Surmortalité en Ile-de-France : le décryptage

12/05/2020 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Ces dernières semaines, la mortalité a plus que doubler par rapport aux années précédentes, dans certains départements d’Ile -de-France, en raison, en grande partie de l’épidémie de Covid. La densité de population, qui pourrait jouer un rôle essentiel, ne constitue probablement pas le seul facteur.
 

A coté des facteurs de risque sanitaires individuels, tels que l’âge ou les comorbidités, de plus en plus de données mettent en évidence l’existence de facteurs sociaux-économique et régionaux, qui pourraient avoir un impact marqué sur la morbi-mortalité liée à l’infection par le Sars-CoV-2. En particulier, il ressort que la Seine-Saint Denis, département le plus pauvre de métropole, semble particulièrement touchée par l’épidémie. Pour tenter de préciser ce phénomène, l’Agence régionale de Santé d’Île-de-France (ARS) a demandé à l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France de lui fournir des éléments plus précis concernant la surmortalité dans les départements franciliens. L’étude réalisée a porté sur une période allant du 1er mars au 10 avril, alors que l’épidémie était en phase ascendante.

Les chiffres confirment la forte surmortalité observée en Ile-de-France, par rapport aux chiffres de 2019 sur la même période. La Seine-Saint Denis est le département le plus impacté avec un nombre de décès qui a plus que doubler (+118,4 %), de même que dans les Hauts-de-Seine (+101,5 %). les autres département de la petite couronne, région particulièrement dense en habitants, suivent ensuite de près, avec une augmentation de la mortalité de +94,1 % dans le Val-de-Marne, et de +92,6 % à Paris. Plus on s’éloigne de Paris, et plus les chiffres baissent, à une exception près : le Val-d’Oise qui se démarque avec une surmortalité de l’ordre de +90,1 %. L’étude met cependant en évidence des différences  majeures à l’échelle infra-départementale. Ainsi, dans le 93, les zones du nord affichent des taux de mortalité bien plus élevés que celles situées plus au sud...

pouvant atteindre une hausse de près de +170% par rapport à l’année précédente. Les auteurs de l’étude remarquent par ailleurs que les lieux de décès ne sont pas forcément significatifs pour l’analyse de la mortalité des populations du territoire. En effet, « puisque les habitants de Seine-Saint-Denis par exemple fréquentent largement les hôpitaux parisiens et val-de-marnais, 22,1 % des décès de Séquano-Dionysiens ont été enregistrés dans un autre département que la Seine-Saint-Denis » précise l’ORS.   Facteurs de risque sociaux, sanitaires, mais aussi professionnels Les auteurs affirment qu’il est encore difficile d’établir les liens causaux avec certitude.  Ils suggèrent cependant que l’urbanisation, la densité de population,  mais aussi les conditions de logements les caractéristiques démographiques et sociales des ménages, et l’état de santé des populations, pourraient constituer des facteurs de vulnérabilité des populations face au Covid-19. Il est déjà bien établi que les personnes habitants dans les zones les plus pauvres présentent des facteurs de risques cardiovasculaires (obésité et diabète) qui sont aussi des facteurs de vulnérabilité vis-à-vis du Covid. Leur état de santé est souvent dégradé, et l’espérance de vie est abaissée dans ces zones.

En outre, les situations sociales défavorables influent sur les conditions de logement, qui « rendent certainement la période de confinement plus difficile à gérer, et ce d’autant plus que ces espaces comptent également plus de familles nombreuses avec de jeunes enfants. Ces conditions de logement favorisent également les contacts et donc les risques de contamination » affirment les auteurs de l’ORS. Ainsi, la Seine-Saint Denis et le Val-d’Oise sont les départements qui comptent le plus de familles nombreuses : respectivement 12,3 et 11 % des ménages y comptent cinq personnes ou plus, contre 4,1 % à Paris ou 6,4 % dans les Hauts-de-Seine notamment. Enfin, l’exposition professionnelle pourrait aussi jouer un rôle. En effet, pendant la période de confinement, certains « travailleurs clés » continuent de travailler sur site (télétravail non possible) et sont, de ce fait, exposés à des risques accrus de contamination. Or, ces « travailleurs clés » sont particulièrement nombreux dans des départements tels que la Seine-Saint-Denis. Ils effectuent aussi plus de déplacements pour se rendre sur leur lieu de travail, ce qui constituent un autre facteur de transmission du virus. Pour les auteurs, ces données doivent être complétées. Ils concluent qu’ « il serait urgent de disposer plus largement du lieu de résidence des personnes décédées du Covid-19 ainsi que des personnes hospitalisées et/ou en réanimation pour formes graves du Covid-19. En disposer à une échelle...

infra-départementale permettrait par ailleurs de mettre en regard la situation des individus par rapport au virus avec des indicateurs contextuels sociaux ou liés aux conditions de vie. Une mise en regard avec l’accessibilité et les recours différenciés à l’offre de soins serait également alors possible ».   Le facteur densité retrouvé à l’échelle nationale

Sur le plan national, une étude de l’Insee établit la surmortalité à 26% sur la période du 2 mars au 19 avril 2020, ce qui correspond à 22 140 décès supplémentaires, toutes causes confondues, par rapport à la moyenne des décès survenus durant la même période entre 2015 et 2019. 

La surmortalité par rapport aux cinq dernières années a progressé au fil des semaines de mars 2020 jusqu’au 5 avril avant d’amorcer une baisse la semaine suivante. Ainsi, du 30 mars au 5 avril 2020, le surcroît de mortalité a atteint le pic de + 6 730 décès hebdomadaires, soit une hausse de 56 %, avant d’amorcer une décrue (+ 45 % du 6 au 12 avril, puis + 25 % du 13 au 19 avril). En métropole, les régions Île-de-France et Grand Est présentent les excédents de décès les plus élevés (respectivement + 96 % et + 59 % du 2 mars au 19 avril), devant la Bourgogne-Franche-Comté (+ 28 %), les Hauts-de-France (+ 22 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (+ 21 %).

Les auteurs établissent par ailleurs un lien entre densité de population et excédent des décès. Ainsi, dans les communes les plus denses, le surcroît de mortalité atteint + 49 %. Cependant, toutes les communes denses de France ne sont pas touchées. « Parmi celles de plus de 100 000 habitants, Saint-Denis et Mulhouse se distinguent par les plus forts excédents sur la période (+ 172 % et + 165 %), suivies par Strasbourg (+ 111 %) et Argenteuil (+ 109 %) puis Paris (+ 98 %) et Montreuil (+ 90 %). À l’autre extrémité, Clermont-Ferrand, Brest ou Caen ne connaissent pas d’excédent de mortalité » précise l’Insee.  

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