Spondylarthrite ankylosante : un arsenal thérapeutique élargi

01/07/2020 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

Un deuxième anti-IL 17, l’ixékizumab, devrait être prochainement commercialisé dans la spondylarthrite ankylosante. Une bonne nouvelle car on ne disposait jusqu’ici que du sécukinumab pour traiter les patients n’ayant pas répondu aux AINS et aux anti-TNF. « Environ, 30 % des spondylarthrites ankylosantes nécessitent la prise d’un biomédicament, lorsque les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne parviennent plus à soulager les patients », explique le Pr Daniel Wendling, chef de service de rhumatologie au CHRU de Besançon. En effet, à la différence de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et du rhumatisme psoriasique, les traitements de fond comme le méthotrexate n’ont pas de preuve d’efficacité dans l’inflammation associée aux spondyloarthrites axiales. Quand les anti-TNF, premières biothérapies disponibles historiquement, sont mal tolérées ou insuffisamment actives, l’étape ultérieure est donc aujourd’hui d’utiliser la famille des anti-IL 17, « une interleukine dont il existe plusieurs isotypes A B C D E F et dont les plus importants dans l’inflammation sont les IL 17 A et F », précise le Pr Wendling. A la différence de la PR, où leur développement a été stoppé faute d’efficacité suffisante, les anticorps dirigés contre l’IL17A sont actifs dans les spondyloarthrites axiales (ainsi que le rhumatisme psoriasique et le psoriasis cutané). Le sécukinumab est commercialisé et remboursé dans la spondyloarthrite ankylosante (SPA) active, et dispose également d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la spondyloarthrite axiale non radiographique. Quant à l’ixékizumab, « il devrait être mis à disposition très prochainement dans la SPA puisque son AMM européenne vient d’être étendue à cette affection rhumatologique », espère le Pr Wendling. Enfin, un troisième anti-IL 17, le bimékizumab, qui bloque à la fois l’IL17 A et F, a démontré une efficacité supérieure au placebo dans un essai de phase 2 et va donc faire l’objet d’essais de phase 3.

Quelle est l’efficacité des anti-IL17 en comparaison des anti-TNF ? « C’est difficile à dire car on ne dispose pas encore de résultat d’étude comparative », admet le Pr Wendling. « L’impression que l’on a, à l’examen des différentes études pivot contre placebo, est que l’ordre de grandeur est, pour l’efficacité, comparable pour les différents anti-TNF et anti-Il17 : autour de 45 % de répondeurs pour le score ASAS* 40 contre environ 14 % pour les groupes placebo ». Un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national, RocSPA, qui devrait inclure plus de 200 patients, est en cours pour comparer en deuxième intention après échec d’un premier anti-TNF, soit un second anti-TNF, c’est-à-dire le sécukinumab, soit bientôt l’ixékizumab. L’avantage des anti-Il17 est d’élargir l’arsenal thérapeutique...

 jusqu’ici limité, dans la SPA. « En effet, l’échappement aux anti-TNF ou la survenue d’effets secondaires n’est pas rare, et dans cette maladie souvent diagnostiquée à un âge jeune, l’administration de biothérapies peut être envisagée au long cours, 10 ans voire 20 ans, même si on peut espacer les injections chez certains patients en cas de bonne réponse clinique ». La tolérance globale des anti-IL17 semble satisfaisante. « Le risque infectieux est en pourcentage équivalent à celui des anti-TNF mais avec un profil différent (candidoses, en général mineures) », explique le Pr Wendling. « Le risque de survenue de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), qui avait été suspecté car une augmentation du nombre de poussées de maladies de Crohn avait été observée dans un essai entrepris dans cette affection avec le sécukinumab, n’est à ce jour pas étayé au vu des données d’études pivot et de registre ». Toutefois, par prudence « on privilégiera, lorsque cela est possible, les anticorps anti-TNF chez les patients avec une SPA qui ont une Mici symptomatique, ainsi que chez ceux chez lesquels on suspecte une entérocolopathie inflammatoire sous-jacente ».

  « Les patients revivent » « En pratique courante, l’efficacité des traitements est plutôt évaluée sur l’amélioration de l’autoquestionnaire Basdai** », indique le Pr Wendling. « Nous suivons aussi les variations du score Asdas***, plus simple à mesurer que le score de réponse Asas, et qui prend en compte taux de C-Reactive Protein (CRP), raideur matinale, douleur axiale, douleur périphérique, et évaluation globale par le patient ». « L’amélioration sous biothérapies est globale, et sous celles-ci, certains patients revivent car ils ne présentent plus de réveils en deuxième partie de nuit, de dérouillage matinal, peuvent bouger sans douleur ». Une étude, Ticospa, dont les résultats sont attendus pour fin 2020 va déterminer si le « tight control » (suivi rapproché et intensification du traitement dans le but d’obtenir une rémission) peut améliorer les résultats thérapeutiques des patients avec une SPA, ainsi que cela a été montré dans la PR et le rhumatisme psoriasique. « Le message à donner aux praticiens est d’interroger les patients sur leur qualité de vie sous traitement et la persistance ou non de leurs symptômes : douleurs nocturnes, dérouillage matinal, mobilité ; et de rechercher la présence de pathologies associées : uvéites, MICI, psoriasis », insiste le Pr Wendling. « Il faut aussi vérifier que la douleur est bien en rapport avec la SPA et non due à une autre affection comme une fibromyalgie. Ce qui n’est pas rare.  Le diagnostic initial devant des douleurs axiales et l’évaluation sous traitement peut être difficile et nécessiter un avis rhumatologique ». Essai de phase 3 avec des anti-JAK Quels autres traitements dans les années à venir ? Les anti-IL23  n’ont pas d’efficacité nette sur les spondyloarthrites axiales au contraire du rhumatisme psoriasique. Des études sont en cours pour comprendre ces différences entre les diverses formes de spondyloarthrites, déterminer quelles cytokines sont en jeu dans l’inflammation synoviale et enthésitique, comment elles interviennent dans le temps. « Les premières études de phase 2 entreprises sur des effectifs limités de patients durant 3 à 6 mois avec des inhibiteurs de JAK comme le tofacitinib, le filgotinib, l’upadacitinib ont rapporté une efficacité supérieure au placebo. Ce qui a conduit à mettre en place des essais de phase 3. Il faudra cependant attendre quelques années et les résultats d’études comparatives et de stratégie pour évaluer la place dans la SPA de ces biomédicaments, qui agissent sur de nombreuses voies cytokiniques ». « Dans la PR, certaines études suggèrent que ces médicaments pourraient être plus efficaces que les anti-TNF. Nous ne savons cependant pas si ce sera le cas dans la SPA », souligne le Pr Wendling.   *Assessment of SpondyloArthritis International Society **Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index ***Ankylosing Spondylitis Disease Activity Score

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