Déserts : "Nous sommes au bord de l'explosion, c'est l'échec total des politiques publiques"

26/07/2018 Par A.M.
Démographie médicale

De la Paces à l'exercice des médecins étrangers en passant par l'internat et le régime des remplaçants, la commission d'enquête parlementaire sur l'égalité de l'accès aux soins a creusé durant quatre mois pour trouver les solutions qui permettraient d'accroître le temps médical disponible à court et moyen terme. Elle vient de rendre un rapport de 237 pages, contenant au total 28 propositions. Décryptage avec son rapporteur, le député pro-coercition Philippe Vigier (UDI), qui a tenu à soutenir personnellement trois mesures contre vents et marées.

  Egora.fr : Votre rapport commence par dresser le constat de l'échec des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre les déserts médicaux. Est-ce à dire que les aides à l'installation sont inutiles ? Philippe Vigier : L'accès aux soins sur l'ensemble du territoire français, jusque dans Paris, est de plus en plus difficile. Et pourtant il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises ces dernières années et beaucoup d'argent public qui a été mis sur la table.  

  C'est un échec total des politiques publiques qui ont été conduites. Tout ça remonte à loin : au numerus clausus fortement diminué il y a une trentaine d'années et qui n'a été réaugmenté qu'en 2004-2005, à l'encouragement au départ à la retraite des médecins autour des années 2000… Et il y a un mal plus profond. Il y a de moins en moins de jeunes qui veulent s'installer en ville ; ils travaillent moins qu'ils ne travaillaient auparavant du fait d'une organisation de la vie qui est différente, de la féminisation de la profession… Quand vous additionnez tout ça, il y a moins d'heures de médecin disponibles qu'il n'y en avait il y a 20 ans alors qu'il y a davantage de maladies chroniques. Cet ensemble de causes a conduit à un véritable naufrage, nous sommes au bord de l'explosion. Si la médecine libérale va mal, la médecine publique ne va très bien non plus : il y a 30% de postes vacants. Les aides à l'installation ont permis quelquefois d'attirer un médecin à tel endroit. Ça a permis de gérer la pénurie, mais ça ne suffit pas. Ce n'est pas parce que vous donnez un chèque de 50.000 euros que quelqu'un va rester 5 ans. On voit bien le nomadisme qui s'organise… On ferait mieux de revaloriser de 10 euros les consultations en zone sous-dense.   C'est l'une des trois propositions du rapporteur, qui a été d'ailleurs bien accueillie par les syndicats. Pourquoi n'a-t-elle pas été retenue par la commission ? Oui il y a 25 propositions qui ont été adoptées par la commission, sur lesquelles on est parvenu à un arbitrage (le numéro unique de régulation, par exemple), et trois autres qui sont celles du rapporteur. La revalorisation de la consultation, c'est un moyen d’incitation très fort. C'est une reconnaissance de l'acte du généraliste qui a été sous-valorisé. Une consultation peut durer un quart d'heure comme une heure et vous avez en face de vous quelqu'un qui est Bac+10, +11, +12, qui a de plus en plus de paperasseries, de contraintes administratives. C'est quand même normal que la reconnaissance se traduise aussi sur le plan financier…   Autre proposition qui n'a pas fait l'unanimité, la régulation… Alors on ne parle pas des 25 propositions et on va chercher les trois dernières ! Ce serait le mépris de 4 mois de travail de la commission d'enquête parlementaire. On ne peut pas gommer comme ça 31 auditions, 40 contributions individualisées, 128 personnes qui sont venues… D'abord, aucune des 25 autres mesures n'a fait l'unanimité : on a voté majoritairement. Ensuite ne tombez pas dans le panneau : j'ai dit que si les 25 autres mesures ne marchaient pas, on en serait conduit à la régulation.   Quelles sont les propositions qui doivent être mises en œuvre sans délai ? Elles sont nombreuses. L'exonération des charges sociales pour les médecins retraités en exercice, le nouveau statut de médecin assistant de territoire, le statut de travailleur non salarié pour les médecins remplaçants ou non thésés qui viennent prêter main forte à des médecins installés… C'est aussi permettre aux 12.000 médecins diplômés de l'étranger qui travaillent dans les hôpitaux publics français de passer l'examen de vérification des connaissances et compétences pour être inscrit à l'Ordre et avoir l'autorisation d'exercer en libéral [en les dispensant de la période probatoire de trois ans, NDLR]. Pour les remplaçants, on propose de passer à un système déclaratif, et non d'autorisation. De même pour les médecins adjoints : il y quand 2000 à 3000 médecins non thésés dans la nature, il faut les récupérer.   La commission plaide aussi pour le retour aux internats régionaux. En quoi est-ce une solution ? Il suffit de regarder les statistiques : quand vous êtes formé dans une région, vous avez plus d'une chance sur deux d'y rester pour votre vie professionnelle et familiale. On revient à ce qui marchait. Dans une région, il est très facile de savoir quels sont les besoins pour chaque spécialité. A partir de là, on ouvre le concours en fonction des besoins. C'est du cousu main pour la formation des médecins. Pour autant, je laisse la liberté de choix des endroits : on pourrait passer trois concours. Avec l'examen national classant, vous n'avez aucun choix. Si vous voulez être radiologue à Lyon, vous avez intérêt à être dans les 600 premiers. Si vous êtes 7000e, c'est terminé. C'est une coercition.

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