Alors où en sont ces espoirs aujourd’hui ? Les indications validées concernant une application du microbiote en pratique clinique sont encore très restreintes. Les recherches sur le microbiote intestinal, mais aussi cutané, buccal, ORL, bronchique, urinaire, vaginal… se sont beaucoup développées ces dernières années. A côté des plus de mille espèces bactériennes identifiées, les chercheurs s’intéressent aujourd’hui aux autres micro-organismes entrant dans sa composition : champignons et levures, virus, archées, protistes… Les méthodes scientifiques d’étude sont d’ailleurs nombreuses. Hors les techniques métagénomiques de séquençage haut débit de l’ADN microbien ou de l’ARN (métatranscriptome) des protéines (métaprotéome), ou des métabolites (métabolome), les chercheurs recourent à des gènes marqueurs, comme le gène codant la petite sous-unité du ribosome bactérien (ARNr16S) afin de réaliser des analyses phylogénétiques. Le travail est important car le microbiome, ensemble des gènes du microbiote, représente environ 100 à 150 fois le génome humain. Le microbiote intestinal est le mieux connu des différents microbiotes de l’organisme. Il se compose de 1013 organismes, avec une densité maximale au niveau du côlon distal. Quatre phyla (ou familles bactériennes) dominent, rappelle le Pr Harry Sokol (Service de gastro-entérologie, Hôpital Saint-Antoine, Paris) : les Firmicutes (60 à 75 % des bactéries), les Bacteroidetes (10 à 40 %), les Actinobacteria (3 %) et les Proteobacteria (1). Chaque individu a une flore intestinale, qui lui est propre. Cependant, 3 grands entérotypes ont été décrits chez l’homme, qui peuvent se modifier avec le mode de vie, l’alimentation. Le développement du microbiote après la naissance est influencé par le mode d’accouchement (césarienne, voie basse), le mode d’allaitement (lait maternel, biberon) et la flore intestinale devient adulte à l’âge de 3 ans. Des fonctions multiples, de mieux en mieux connues Le microbiote a de multiples fonctions physiologiques (2). Il participe au niveau intestinal aux processus de fermentation des substrats non digestibles, de transformation des gaz produits dans le côlon, de métabolisation des glucides, protéines, et lipides, de synthèse de certaines vitamines (K, B12...). Mais il exerce aussi une fonction barrière et de défense contre...
les micro-organismes pathogènes (sécrétion de peptides antimicrobiens, compétition pour les nutriments et les sites d’adhérence épithéliaux, renforcement des jonctions entre cellules épithéliales intestinales...). Par ailleurs, il contribue à la maturation du système immunitaire (stimulation au niveau intestinal d’Ig A sécrétoires, régulation de l’équilibre entre lymphocytes T effecteurs et régulateurs). Des relations à distance entre microbiote intestinal et cerveau ont aussi été décrites, qui impliquent connexions nerveuses, production par le microbiote d’acides gras à chaîne courte ou de métabolites du tryptophane, pouvant passer la barrière hémato-encéphalique, ou encore fabrication par nos cellules de cytokines ou de précurseurs de sérotonine pouvant agir sur le système nerveux ou le cerveau.
Des déséquilibres du microbiote intestinal, ou dysbioses, ont été décrites dans de multiples pathologies intestinales (syndrome de l’intestin irritable ou SII, cancer colorectal, Mici), ou même extra-intestinales (obésité, diabète, cirrhose, allergies, autisme, maladie de Parkinson ? maladie d’Alzheimer ? ...) (3). Malgré tout, il est souvent difficile d’établir la responsabilité du microbiote dans leur survenue. Un intérêt diagnostique, pronostique, et thérapeutique L’espoir est en tout cas d’utiliser le microbiote comme marqueur diagnostique ou pronostique. Et, il a, par exemple, été démontré qu’une faible quantité dans le microbiote intestinal de Faecalibacterium prausnitzii, une bactérie probablement dotée de propriétés anti-inflammatoires, a une valeur prédictive de rechute dans la maladie de Crohn (4). Un autre souhait est d’utiliser le microbiote comme cible thérapeutique, même s’il est probable, comme le souligne Harry Sokol, que dans la majorité des cas, l’utilisation ou la régulation du microbiote devra, pour être efficace, être couplée à d’autres stratégies thérapeutiques. En réalité, pour l’instant, une des seules applications thérapeutiques validées est représentée par la pratique de transplantations fécales dans les infections récidivantes à Clostridium difficile (5). Ce traitement permet d’obtenir des taux de guérison de plus de 80 %. Un des objectifs des infectiologues est de recourir à ces transplantations dans d’autres infections en échec thérapeutique à bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Au vu de 4 essais randomisés contrôlés réalisés dans la rectocolite hémorragique (RCH), ces transplantations permettent aussi d’obtenir une rémission dans environ 30 % des cas. Un premier essai pilote mené par l’équipe du Pr Sokol chez 17 patients avec une maladie de Crohn a, également mis en évidence une certaine... efficacité de ce geste (6). Enfin, des essais de transplantation fécale ont été menés pour diminuer l’intensité des réactions de greffon contre l’hôte, après transplantation médullaire. Quid des probiotiques ? Une des autres possibilités d’intervention est d’ingérer des probiotiques, des micro-organismes vivants ayant un effet bénéfique sur la santé en améliorant l’équilibre de la flore intestinale. Quatre indications ont été reconnus par des sociétés savantes comme la World Gastroenterology Organisation et la Société européenne pédiatrique de gastroentérologie, hépatologie, et nutrition (ESPGHAN) : l’infection à C. difficile, les gastroentérites aiguës, le syndrome de l’intestin irritable et l’inconfort digestif, la rectocolite hémorragique et la pochite (inflammation de la poche constituée par une anastomose iléo-anale), signale le Pr Philippe Marteau (Service d’hépato-gastroentérologie, Hôpital Saint Antoine, Paris) (7). Lactobacillus rhamnosus GG, et Saccharomyces boulardii CNCM I-745 peuvent être proposés, selon l’ESPGHAN, en prévention de la diarrhée infantile aux antibiotiques en cas de facteurs de risque, tandis que le cocktail de 8 souches bactériennes VSL#3 et B. infantis 35624 diminuent les ballonnements du SII, et qu’Escherichia coli Nissle 1917 et le VSL#3 semblent actifs dans la RCH et la pochite (en revanche, aucune efficacité des probiotiques n’a été retrouvée dans la maladie de Crohn). "D’autres domaines comme ceux de la prévention de l’allergie, des entérocolites aiguës nécrosantes du prématuré, et des infections hivernales ont aussi donné lieu à des essais randomisés contrôlés mais ne font pas encore l’objet de recommandations", indique le Pr Marteau. D’autres axes thérapeutiques pourraient reposer sur l’emploi de probiotiques génétiquement modifiés ou de prébiotiques (substrats de certaines bactéries), de composés comme les peptides antimicrobiens issus du microbiote.
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