Apnées du sommeil : un lien avec une diminution des capacités cognitives
L’apnée obstructive du sommeil est un trouble du sommeil courant (7 à 13% de la population est concernée), défini par une obstruction partielle ou complète des voies respiratoires, se traduisant par des pauses respiratoires à répétition durant la nuit de sommeil. Les risques et conséquences de l’apnée obstructive du sommeil (AOS) font l’objet de plusieurs études. Lors du congrès de l’ERS 2022, le Pr Raphaël Heinzer, directeur du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) de l’Université de Lausanne (Suisse), a présenté les résultats de leur travail de recherche. Les résultats de cette étude ont montré que l’AOS était liée à une plus grande baisse des pouvoirs de traitement mental sur une période de cinq ans. Le Pr Heinzer, le Dr Nicola Marchi, et leur équipe du Chu de Lausanne ont étudié des personnes âgées de 65 ans, issues de la population générale de Lausanne. Ces personnes ont été incluses dans la recherche entre 2003 et 2008 et ont été suivies tous les cinq ans. Au total, 358 participants ont passé un test de sommeil à leur inclusion dans le protocole d’étude, pour examiner la présence et la gravité AOS à ce moment-là. Au cours du premier suivi entre 2009 et 2013, leurs capacités de traitement mental ont également été testées et une autre évaluation cognitive a eu lieu lors du deuxième suivi cinq ans plus tard. Les tests cognitifs ont évalué la fonction cognitive globale (connaissances et capacités de raisonnement), la vitesse de traitement (temps nécessaire pour comprendre et réagir à l’information), la fonction exécutive (capacité à organiser les pensées et les activités, à hiérarchiser les tâches et à prendre des décisions), la mémoire verbale, le langage et la perception visuelle des relations spatiales entre les objets (fonction visuo-spatiale). Le Dr Marchi détaille les résultats obtenus lors de cette expérimentation : « Nous avons constaté que l’AOS, et plus précisément les faibles niveaux d’oxygène pendant le sommeil dus à l’AOS, étaient associés à un déclin plus important de la fonction cognitive globale, de la vitesse de traitement, de la fonction exécutive et de la mémoire verbale. Nous avons également constaté que les personnes âgées de plus de 74 ans et les hommes étaient plus à risque de déclin cognitif lié à l’apnée du sommeil dans certains tests cognitifs spécifiques.» Par exemple, le test de Stroop, qui mesure la vitesse de traitement et la fonction exécutive, a montré une baisse plus marquée chez les personnes âgées de 74 ans et plus par rapport aux participants plus jeunes, et le test de fluidité verbale a montré un déclin plus marqué chez les hommes seulement par rapport à la population générale, mais pas chez les femmes. « Cette étude démontre que la gravité de l’apnée du sommeil et la privation d’oxygène nocturne contribuent au déclin cognitif chez les personnes âgées. Elle montre également que l’apnée du sommeil est liée à un déclin de fonctions cognitives spécifiques, telles que la vitesse de traitement, la fonction exécutive et la mémoire verbale, mais pas à un déclin de toutes les fonctions cognitives; par exemple, le langage et la fonction visuospatiale n’ont pas été affectés », a déclaré le Dr Marchi. Ces résultats, qui demandent à être consolidés par d’autres études, pourraient avoir leur importance pour les personnes atteintes d’AOS et les médecins qui prennent en charge ces patients. Cependant, à ce jour, le traitement de l’AOS par ventilation avec pression positive continue (PPC) n’a pas clairement fait ses preuves dans la prévention du potentiel déclin cognitif lié à la pathologie. «Notre étude suggère que tous les patients atteints d’AOS n’ont probablement pas le même risque de déclin cognitif; il y a probablement un sous-groupe de patients, en particulier ceux qui ont une plus grande privation d’oxygène nocturne, mais aussi des patients plus âgés et des hommes, qui pourraient être plus à risque de déclin cognitif lié à l’AOS », a expliqué le Dr Marchi. Les chercheurs prévoient d’analyser les données sur l’impact de l’AOS après dix ans pour en savoir plus sur les sous-populations le plus à risque de déclin cognitif lié à la pathologie. Le Dr Marchi suggère que la réalisation d’un essai contrôlé randomisé avec ces patients afin d’étudier l’effet de la PPC sur la cognition devrait être la prochaine étape après cela. Les points forts de l’étude comprennent le fait qu’elle a suivi des personnes sur une période de cinq ans, que l’évaluation de l’AOS a été effectuée avec le test de polysomnographie « de référence » et que plusieurs tests ont été utilisés pour évaluer une large gamme de processus cognitifs. Les limites, quant à elles, incluent le fait que les participants étaient relativement en bonne santé, sans déficience cognitive sévère ni démence, et que l’AOS n’a été évaluée qu’au tout début de l’étude. D’autres recherches seront donc à mener pour approfondir ces connaissances.
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