Tout a commencé il y a quelques années. En 2016, le Dr Romain Troalen, médecin généraliste à Neuilly-sur-Marne (93) a besoin de faire entrer l’une de ses patientes à l’hôpital et à force d’appels, tombe sur le Dr Clément Morin, interniste à l’hôpital Saint-Camille (94). “Il a été très arrangeant et m’a résolu mon problème très vite. Nous avons sympathisé et sommes allés boire un café ensemble”, raconte-t-il. Les deux médecins se découvrent plusieurs points communs, comme celui d’être allés à la même faculté de médecine à Paris et d’être passés dans le même service de médecine interne en stage. “Ce chef de service a été une personne très marquante pour nous deux”, se souvient le Dr Morin. Rapidement, ils ont l’idée d’un premier projet, les “STAFFs Saint-Camille”, des conférences pour rapprocher les médecins de ville et les médecins hospitaliers, validée comme formation DPC depuis. Éviter l’enfer de l’adressage habituel “A l’issue de ces réunions, je rentrais avec une enveloppe pleine de lettres de professionnels de santé qui cherchaient à adresser leurs patients. On a donc commencé par une étape intermédiaire d’adressage avec une feuille à remplir à la main par les généralistes pour que les patients puissent venir en hôpital de jour, en consultation ou en hospitalisation”, poursuit le Dr Morin. Alors pour éviter l’enfer de l’adressage habituel, les deux amis ont l’idée une plateforme dédiée à tous les professionnels de santé : DOCNCO.
Le principe est simple : un professionnel de santé quel qu’il soit, face à une problématique qu’il ne peut pas résoudre pour des questions de compétences, de matériel, d’expertise va pouvoir demander à un autre professionnel de santé de l’aider à résoudre son problème en demandant un simple avis, une consultation, une demande d’hôpital de jour ou une hospitalisation. “Cela peut être Clément qui a besoin d’un spécialiste dans un autre hôpital, moi en tant que généraliste qui ai besoin d’une prise en charge par un cardiologue”, explique le Dr Troalen. Gain de temps Trois options s’offrent aux professionnels de santé : être demandeur (faire des demandes de prise en charge, ndlr), receveur (recevoir les demandes de prise en charge, ndlr) ou les deux. 90% des médecins généralistes inscrits sur la plateforme sont demandeurs. “Voici un exemple concret d’un patient reçu à mon cabinet, explique le Dr Troalen. Je suspectais un problème méniscal chez lui. Je lui ai fait faire une IRM de son genou, dont les résultats étaient mauvais. Moi, je sais reconnaître si les résultats sont bons ou mauvais, mais je ne sais pas dire plus précisément si je dois faire une infiltration, si cela nécessite une opération… Je me suis donc dis que je devais l’adresser à un confrère orthopédiste, inscrit sur le site. Grâce à DOCNCO, je peux lui transmettre une demande en joignant tous les documents nécessaires. Dans ce cas, les résultats d’IRM, les comptes-rendus d’anciennes opérations, des ordonnances. Lui peut me dire s’il a besoin de voir mon patient ou simplement me rendre un avis sans consultation. C’est d’ailleurs facturable au titre de la télé-expertise. S’il décide de prendre mon patient en consultation, il peut le contacter directement (le patient donne son accord au préalable, ndlr) et moi, de mon côté, je peux suivre directement sur la plateforme quand le dossier est ouvert, quand le rendez-vous est prévu”.
