L’intelligence artificielle : vers la médecine du futur

10/03/2023 Par Alexis Dussol
E-santé
Chat GPT, le robot conversationnel de la société californienne Open AI, lancé en novembre 2022, suscite aujourd’hui un formidable engouement. N’a-t-il pas failli réussir un difficile examen de médecine aux Etats-Unis (1) ? Cette performance révèle tout le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) en santé. Nous sommes probablement à la veille d’une révolution qui est en train de dessiner les contours de la médecine du futur. La France s’y prépare.
 

« L’intelligence artificielle [IA] se généralise, son usage se démocratise dans tous les secteurs. Elle se propage à grande vitesse dans le système de santé » a observé Marie-Laure Denis, la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), lors d’un colloque organisé par le Conseil d’Etat, la CNIL et l’IHU ICAN (Paris), le 10 février dernier. Preuve de cet engouement, le nombre de publications dans les grandes revues médicales. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a déjà autorisé 520 dispositifs intégrant de l’IA ! En France, plusieurs outils d’aide au diagnostic, à la prescription ou à la décision thérapeutique existent déjà. L’imagerie est aujourd’hui l’indication privilégiée parce qu’elle fournit une quantité d’informations dont certaines sont inaccessibles à l’œil humain. D’autres cas d’usage sont prometteurs en dehors des soins. La base de données de l’Assurance Maladie permettra d’analyser les parcours de soins, de prédire une ré-hospitalisation ou l’évolution d’une épidémie. Autre prouesse de l’IA, la création de « jumeaux numériques », des organes virtuels en 3D permettant au médecin de mieux comprendre un état de santé ou de tester une intervention. Un projet sur lequel Dassault Systèmes travaille avec l’Alliance des IHU. Tous ces outils d’IA sont conçus à partir de bases de données massives. C’est leur matière première.   Les enjeux des mégadonnées Il existe aujourd’hui de multiples bases éparses de nature diverse (images, textes, comptes rendus, …). Le premier enjeu est de les repérer et de s’assurer de leur qualité. Les données doivent pouvoir être utilisées par les algorithmes. Elles doivent être numérisées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, par exemple, des ECG ou des images d’anatomo-pathologie pourtant riches d’informations. Les données textuelles répandues dans les hôpitaux et en médecine de ville doivent aussi pouvoir être identifiées. L’utilisation des données de santé doit être conforme aux exigences de la réglementation car considérées comme particulièrement sensibles, elles bénéficient d’une protection renforcée. Le challenge sera de « concilier la protection des droits individuels fondamentaux avec la protection de la santé et l’amélioration des systèmes de prévention et de soins », selon Didier Tabuteau, vice-président du Conseil d’Etat   Des exigences éthiques La France se prépare, depuis quelques années, aux défis de l’IA. Elle dispose d’un réel atout avec le RGPD, un standard devenu européen puis mondial. Elle s’est dotée, depuis la loi du 26 janvier 2016, d’un système national des données de santé unique au monde. Le Conseil d’Etat, qui s’est investi depuis longtemps sur le sujet à travers les rapports qui ont conduit à la loi Informatique et Libertés de 1978, a remis au Premier ministre une étude intitulée : « Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance » (2). Le Conseil d’Etat y formule 7 grands principes qui doivent guider l’action publique afin d’obtenir la confiance des Français. Le premier d’entre eux est celui de la primauté humaine. « Aucun process ne doit apparaitre comme ayant une issue autre qu’une décision humaine » martèle Thierry Thuot, qui a présidé le groupe d’études. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de la santé où règne souvent des craintes infondées. Le même garde-fou se retrouve dans le label de la « garantie humaine » introduite par la loi de bioéthique du 2 août 2021 et le règlement européen sur l’IA. Ce label prévoit des points de supervision humaine dans les dispositifs d’IA. La CNIL, appelée à jouer un rôle central dans le déploiement de l’IA, est consciente de la contrainte ressentie par les acteurs en raison du régime de formalités préalables. Elle a déjà commencé à adapter son cadre d’analyse aux particularités de l’IA. Elle a créé en 2021, un dispositif de « bac à sable » qui permet aux organismes sélectionnés de bénéficier d’un accompagnement personnalisé pendant plusieurs mois. Elle a adopté, la même année, un référentiel pour les entrepôts de données de santé qui les dispense d’une autorisation préalable. L’Union Européenne (UE) fait preuve, de son côté, d’un fort volontarisme avec un projet de règlement sur un espace européen de données de santé (EHDS) qui s’ajoute au projet de règlement sur l’IA. L’Europe entend jouer un rôle de premier plan dans la compétition internationale autour de l’IA tout en l’encadrant de façon à la rendre digne de confiance.   (1) Kung TH et al. PLOS Digital Health. 9 février 2023
(2) Rapport adopté le 31 mars 2002

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