Repérer la douleur des personnes âgées

et durables tant sur le plan médical que social. "Des répercussions en cascade sont souvent observées sur l’accélération du déclin fonctionnel, le repli sur soi, l’anxiété, la dépression, l’anorexie, la dénutrition ou les troubles du sommeil, et également sur l’aggravation des handicaps et la perte d’autonomie“, affirme Gisèle Pickering. L’enjeu principal est donc la prévention et le dépistage. Et ce d’autant plus que la douleur peut s’exprimer de multiples façons chez ces sujets: anorexie, confusion, mutisme, ce qui rend le diagnostic difficile. Il faudra, en particulier être attentif à ne pas attribuer à tort des troubles comportementaux ou psychologiques à des troubles psychiatriques. "A un âge avancé, la présentation de la douleur est souvent atypique avec une réduction de la plainte douloureuse et quelquefois de l’intensité des symptômes algiques, souvent dans un contexte de déficit cognitif“, confirme ainsi le Pr Pickering. "Dans la plupart des situations, le discours des personnes âgées est court et insuffisant pour prendre l’origine et la mesure de leur état douloureux. La connaissance des principaux signes est essentielle afin de pouvoir alerter dans les meilleurs délais et permettre la mise en place de réponses adéquates sociales ou médicales“, ajoute Isabelle Viallon, directrice adjointe opérationnelle de l’association Agir Innover Mieux Vivre qui (Aimv), qui, en partenariat avec la Fondation Apicil et le CHU de Saint-Etienne, s’engage pour améliorer la formation des soignants dans ce domaine. En outre, face à ce manque de communication, les soignants sous-estiment fréquemment la douleur de la personne âgée. Il a ainsi été montré qu’il existait des écarts importants entre ce que perçoit le malade de son état et ce qu’en disent les soignants. "L’expression de la personne âgée se heurte aux limites de l’empathie et de la compassion d’autrui qui ne peut se mettre physiquement à sa place, souligne la Fondation Apicil. Estimer l’intensité de sa douleur représente une difficulté majeure pour transmettre aux intervenants les éléments nécessaires à l’adaptation de la prise en charge.“
Des échelles d’évaluation adaptées
Pour aider les professionnels, il existe des échelles d’évaluation de la douleur. L’auto-évaluation reste le gold standard, avec une préférence pour les échelles verbale et numérique. Le Questionnaire Douleur Saint-Antoine dans sa forme abrégée et le DN4 ne sont pas validés en gériatrie, mais utiles pour les patients communicants. Le Pr Pickering préconise d’utiliser en priorité l’échelle verbale, qui comporte une série de qualifications hierarchisées pouvant être adaptée au patient et décrivant l’intensité de la douleur (absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense), et l’échelle numérique (notée de 0 à 10).
A côté de ces échelles d’auto-évaluation unidimensionnelles, il existe des échelles comportementales. Ces outils d’hétéro-évaluation sont utilisés pour éliminer un phénomène douloureux chez un patient qui ne peut communiquer: sujets âgés dément, cérébrolésé, en réanimation…. Il s’agit en particulier des échelles en Doloplus, Ecpa-2, Algoplus et Pacslac. "Néanmoins, ces échelles restent encore aujourd’hui sous-utilisées dans les établissements de santé et en médecine générale“, regrette le Pr Pickering. Cette évaluation de la douleur sera complétée par l’évaluation de son retentissement et le repérage de la souffrance psychique (Evaluation Gériatrique Standardisée, pathologies chroniques pré-existantes, sources d’incapacité, questionnaires).
Vigilance avec les antalgiques
Si les traitements antalgiques utilisables chez le sujet âgé sont théoriquement les mêmes que chez le patient plus jeunes, le risque iatrogène, lié aux comorbidités et aux interactions méducamenteuses, fait qu’il nécessite fréquemment un adaptation posilogique en fonction du poids, du contexte clinique, d’une insuffisance rénale, d’ue comédication... "Les formes topiques, à privilégier, sont encore peu nombreuses“, regrette le Pr Pickering, qui conseille aussi de d’ajouter au médicaments antalgiques des techniques non pharmacologique de prise en charge de la douleur. Il s’agira, enfin, de reforcer la recherche clinique dans ce domaine, en développant "des essais cliniques médicamenteux randomisés de bonne qualité et des études observationnelles larges, ciblés dans ces populations vulnérables, afin d’évaluer dans la vraie vie le rapport bénéfice/risque des antalgiques et proposer des stratégies thérapeutiques adaptées au contexte clinique“, affirment les auteurs de ce Livre Blanc.
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