La société européenne de cardiologie (ESC) s’est prononcée le 13 mars en faveur du maintien des traitements à base d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (IEC) et de bloqueurs du récepteur de l’angiotensine 2 (ARB). Leur utilisation avait été théoriquement associée à un risque accru d’issue grave de Covid-19 dans une publication de The Lancet… Le point sur cette hypothèse, pour l’instant peu soutenue par les faits. En plus d’être une population à risque, les personnes hypertendues (6% de létalité contre 2.3% pour toute la population, d’après le JAMA du 24 février) et les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires (10.5% de létalité) pourraient être particulièrement susceptibles à des formes graves de Covid-19 en raison de leurs traitements. Telle était l’hypothèse présentée dans une correspondance publiée le 11 mars dans la revue The Lancet. L’idée sous-jacente ? Les IEC ainsi que les ARB entraînent une augmentation de l’expression du récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), qui constitue le récepteur du Sars-Cov-2 à la surface des cellules humaines. Plus de récepteurs signifierait une entrée facilitée du virus dans la cellule, donc un risque de développer une forme de la maladie plus sévère. Cependant, aucune preuve n’est venue étayer cette théorie pour l’instant. Ce serait même plutôt l’inverse : une étude chinoise parue le 2 mars a étudié de manière rétrospective 112 cas de Covid-19 chez des patients atteints de maladie cardio-vasculaire. Après les avoir séparés entre les sujets critiques à l’admission (16 personnes) et les autres (96 personnes), les chercheurs ont observé l’évolution des cas jusqu’à la guérison ou au décès, tout en prenant en compte la prise ou non d’IEC ou d’ARB par les sujets. Verdict : la prise de ces médicaments n’est différente significativement ni entre les survivants et les personnes décédées, ni entre les sujets admis en état critique et les autres. Cette étude ne permet pas de démontrer un rôle négatif de la prise de ces médicaments sur l’évolution du Covid-19.
Une hypothèse va même plus loin : les antihypertenseurs évoqués ne seraient pas un facteur aggravant Covid-19… mais un facteur protecteur contre la maladie ! Publié le 4 mars dans la revue Drug Development Research, un commentaire permet de mieux comprendre cette théorie. L’auteur, David Gurwitz, explique que le ciblage par la protéine S des récepteurs ACE2 entraîne l’inhibition de l’activité d’ACE2, trop occupé à fixer le virus au lieu de convertir l’angiotensine II en angiotensine 1-7. Or, des taux élevés d’angiotensine II libre sont associés à des dommages pulmonaires plus importants. Les IEC et les ARB, en permettant d’augmenter l’expression d’ACE2, pourraient contrer ces dommages potentiels et laisser assez de récepteurs ACE2 libres pour limiter les taux d’angiotensine II dans le sang. De quoi atténuer la gravité d’une pneumopathie, voire l’empêcher ? C’est ce que semblent confirmer les résultats d’une méta-analyse publiée en 2012 dans BMJ qui, en combinant 37 publications, arrive à la conclusion que les IEC (mais pas les ARB) limiteraient le risque de développer une infection pulmonaire, voire diminueraient la probabilité d’en mourir une fois contractée. Pour certains, ces antihypertenseurs seraient donc une piste thérapeutique au Covid-19, piste déjà évoquée contre le SRAS.
Absence de données solides sur les risques présentés par ces médicaments vitaux pour les hypertendus et patients atteints de maladie cardiovasculaire, hypothèse contradictoire louant leurs vertus… Au vu des données actuelles, la position de l’European Sociéty of Cardiology (ESC) en faveur du maintien de ces médications, exprimée le 13 mars dans un communiqué en pleine pandémie, fait parfaitement sens.
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