Trois ans dans un désert pour chaque jeune médecin : qui dit mieux?

17/11/2021
Démographie médicale
Quarante députés vont déposer vendredi 19 novembre un projet de loi pour lutter contre la désertification médicale. Parmi leurs mesures phares : l’obligation pour tous les nouveaux médecins thésés d’exercer dans une zone sous-dotée pendant trois ans ou un préavis obligatoire avant de changer de lieu d'exercice. 
 

Après le vote par le sénat d’un amendement au PLFSS 2022 conditionnant le conventionnement des jeunes médecins à un remplacement de six mois dans une zone sous-dotée, c’est au tour de quarante députés de déposer un projet de loi afin de lutter contre la désertification médicale. Si l’amendement de la sénatrice Corinne Imbert a fait grincer les dents des syndicats d’internes, le projet porté par Thierry Benoit (UDI) prévoit, dans sa mesure phare, l’obligation pour tous les nouveaux médecins thésés de passer dans une zone sous-dotée pendant… trois ans. Il sera présenté dans son intégralité vendredi 19 novembre à l’assemblée, par quarante députés.  

“J’observe que, depuis 15 ans, tous les ministres de la Santé ont proposé des mesures incitatives pour faire venir des médecins dans des déserts médicaux : défiscalisation, prime à l’installation, télémédecine, maison de santé pluridisciplinaire, communauté hospitalière de territoire, etc. Tout a été fait… tout. Mais ça ne suffit pas”, se justifie le député d’Ille-et-Vilaine (Bretagne) auprès de Ouest-France. “La médecine est libérale mais elle doit être régulée”, estime-t-il encore. L’élu est par ailleurs convaincu que les médecins qui seront obligés d’aller dans les déserts médicaux pourront “s’y attacher”.  

A ses yeux, les études de médecine étant “financées par l’argent public” et “le remboursement des consultations” étant “assuré par la Sécurité sociale qui est abondée par les cotisations sociales des citoyens”, il est “normal” que les médecins exercent dans les territoires en besoin.  

Parmi ses autres propositions : un préavis d’un an pour changer de lieu d’exercice afin que les ARS aient le temps trouver un remplaçant, l’installation en zone sur-dotée conditionnée au départ à la retraite d’un médecin ou encore ou la publication officielle du nombre de praticiens formés... par département et du nombre de médecins exerçant officiellement la médecine à l’issue de leurs études. Les 40 députés souhaitent enfin que les zones sur-dotées et sous-dotées soient revues chaque année “pour une meilleure prise en compte de l’évolution démographique des territoires et de leurs besoins”.  

 

La réaction de l’UFML-S 

“Halte aux Tartuffes !”, s’est empressé de réagir l’UFML-Syndicat. Exaspéré par l’argumentation du député, le syndicat du Dr Jérôme Marty a tenu à rappeler, dans un communiqué, que “l'État ne paie pas plus les études des médecins que celle des autres professions, la formation de médecin a un rapport qualité-prix bien meilleur que celle d'un énarque…, les médecins remboursent la nation tout au long de leurs études en assurant le fonctionnement des hôpitaux pour des salaires symboliques et des horaires à rallonge, les médecins sont déjà allés travailler plusieurs années en zones sous-dotées au cours de leur cursus, pour assurer la survie des hôpitaux périphériques”.  

“Ce ne sont pas les médecins qui ont détruit les territoires, fermé les services publics, multiplié les faillites, les disparitions de commerces et d'artisanat. Ce ne sont pas les médecins qui ont provoqué les départs, d'une ruralité devenue sans avenir, vers la ville”, écrit également le Dr Marty, pour qui la médecine de ville a été abandonnée depuis des années.  

Pointant du doigt la méconnaissance du système libéral chez les politiques, le président du syndicat demande un plan Marshall afin de réparer “trente ans d’erreurs” et une réforme où seraient abordés différents points tels que le financement de l’Assurance maladie, le rôle et la place des organismes assurantiels, la démocratie sanitaire et la rémunération et tarifs des actes médicaux. Il appelle enfin tous les responsables à la prudence. “Demain les médecins pourraient, en nombre, tourner le dos à ce qui ressemble de plus en plus à une servitude (...) Ce ne sont pas des mesures d'obligation d'installation qui sauveront notre système solidaire. La médecine ne peut pas se construire sans connaître et respecter les médecins. Oublier cela c'est construire encore et encore pour demain une France sans médecins”, prévient-il.  

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