"Le médecin doit rester la pièce maîtresse, mais pas l’unique porte d’entrée" : face à la fronde, les kinés défendent l’accès direct

Egora.fr : Un amendement introduit dans le PLFSS pour 2022, en cours d’examen par le Sénat, prévoit l’expérimentation pour trois ans et dans six départements de l’accès direct des patients aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans une structure de soins coordonnés. Comment est-ce accueilli par la profession ?
Pascale Mathieu : La profession y est très favorable ! Ce n’est d’ailleurs en rien une demande récente : cela fait des années que les instances de la profession réclament l’accès direct. En 2016 déjà, j’avais réalisé, avec le Conseil national [de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes], une sorte de “programme présidentiel”. Pendant la campagne, j’étais allée voir tous les candidats ou leurs équipes, afin de leur présenter les évolutions que nous souhaitions pour notre profession, et pour le système de santé. Dans ces propositions, figurait déjà l’accès direct. Et ces propositions, je les avais soumises également au président de l’Ordre des médecins.
Dans une interview à Egora.fr, le président de l’Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, déclare qu’ “un certain nombre de propositions qui ont été faites, notamment par amendements gouvernementaux, ont été totalement déconnectées d’une quelconque concertation”. S'il évoque ici les concertations avec le Gouvernement, vous contestez pour votre part l'absence de concertation avec l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes...
À l’époque [en 2016] déjà, le président du Cnom m’avait dit textuellement : “J’y suis favorable à titre personnel, mais je ne pense pas que mon Conseil soit prêt.” Plus tard, à l’occasion de la loi Buzyn, l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes avait été auditionné sur les déserts médicaux et j’avais remis le sujet de l’accès direct sur la table. Tous les ordres de santé étaient présents. J’avais demandé au président du Cnom, le Dr Patrick Bouet, d’en discuter. Il m’avait à nouveau répondu : “Dès que la loi Buzyn est votée, nous ouvrirons les discussions, car à titre personnel, j’y suis favorable, même si ça va être difficile à accepter pour les médecins.” Or les discussions n’ont jamais pu avoir lieu. À plusieurs reprises, les ordres de santé ont émis le souhait de travailler ensemble [avec l’Ordre des médecins], pour voir comment organiser la coordination des soins. Malheureusement, ces travaux n’ont jamais été lancés, malgré des demandes répétées.
J’ai été profondément indignée de lire que l’accès direct avait été fait sur un coin de table sans concertation, alors qu’aussi bien l’Ordre que les syndicats ont été sollicités. Je prends un exemple parlant, qui ne concerne pas les masseurs-kinésithérapeutes. Dans votre interview, le Dr Patrick Bouet dit que, sur les IPA, il a été sollicité pour faire un rapport avec l’Ordre des infirmiers, mais qu’il ne l’a pas souhaité. Dire qu’on n’est pas consulté alors qu’on refuse la concertation, ce n’est pas tout à fait la réalité.
L’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes a obtenu le feu vert de l’Assemblée nationale et est désormais examiné par le Sénat. C’est en bonne voie, selon vous ?
Nous avons déjà parcouru la moitié du chemin. Et de ce que j’ai pu voir des amendements déposés, le Sénat ne souhaite pas revenir dessus. On voit bien qu’il y a un certain pragmatisme des élus, qui sont confrontés aux demandes de leurs concitoyens sur l’accès aux soins.
L’encadrement supplémentaire [les rapporteurs de la commission des Affaires sociales du Sénat ont dévoilé leurs amendements sur le PLFSS le 3 novembre. S’ils ne reculent pas sur l’expérimentation de l’accès direct aux kinés, ils souhaitent encadrer davantage le dispositif, NDLR], ce sont des freins qui me paraissent trop importants, qui n’ont pas de raison d’être selon moi, mais...
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