Rhumatismes inflammatoires : des recommandations nutritionnelles dédiées

21/03/2023 Par Brigitte Blond
Nutrition
Les biothérapies ont transformé le pronostic des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC). Toutefois, au-delà des médicaments, les patients souhaitent parfois être acteurs de leur pathologie, naturellement. Dans ce contexte, l’alimentation vient de faire l’objet de recommandations. 

 

Au total 600 000 individus en France souffrent d’un rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) : polyarthrite rhumatoïde (PR) qui touche plus volontiers des femmes en périménopause, spondylarthrite ankylosante (des hommes jeunes) ou rhumatisme psoriasique (hommes et femmes). Si les traitements (15 de fond aujourd’hui) permettent de diminuer les douleurs et d’empêcher les destructions articulaires, ils ne sont pas dénués d’effets indésirables et certains symptômes (raideur et fatigue) peuvent persister. L’alimentation pourrait-elle être alors un soin de support ? C’est en tout cas la question que se posent souvent les intéressés.  

Au diagnostic de RIC, 44% des patients modifient leur alimentation, sans lactose, sans gluten, etc., les deux tiers sans en parler avec le spécialiste. Ainsi, le quart des patients PR considèrent que certains aliments améliorent (poisson, fruits rouges) ou aggravent (viande rouge, soda sucré) leurs symptômes, ce qui conduit à des régimes d’exclusion ou d’évitement potentiellement délétères pour des comorbidités comme une ostéoporose ou des maladies cardiovasculaires que l’on rencontre plus souvent chez ces malades. 

Or les données sont limitées et ne répondent pas à toutes les questions. La majorité des cellules immunitaires sont en effet dans le tube digestif et ce que l’on mange module leur fonction. Des liens ont été objectivés entre l’alimentation et le microbiote intestinale bien sûr, mais aussi la douleur. 

 

Sept principes généraux 

Des recommandations de la Société française de rhumatologie ont été ont été publiées en mars 2022 sous la houlette des Prs Claire Daien et Jérémie Sellam, tous deux rhumatologues. Elles reposent sur des avis d’experts et la littérature scientifique. Elles sont précédées de 7 principes généraux. 

Premier principe, les conseils nutritionnels ne doivent pas se substituer au traitement pharmacologique bien sûr, mais viennent en complément du traitement de fond, aucune intervention alimentaire n’ayant montré d’effet structurel… Si conseils il y a, ils doivent être donnés sur une base scientifique et intégrés dans une prise en charge globale, activité physique, évaluation régulière des facteurs de risque vasculaire, etc. Parler de l’alimentation est - quatrième principe - d’ailleurs un moyen d’impliquer activement le patient dans cette prise en charge au long cours… 

Cinquième principe, "les conseils nutritionnels au-delà de potentiels effets articulaires, en ont d’indéniables extra-articulaires, cardiométaboliques et osseux notamment, bienvenus dans la mesure où pour ces derniers, les corticoïdes proposés souvent et au long cours, favorisent une ostéoporose", a souligné la Pre Daien, rhumatologue à l’hôpital Lapeyronie (CHRU de Montpellier) lors de la Journée Benjamin Delessert (3 février 2023).  

Par ailleurs, les conseils nutritionnels doivent prendre en compte le...

contexte socioéconomique et culturel. Et ils sont, de plus, indissociables d’une activité physique adaptée. 

 

Principalement, perdre du poids 

Première recommandation, chez les patients en surpoids ou obèses, l’accompagnement vers une perte de poids permettrait de contrôler l’activité du RIC : l’obésité est effectivement associée à un état inflammatoire de bas grade qui amplifie la douleur. « Les personnes qui perdent du poids répondraient 6 fois mieux aux traitements », rapporte-t-elle. La perte de poids améliore, bénéfice collatéral, le statut cardiométabolique.  

Le régime sans gluten ne devrait pas être proposé pour le contrôle de l’activité d’un RIC, en l’absence de maladie cœliaque confirmée : les essais sont rares et difficiles à interpréter… et surtout le gluten est souvent remplacé par des aliments hautement transformés, riches en lipides, sucre et sel ; la consommation de gluten est ainsi inversement corrélée au risque de diabète. 

Le jeûne ou le régime végétalien ne devraient pas être proposés non plus : prolongée (sur 10 jours), le jeûne peut être efficace sur les symptômes articulaires mais son effet est suspensif.  

Le jeune intermittent n’a pas été étudié – ou mal - comme d’ailleurs, les régimes végétariens ou végétaliens.  

Pour les laitages fermentés, leur éviction ne devrait pas être proposée : aucune étude dédiée n’est informative et les symptômes ne sont pas aggravés à leur réintroduction. En revanche, on sait que la masse osseuse est corrélée à la consommation de calcium, que les produits laitiers protègent des fractures (de hanche en particulier) et semble-t-il aussi du risque cardiovasculaire. 

Autre recommandation positive, en plus de la perte de poids, la consommation ou supplémentation en oméga3 (EPA+DHA à plus de 2 g/jour pour une cure initiale de 3 mois avant de poursuivre) qui améliore douleurs et raideur matinale des patients PR en agissant sur le nombre d’articulations gonflées.  

Le régime méditerranéen est également conseillé. On en mesure mal les effets sur l’articulation, mais parfaitement sur le risque cardiovasculaire (comorbidité première des RIC, et de la PR notamment). Pour le contrôle de l’activité du RIC, il n’y a pas d’indication pour une supplémentation en vitamines B9, D, E ou K) ou en oligo-éléments (sélénium et/ou zinc). Faute de données suffisantes, les probiotiques non plus ne sont à ce jour pas indiqués. 

Enfin, "les épices (safran, cannelle, ail, gingembre, sésamine, concentré de grenade) pourraient avoir à hautes doses des effets sur les RIC : les évoquer permet d’amorcer un dialogue d’ouverture avec des patients sur ce qu’il leur est possible de tenter de leur côté pour réduire leurs symptômes, la non-recommandation étant parfois plus la marque d’un déficit de données que d’études négatives", nuance la Pre Daien. 

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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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