Autre gain de temps pour les médecins et les patients : les receveurs peuvent anticiper les prescriptions. “Dans le cas de mon patient souffrant du genou, mon confrère orthopédiste m’a demandé de lui prescrire un produit pour faire les premières infiltrations. Résultat, en 24h le patient était entièrement pris en charge et pouvait commencer son traitement”, se satisfait-il. 500 patients adressés en quatre mois Car c’est bien sur la rapidité d'exécution et la qualité de la prise en charge que misent les deux médecins avec DOCNCO. La réponse est garantie en 4 jours maximum, alors que la procédure ne prend que cinq minutes à peine. En ligne depuis novembre 2019, près de 230 professionnels de santé, dont 115 généralistes et 115 autres spécialités (cardiologie, chirurgie, rhumatologie, neurologie, diabétologie, gynécologie, urgences…), l’utilisent et elle a permis d’adresser près... de 500 patients en quatre mois. “Pour l’instant, c’est très centré ville-hôpital du fait de l’influence des STAFFs Saint-Camille, explique le Dr Morin. Mais le projet est ouvert à toutes les professions. Notre concept est suffisamment simple et universel pour que tous les professionnels de santé puissent trouver n’importe quelle profession, répertoriée sur le site.” Les deux médecins insistent d’ailleurs sur un point : aucune aspiration de donnée n’est permise sur leur plateforme. Si tout est aux normes RGPD (règlement général sur les protections de données), les utilisateurs de DOCNCO ne peuvent trouver que les professionnels de santé inscrits sur le site. Si l’adressage du patient est un gain de temps pour les professionnels de santé, la “désynchronisation” est l’autre avantage. Les médecins n’ont pas besoin d’envoyer leur demande pendant la consultation, ils peuvent le faire quand ils le veulent. “On explique à nos patients ce qu’on va faire pendant le rendez-vous, on leur demande leur accord et on leur fait signer un document avec leurs coordonnées. Mais ensuite, le soir je me pose et je fais les demandes en même temps. On désynchronise ! Il faut compter entre deux à trois minutes pour envoyer une demande. Ce qui est super, c’est qu’on a plus à appeler plusieurs fois parce que tel médecin est au bloc, ou qu’il consulte dans des cliniques différentes en fonction des semaines”, raconte le Dr Troalen. “Moi qui oriente beaucoup, jusqu’à cinq fois par jour, je vois aussi la différence”, renchérit le Dr Morin.
“J’ai l’impression de mieux faire les choses. Je me pose un temps pour faire toutes les orientations en même temps, ce qui me prend moins de temps que de les faire une par une. J’ai moins d’appels et de messages sur des messageries non sécurisées, je suis moins interrompu. Avec DOCNCO, comme il y a tout le détail patient, on peut être précis. Et surtout, les patients sont mieux ciblés. Par exemple, avant je pouvais dire de donner un rendez-vous à un patient à la prochaine consultation alors que son état pouvait attendre… Et inversement, donner un rendez-vous à la huitième personne qui m’appelait le même jour deux mois après, alors qu’elle aurait nécessité d’être prise en charge plus rapidement.” Soulager les urgences Dans un contexte tendu et de crise aux urgences, la plateforme DOCNCO peut aussi avoir son utilité, notamment pour la médecine de ville. “J’ai été récemment appelé un lundi au domicile d’une patiente. Elle n’était pas bien, j’ai beaucoup hésité à l’hospitaliser. Finalement, elle est restée chez elle mais je suis retourné la voir le vendredi, parce que la famille était inquiète à la veille du week-end. Elle était vraiment mal, sauf qu’un vendredi après-midi… Difficile d’avoir quelqu’un au téléphone, illustre le Dr Troalen. On adresse ces patients aux urgences, en général. Or là, grâce à la plateforme, j’ai pu faire une demande pour un lit de gériatrie dans l’hôpital du secteur en décrivant précisément les symptômes de la patiente dès le mardi. L’avantage, c’est que l’hôpital peut aussi de son côté anticiper et savoir qu’il aura cette personne d’ici 48h”. Des projets sont aussi en cours, notamment avec des Ehpad. “Dans ces cas-là, les généralistes pourront être receveurs. Cela permet de faciliter le travail des médecins coordinateurs et d’éviter les messages brefs et vagues ‘ce patient ne va pas bien’”, analyse le Dr Morin.
Ainsi, le parcours de soin “reprend donc tout son sens”, comme ils l’expliquent. “Le mot pertinence est très important pour nous. C’est la base de notre projet. Notre slogan, c’est ‘mettre le bon patient au bon endroit’”, rappelle le Dr Morin. Nous avons l’impression de répondre à la problématique de l’adressage”. L’utilisation est gratuite pour les demandeurs et payante, sous forme d’abonnement pour les receveurs. “Les tarifs ne sont pas définitifs et dégressifs en fonction du nombre de comptes pris. Nous sommes plus médecins que businessman, c’est pourquoi il faut de l’argent pour faire vivre notre idée”, regrettent-ils en précisant qu’une levée de fond est en cours. Il faut compter une cinquantaine d’euros pour un compte. Contact : contact@docnco.fr Site : https://www.docnco.fr/
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