"Il n’y a pas d’avenir pour les médecins" : épuisée, cette généraliste part en retraite anticipée

Alors que le nombre de médecins généralistes devrait stagner pendant encore sept ans, certains font le choix de quitter la profession. La Dre Patricia Coroller, médecin généraliste à Quimper (Finistère) devait partir en retraite en 2026, à l’âge de 67 ans sans décote. Mais, fatiguée par la charge toujours plus conséquente de travail administratif, par le discours et les décisions politiques et par l’évolution du métier de médecin, elle a décidé de prendre sa retraite par anticipation, deux ans plus tôt que prévu. Au 1er janvier 2024, la généraliste sera officiellement retraitée. Elle explique à Egora sa décision mûrement réfléchie.
"J’ai toujours exercé à Quimper. J’ai commencé par des remplacements puis je me suis installée seule en 1991. Cette année-là, il y avait beaucoup de médecins et peu de patients. J’ai créé mon activité professionnelle et je suis aussi devenue maître de stage en 2004. J’ai rencontré beaucoup d'internes dont une, qui est revenue me voir il y a huit ou neuf ans. Elle voulait travailler de nouveau avec moi, j’étais d’accord. Alors, nous sommes parties sur un exercice en temps partagé. On avait un bureau, et on alternait, une faisait le matin de 8h30 à 14h, l’autre reprenait l’après-midi. C’était une méthode qui était intéressante parce qu’elle me permettait de souffler, d’être moins sous pression.
Le temps a passé, il y avait de moins en moins de médecins et de plus en plus de demandes de nouveaux patients. Alors, il y a quatre ans, j’ai transformé une pièce pour qu’on puisse avoir chacune un bureau. Ce qui fait que j’ai augmenté mon temps de travail sans vraiment m’en rendre compte. Après le Covid, je m’y suis mise en permanence parce qu’il y avait énormément de consultations. Mon temps de travail a par conséquent encore augmenté. Lorsque je rentrais chez moi j’étais fatiguée, c’était dur. Plus je vieillissais, plus mon temps de travail augmentait. On a même pris un logiciel qui nous permet de travailler depuis la maison. Je comptais 35 à 40 heures de travail par semaine... alors qu'on se partageait les journées normalement. Quand j’étais en vacances, je me demandais : ‘Comment se fait-il que je sois si fatiguée au bureau alors qu’en vacances, je peux faire des marches, randonner sans problème ?’
“Je n’arriverai jamais à accélérer encore plus le rythme”
En décembre 2022, j’avais déjà manifesté avec mes collègues du Finistère devant la CPAM de Quimper, par rapport à tout ce qu’ils nous promettaient. Et puis, au fil du temps, je me suis rendu compte que ce n’était plus possible. Les politiques nous demandent d’augmenter notre temps de travail, de voir plus de patients, d’accélérer nos consultations, mais où est la qualité ? Ils ont oublié qu’on faisait de la médecine ! On prend en moyenne trois patients par heure. J’ai compris que je n’arriverai jamais à accélérer encore plus le rythme. On était pourtant dans des conditions idéales. On a optimisé le logiciel médical, on a des patients super conciliants qui faisaient leurs prises de sang avant le renouvellement, par exemple. Mais on ne pouvait pas augmenter davantage. Si on a des patients en face de nous, il faut qu’ils prennent le temps de s'asseoir, de parler, de se déshabiller.
Tous les jours, dans mon cabinet, je me dis ‘il faut que mon patient voie un spécialiste’ mais je n’en ai pas de disponible. C’est plus d’un an pour les cardiologues, il faut faire 100 km voire 200 km aller-retour. Nos consultations se sont aussi densifiées en motifs, en problèmes. Quand j’ai commencé à exercer, les consultations étaient plus “simples”. Aujourd’hui, on est face à des patients plus lourds, avec des pathologies chroniques qui se sont multipliées. Cette augmentation des motifs de consultations fait qu’on est obligés d’anticiper encore plus la consultation. Il faut rajouter à cela les problèmes informatiques. Quand ça ne marche pas bien, ça nous rajoute du temps administratif. Avant j’essayais de faire au mieux... Maintenant si je vois qu’Ameli marche, je continue sinon je prends tout de suite un papier.
“On n’est pas des surhumains”
Si on écoute les arguments de politiques, les médecins ne travaillent pas assez. La preuve puisqu’on nous dit d’augmenter notre nombre de patients. Les médecins font aussi trop d’arrêts de travail. Cet hiver, on disait qu’on prescrivait trop d’antibiotiques, donc maintenant sur notre logiciel d’aide à la prescription à chaque fois qu’on prescrit de l’amoxicilline, il y a une alerte ‘attention avez-vous bien vérifié que vous prescriviez cet antibiotique dans les règles de l’art ?’ Après, on a aussi dit ‘les médecins ne veulent plus faire de garde, ils ne veulent plus travailler le samedi’. Mais il n’y a aucune raison qu’on nous astreigne nous médecins libéraux à travailler nuit et jour 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24...
D'accord, pas d'accord ?
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Francois Laissy
Non
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