Le concept de l’immunité collective, qui vise une élimination d’une épidémie dès lors qu’une certaine proportion de la population a été infectée, est-elle encore d’actualité pour le coronavirus ? Quand serait-elle atteinte ? Et surtout à quel prix ? C’est à ces questions que se sont attachés à répondre 2 éminents épidémiologistes français, Arnaud Fontanet et Simon Cauchemez (Institut Pasteur, Paris), dans un article de Nature (9 septembre). Ils ont pris en compte plusieurs paramètres. Tout d’abord, le taux d’immunisation actuel. Selon les enquêtes réalisées dans les pays touchés au début de l'épidémie de Covid-19, comme l'Espagne et l'Italie, la prévalence nationale des anticorps varierait entre 1 et 10% de la population, avec des pics à environ 10 à 15% dans les zones urbaines fortement touchées, - des chiffres qui, selon les auteurs sont cohérents avec les prédictions antérieures faites par les modèles mathématiques. Certes cette proportion ne tient pas compte d’une éventuelle immunité croisée, liée aux autres coronavirus et aux virus hivernaux notamment chez les enfants. Mais les spécialistes considèrent que les études actuellement disponibles sur ce sujet ne sont pas en faveur d’une telle protection croisée. En conséquence, « il existe peu de preuves suggérant que la propagation du Sars-CoV-2 pourrait s'arrêter naturellement avant qu'au moins 50% de la population ne soit devenue immunisée » affirment A. Fontanet et S. Cauchemez. On en est donc encore loin ! Encore beaucoup d’incertitudes concernant l’immunité Autre paramètre à prendre en compte, la durée de l’immunité : « Une autre question est de savoir ce qu'il faudrait pour atteindre 50% d'immunité de la population, étant donné que nous ne savons actuellement pas combien de temps dure l'immunité naturellement acquise contre le Sars-CoV-2 (l'immunité aux coronavirus saisonniers est généralement de courte durée), en particulier chez ceux qui font des formes bénignes de la maladie, et s'il faudra plusieurs cycles de réinfection avant qu'une immunité solide ne soit atteinte ». La réinfection n’est, à ce jour, pas bien documentée. Enfin, les auteurs ont pris en compte un taux de mortalité, qui est actuellement compris entre 0,3 et 1,3%. A partir de là, ils estiment que le coût de l'immunité collective par le biais d'une infection naturelle « serait très élevé ». En prenant un seuil d'immunité collective « optimiste » de 50%, ils ont calculé que cette stratégie seraient responsable de 100 000 à 450 000 décès pour la France, et entre 500 000 et 2 100 000 pour les Etats-Unis, avec une proportion très élevée surtout chez les sujets âgés de plus de 60 ans (3,3% de mortalité), et ayant des comorbidités. Intérêts multiples du vaccin Dans ces conditions, « un vaccin efficace représente le moyen le plus sûr d'atteindre l'immunité collective » déclarent les auteurs de ce texte. « Les vaccins peuvent avoir un impact significativement plus important sur la réduction de la circulation virale que l'immunité naturellement acquise, surtout s'il s'avère que l'immunité protectrice naturellement acquise nécessite un renforcement par ré-infections » concluent-ils. Selon eux, une priorisation devra être apportée aux populations fortement exposées (telles que les agents de santé ou les personnes ayant des contacts fréquents avec les clients) et à celles à risque de morbidité sévère. Cela permet, en outre, d’éviter les complications à long terme liées à la maladie.
La sélection de la rédaction
Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?
Angélique Zecchi-Cabanes
Oui
Pourquoi pas? À partir du moment où elles ont la responsabilité totale de ce qu’elles font et que les médecins généralistes n’ont ... Lire plus