’accident domestique…
Si l’enfant ne présente pas de surrisque d’accident domestique, cette probabilité s’accroît avec l’âge, tout en restant modérée. « Une étude chiffre à 17 % la probabilité cumulée d’avoir un accident à 12 mois et 27 % à 24 mois chez les patients avec épilepsie, contre 12 % et 17 % dans le groupe contrôle », a relevé le Dr Guillaume Martin, neurologue au centre médical de La Teppe, à Tain l’Hermitage (Drôme). Les patients sont principalement exposés au risque de traumatisme crânien consécutif à une chute. Les facteurs de risque sont la présence d’une comorbidité – trouble psychiatrique, AVC, tumeur cérébrale, diabète, déficience intellectuelle... –, le type de crises et leur fréquence, le nombre de traitements anti-épileptiques. L’information des patients a un impact positif sur l’observance et le respect de mesures d’hygiène de vie. Attention cependant à ne pas instaurer de « restrictions inadaptées par rapport au risque réel, avec une diminution de l’autonomie et de la qualité de vie », a prévenu le Dr Martin.
… et de mort subite : le Sudep
Autre risque : le Sudden unexpected death in epilepsy. « Le Sudep survient sans cause évidente dans des circonstances bénignes, avec ou sans signes évidents de crise, et excluant un état de mal documenté », a décrit la Dre Marie-Christine Picot, médecin épidémiologiste, responsable de l’unité "Recherche clinique et épidémiologie" du CHU de Montpellier et coordinatrice du Réseau sentinelle mortalité épilepsie. L’incidence est estimée à 1,24 cas pour 1 000 par an, avec un pic autour de l’âge de 30 ans. La supervision nocturne et l’optimisation du traitement sont des facteurs protecteurs. D’où l’importance pour le médecin d’informer le patient et son entourage. « L’information doit être répétée au cours du suivi et les risques réévalués régulièrement, en se focalisant sur les risques modifiables : sommeil, adhésion aux traitements, consommation d’alcool », a conseillé la Dre Picot.
La plasticité cérébrale contre le déclin cognitif
A long terme, certaines épilepsies chroniques accroissent le risque de déclin cognitif. « Jusqu’à 20 % des patients Alzheimer ont un fort risque d’avoir une épilepsie, et les patients avec une épilepsie de survenue tardive (après 55 ans) ont un plus fort risque de développer une maladie d’Alzheimer », a rapporté la Pre Louise Tyvaert, PU-PH en neurologie à l’université de Lorraine et présidente de la Ligue française contre l’épilepsie. Les facteurs de risque sont l’absence de contrôle épileptique, l’iatrogénie, la présence de comorbidités, principalement les troubles anxio-dépressifs et les troubles du sommeil, mais aussi « le retentissement de l’activité épileptique sur l’insertion sociale, la scolarité, l’activité physique… ». Pour contrer ces effets, la réserve cognitive peut être mobilisée, en faisant des loisirs, des apprentissages et de l’activité physique.
La grossesse, une période à risque
Chez les femmes épileptiques enceintes, « le risque de décès est multiplié par 5, le risque de complications (fausse couche, prématurité, mortinatalité) par 1,5 et le risque de malformations congénitales majeures, de soins intensifs néonataux et de décès néonatal par 2 », a signalé le Dr Louis Cousyn, neurologue à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Les patientes sont moins bien traitées pendant cette période car l’arsenal thérapeutique est réduit. Les molécules les plus à risque sont le valproate et le topiramate. « Des adaptations doivent être faites au stade pré-conceptionnel : privilégier la monothérapie aux doses minimales efficaces, switcher les molécules à risque, respecter le principe de précaution. Les molécules les plus sûres sont la lamotrigine et le lévétiracétam », a indiqué le Dr Cousyn. Une attestation annuelle d’information des patientes par le médecin généraliste sera instaurée prochainement pour la carbamazépine.
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Références :
Journées de neurologie de langue française 2024 (9 - 12avril, Paris). D’après les présentations du Pre Louise Tyvaert (Université de Lorraine), et des Drs Christine Bulteau (Fondation Rothschild, Paris), Louis Cousyn (Pitié-Salpêtrière, AP-HP), Guillaume Martin (Centre médical de La Teppe à Tain l’Hermitage, Drôme) et Marie-Christine Picot (CHU de Montpellier), lors de la session « Epilepsie : des risques du quotidien aux risques à long terme ».
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