De nouveaux outils diagnostiques et bientôt des traitements permettent d’espérer une amélioration de la prise en charge de cette pathologie, qui est train d’exploser, et qui reste pourtant très insuffisamment prise en charge.

A l’occasion de la 3ème édition de la Journée mondiale de la steatohépatite non alcoolique (Nash pour non alcoholic steatohepatitis), le 12 juin, les associations de patients concernées se sont réunies pour attirer l’attention sur cette pathologie qui est en train de flamber, mais qui reste pourtant peu connue du grand public et insuffisamment prise en charge. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’un quart de la population mondiale serait touchée par la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD pour non alcoholic fatty liver disease), avec une prévalence qui s’est accrue de 15 à 25 % au cours de la période 2005- 2010. Le risque est l’évolution de la NAFLD vers une Nash, où l’accumulation de graisse intra-hépatique (stéatose) est associée à une inflammation, entraine une destruction des hépatocytes et une fibrose.  

En France, selon les données de la cohorte Constances (Inserm) près de 7,8 millions, soit 18,2% de la population adulte seraient ainsi concernée par une stéatose métabolique, dont 2,6% avec une maladie hépatite avancée. 20 % des patients souffrant d’une fibrose de niveau 3 développent une cirrhose (fibrose de niveau 4) en moins de deux ans, ce qui multiplie par 3 le risque de mortalité. Ainsi, 200 000 personnes seraient à haut risque de développer une cirrhose. Et les perspectives sont particulièrement inquiétantes puisque les études estiment que d'ici 2030, la prévalence globale de la Nash pourrait augmenter de 63 %, tandis que celle de la fibrose avancée devrait plus que doubler. Un autre problème de cette pathologie est le fait qu’elle reste souvent silencieuse et que les symptômes ne surviennent qu’à un stade avancé de la maladie. En conséquence, quand les symptômes apparaissent, la maladie en est déjà à un stade avancé. Dans ce contexte, les pistes d’amélioration reposent sur trois piliers : le dépistage des patients nécessitant une prise en charge, un meilleur parcours de soins et de nouveaux traitements.   Identifier les sujets à risque La Nash est deux fois plus fréquente chez l'homme (25,8%) que chez la femme (11,4%) ; et elle augmente avec l'âge. L’obésité et le diabète sont des facteurs de risque majeur. Ainsi, 60% des sujets en surpoids seraient concernés par une NAFLD. Et ce serait le cas de quasiment tous les sujets ayant une obésité morbide (98%). 55% des patients diabétiques de type 2 présenteraient une NAFLD, dont près de 12,7 % auraient une fibrose avancée. La Nash apparait particulièrement sévère pour les sujets diabétiques sans que l’on sache précisément pourquoi, avec un risque accru vers un cancer hépatique. Selon certaines données, dans les 20 prochaines années, la Nash pourrait être responsable de 29% des greffes de foie et de 812 000 décès dans cette seule sous population. Jusqu’à présent, l’examen diagnostique de référence était la biopsie hépatique. Mais il s’agit d’un geste invasif assez lourd (une journée d’hospitalisation, risque de saignement…). Il existe maintenant des tests non invasifs qui estiment de degré de fibrose du foie. Ces tests sont tout d’abord des examens sanguins. Certains sont simples, et permettent grâce à l’établissement d’un score (FIB-4 et NAFLD Fibrosis Score) à partir de paramètres biologiques standards (transaminases, bilirubine, plaquette, TP, albumine…), d’évaluer le risque de fibrose. Ils pourraient être utilisés par les médecins généralistes pour sélectionner les patients à envoyer en consultation d’hépato-gastroentérologie. Ces tests sont recommandés par de nombreuses sociétés savantes, dont l'European Association for the Study of the liver (EASL). Il existe aussi des tests sanguins spécialisés plus couteux mais aussi plus performants, qui pourraient être réservés aux spécialistes. Ensuite, diverses techniques d'élastométrie hépatique permettent aux spécialistes, en mesurant la « dureté du foie » d’identifier le petit sous-groupe de patients ayant une forme avancée de la maladie qui nécessite une prise en charge spécifique. L’enjeu dorénavant est de définir quels sont les patients à risque sur lesquels réaliser ces tests. Des recommandations des sociétés savantes devraient dans ce domaine devraient être publiées prochainement.   