Arbitrage, intensité des matchs, violence : le "rugby safe", un espoir pour la santé des joueurs ?

Jean-Pierre Rives, coiffé de son éternelle crinière blonde, capitaine de l’équipe de France, hier. Antoine Dupont, aujourd’hui. Deux champions hors normes. Deux images qui, mises côte à côté, racontent à elles seules toute l’histoire de l’évolution du rugby d’un siècle à l’autre ! Le premier, surnommé "casque d’or", mesure 1,80 m et pèse 85 kg. Le second, mesure 1,74 m pour 85 kg. Son surnom : "le ministre de l’Intérieur". Deux combattants, deux héros de la nation. Et pourtant, de l’un à l’autre, les masses musculaires semblent démultipliées. Il suffit d’observer les mensurations, les diamètres des cous ou des cuisses, la morphologie des muscles des bras et des pectoraux des deux stars pour mesurer l’ampleur des transformations. Jusqu’au maillot bleu porté toujours avec le même amour. Celui d’aujourd’hui, signé le Coq Sportif, vient littéralement modeler toutes les parcelles du corps des athlètes offrant "une armure". Car, désormais, tout, absolument tout, est imaginé et conçu pour qu’un rugbyman puisse aller chercher le dixième de seconde supplémentaire qui lui permettra de se glisser dans le moindre interstice, d’échapper à la moindre prise d’un adversaire aussi redoutable soit-il. Un seul objectif : aller de l’avant, plus vite, plus fort, et engagé toujours plus d’impact.
@francerugby pic.twitter.com/c7rqSNDAJj
Antoine Dupont (@Dupont9A) September 5, 2023
Les années noires du rugby français
"Sport de voyous pratiqué par des gentlemen", selon la célèbre expression reprise dans le film Invictus, le rugby a longtemps été synonyme "d’attroupements et de bagarres générales sur le terrain". "Les années noires dans l’Ovalie, oui, nous les avons connues", reconnaît volontiers Jacques Laurans, aujourd’hui président de la Fondation Ferrasse, champion de France junior en 1958, ex-secrétaire général de Fédération française de rugby (FFR), ex-président du Comité des 6 nations, co-organisateur des coupes du monde de rugby en 2003 et 2007. "Dans les années 80-90, nous comptions en moyenne jusqu’à 9 ou 10 grands blessés, chaque année, en France, lors des compétitions officielles." Des grands blessés. L’expression résonne comme si l’on évoquait la Grande guerre. "Je parle des joueurs qui ont été touchés à la moëlle épinière lors d’un accident de jeu et qui se sont retrouvés paralysés et ont perdu l’usage de leur membre !" L’accent du sud-ouest du président ajoute à la dramaturgie des scènes décrites. La Fondation Ferrasse a été créée en 1990 par son ami, Albert Ferrasse, alors président de la FFR. "N’ayant pas d’enfant, ce colosse au grand cœur considérait les grands blessés comme ses propres enfants", raconte Jacques Laurans. Dès qu’il le pouvait, Albert leur rendait visite à la Tour de Gassies, à Bordeaux (seul centre de la région ayant une unité spécialisée dans la prise en charge des patients blessés médullaires, quelle que soit l'étiologie de leur lésion, ndlr). Pour prendre soin et accompagner ceux qu’il appelait "ses enfants du rugby", il crée alors la Fondation Ferrasse, fonds de solidarité affilié à la FFR, dont le comité exécutif, renouvelé tous les 4 ans, comprend deux médecins du sport.
Johannesburg, 1995 : Max Brito, l’électrochoc ?
Nous sommes en pleine coupe du monde, en Afrique du Sud. L’incroyable et généreuse équipe de la Côte d'Ivoire affronte le Tonga. Pour sa 3ème sélection sous le maillot orange et vert, après une relance, Max Brito (ex-ailier de Biscarosse, décédé cette année, ndlr) reste bloqué sous un amas de joueurs : un "ruck" dont il ne se relèvera pas. Les 4ème et 5ème vertèbres cervicales ont été déplacées : évacué sur civière, devant toutes les télévisions du monde, le joueur se réveille tétraplégique. Dans la mémoire de Jacques Laurans, ce moment reste gravé à jamais, comme un mauvais souvenir inaliénable...
D'accord, pas d'accord ?
Débattez-en avec vos confrères.