Un parcours de soins chaotique La prise en charge des patients reste chaotique. Une étude menée en 2018 sur 133 médecins diabétologues (Diabet. Med. 35, 89–98 (2018) a mis en évidence le manque de connaissance de ces spécialistes sur la Nash. Ainsi, moins de 5 % des répondants ont évalué correctement la prévalence et la sévérité de la maladie chez les sujets diabétiques. Alors que la plupart des cliniciens ont effectué des tests de la fonction hépatique, seuls 5,7 % ont répondu qu'ils utiliseraient ou avaient utilisé un test non invasif pour déterminer la gravité des maladies hépatiques grasses non alcooliques. Le médecin généraliste, qui suit la majorité des patients diabétiques, est aussi peu formé à cette pathologie. Chez les patients, le manque d’information est majeur. Une étude réalisée chez 161 patients atteints de Nash (40 % hommes moyenne d’âge de 51 ans) a aussi montré que les trois quarts d’entre eux (72%) ne connaissaient pas la Nash avant le diagnostic. Et actuellement, seul 1 patient sur 5 déclare connaître la différence entre Nash et NAFLD. Les patients regrettent ce manque de d’informations car ils estiment, dans la grande majorité des cas, que cela aurait pu leur permettre de modifier leurs comportements. Les patients sont demandeurs de nouveaux traitements, mais aussi d’un meilleur parcours de soins, ainsi que d’une amélioration de la fréquence de suivi. Ils réclament plus d’information sur les différentes étapes de la maladie : le suivi (49%), les complications (46%), et le diagnostic (40%) ; ainsi que sur les bénéfices liés au régime alimentaire (44%) et à l’activité physique (38%). Généralement, les patients se considèrent comme passifs face à la maladie, résignés et pessimistes, rapporte aussi cette étude.   De nouvelles possibilités thérapeutiques en perspective La prise en charge des patients atteints de Nash est multidisciplinaire. Elle repose sur un changement de mode de vie, et en premier lieu sur une perte de poids (ou un rééquilibre nutritionnel), qui permet de réduire l’impact de la maladie, et est recommandé pour tous les stades de la maladie. Ainsi, une étude sur 293 patients atteints de Nash (Gastroenterology 2015;149:367–378 ) a montré qu’une perte de poids de 10% améliorait les caractéristiques histologiques de la maladie avec notamment une régression de la fibrose. « Mais seule 10 à 15% des patients y arrive et à le maintenir ce poids » souligne le Pr Jérome Boursier, hépatologue au CHU d’Angers. L’exercice physique est aussi fondamental : il améliore de façon quasi systématique les lésions du foie. Actuellement, aucun traitement pharmacologique n'a été approuvé pour traiter spécifiquement les personnes atteintes de Nash. Et au vu de la progression de la maladie, il y a un besoin urgent de nouveaux traitements. La recherche est très active dans ce domaine. Une étude publiée en 2020 ainsi répertorié 196 molécules en cours d’évaluation pour le traitement de la Nash (Liver International, 2020;40(Suppl.1):96-101). Certaines possibilités thérapeutiques apparaissent très prometteuses dans un avenir assez proche, avec des molécules actuellement en phase 3 de tests. C’est le cas, en particulier, de l’acide obéticholique (développé par Intercept), un analogue de l'acide chénodésoxycholique, le ligand naturel du récepteur FXR, qui joue un rôle clé dans la régulation de la santé du foie. L’acide obéticholique a démontré une efficacité sur la diminution de la fibrose. Il pourrait être mis sur le marché d’ici à ou 2 ans. Des traitements anti-inflammatoires sont également en cours d’évaluation, ainsi que des médicaments anti-fibrosants. Enfin, certains antidiabétiques sont en cours d’évaluation dans la Nash. Mais une seule molécule est pour l’instant intégrée dans les recommandations de traitement de la Nash : la pioglitazone. Entre le développement des outils diagnostiques et l’espoir de nouveaux traitements, le Pr Boursier conclut : « tout est maintenant sur la table pour faire reculer la maladie ». Les challenges restent l’identification des patients nécessitant une prise en charge, et l’information des patients comme des professionnels.

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