De multiples voies thérapeutiques à l’essai dans le diabète de type 2 dévoilées lors de l'EASD 2018

03/11/2018 Par Marielle Ammouche
Diabétologie

[LES GRANDS CONGRES DE L'ANNEE] Egora continue sa série sur les grands congrès de l’année scolaire qui vient de s’achever, avec le le 54e congrès de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD), qui s’est déroulé à Berlin du 1er au 5 octobre 2018. Cet événement a confirmé les avancées thérapeutiques dans le domaine : capteurs et pancréas artificiels dans le diabète de type 1, découverte de médicaments anti-incrétines et anti-obésité, utilisation d’agents plus anciens comme la testostérone dans le diabète de type 2. Sans compter la possibilité d’obtenir des rémissions du diabète de type 2 avec un régime fortement hypocalorique.

  De nombreuses voies thérapeutiques sont actuellement expérimentées dans le diabète de type 2. Ainsi, les diabétologues tentent-ils aujourd’hui de trouver des médicaments agissant sur les incrétines (des hormones intestinales ayant un rôle déterminant dans la tolérance au glucose) plus puissants que les agonistes du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) actuels, grâce à des effets additionnels sur d’autres peptides comme le glucose-dependent insulinotropic peptide (GIP).

"Le GIP n’a pas un rôle très différent du GLP-1, qui accroît la sécrétion glucose-dépendante d’insuline, diminue la production de glucagon, réduit l’appétit par effet cérébral,et  retarde la vidange gastrique. Et, il n’était pas évident qu’activer les récepteurs des deux peptides déboucherait sur des effets cumulatifs, même si le récepteur du GIP est davantage exprimé que le GLP-1 dans le tissu adipeux", a expliqué le Pr David D’Alessio (Université Duke, Durham, États-Unis). Pourtant, un agoniste double, le Ly3298176, très proche par sa structure du GIP mais possédant également une activité GLP-1 like, vient de mettre en évidence des effets additifs chez l’animal, et de montrer un profil d’efficacité prometteur dans un essai de phase 2b de 26 semaines ayant randomisé 318 diabétiques de type 2 (1). Une réduction de 1,6 à 2,4  % du taux d’HbA1c a été relevée pour des injections hebdomadaires de 5 à 15 mg  de cet agoniste double, a rapporté le Pr Juan Frias (National Research Institute, Los-Angeles). Avec de plus une réduction pondérale significative (- 4,8 kg pour 5 mg ,- 8,7 kg pour 10 mg, - 11,3 kg pour 15 mg/semaine).  "Le profil de sécurité du Ly3298176 semble correct, sauf peut-être avec la posologie la plus forte de 15 mg/semaine, avec des effets secondaires le plus souvent digestifs (nausées, diarrhée) comme pour les agonistes du GLP-1", a ajouté le Pr Frias.  D’autres doubles agonistes sont en développement, et même des triples agents ciblant aussi le glucagon. Agir sur le poids Un autre médicament diminuant l’appétit en agissant sur l’hypothalamus, la lorcasérine, pourrait peut-être un jour être utile aux diabétiques de type 2, et en tout cas la majorité de ceux qui sont en excès pondéral. Après avoir confirmé que cet agoniste sélectif du récepteur 2C de la sérotonine n’accroît pas le risque cardiovasculaire chez les patients en surpoids ou obèses (2) (ce qui est devenu un préalable exigé par la Food and Drug administration américaine pour tout développement de médicament visant à abaisser le poids), d’autres données de l’étude Camellia-Timi 61 viennent, en effet, de suggérer que ce médicament anorexigène a un effet favorable sur la prévention et l’évolution du diabète de type 2 (3). 'L’administration de 10 mg deux fois par jour de lorcasérine s’est traduite, après un suivi moyen de 3,3 ans, par une diminution de 19 % du nombre de diabètes en comparaison du placebo chez les 3991 patients prédiabétiques en surpoids", a  mentionné le Dr Benjamin M Scirica (Brigham and Women’s Hospital, Boston),. En outre, le taux d’HA1c a été abaissé de - 0,33 % après 1 an de traitement par lorcasérine chez les 6816 diabétiques en surpoids et, chez ces derniers, les événements microvasculaires (microalbuminurie, rétinopathie, neuropathie) ont été 21% moins nombreux sous lorcasérine que sous placebo (10,1 % contre 12,4 %, p = 0,001). La rémission possible sous régime seul Tout en félicitant les auteurs pour l’excellente méthodologie de ce bel essai, qui a inclus 12000 patients en surpoids, et leur courage à s’attaquer à la délicate question des médicaments anorexigènes, après les problèmes rencontrés par la sibutramine et le rimonabant, le Pr Naveed Sattor, (université de Glasgow), a émis quelques doutes sur la possibilité de la lorcasérine de s’introduire rapidement sur le marché européen. "Car", a-t-il indiqué, "si la sécurité de ce médicament semble bonne à court terme ("quelques hypoglycémies en plus mais pas d’anomalies valvulaires rapportées, ni de suicides, ou de gros signal de sécurité, même s’il faudra vérifier cela au long cours et en dehors d’essais cliniques"), l’effet sur le poids, bien qu’indéniable et vraisemblablement à l’origine de la réduction modérée de la glycémie et de la morbidité cardiovasculaire observée, semble modeste : 2,8 kilos".  "Or, a fait remarquer le Pr Sattor, la concurrence est importante : orlistat qui est bon marché et permet d’abaisser un peu le poids, metformine qui fait perdre 2-3 kilos et pourrait avoir des effets favorables sur la survenue des infarctus du myocarde, inhibiteurs de la Sglt2 qui diminuent le poids de 2 à 3 kilos, et agonistes du GLP-1 qui le réduisent de 2 à 8, chirurgie bariatrique". Ce sans compter les simples (si on peut dire) modifications de l’alimentation ! Car, a ajouté le Pr Sattor, l’étude Direct, réalisée sur 298 diabétiques de type 2 dans 49 centres de soins primaires britanniques a mis en évidence un taux de rémission de 46 % du diabète (contre 4 % dans le groupe avec prise en charge classique) et une perte de poids de 10 kilos en moyenne à un an après instauration d’un régime de 825 à 850 kcal/j et arrêt de tous les médicaments antidiabétiques (- 1,0 kg dans le groupe contrôle) ! (4). Corriger le déficit en testostérone Au vu d’une étude de registre conduite auprès de 805 hommes avec un déficit en testostérone, dont 311 avec un diabète de type 2, l’équipe du Dr Farid Saad (Bayer Pharma AG, Berlin) recommande, quant à elle, une supplémentation par cette hormone pour agir sur le diabète. De fait, les 141 hommes diabétiques déficitaires en testostérone ayant accepté ce traitement (des injections toutes les 12 semaines de 1000 mg d’undécanoate de testostérone) ont vu, sur 10 ans, leur taux d’HbA1c s’abaisser de 9,0 à 5,9 % alors que ce pourcentage s’est, au contraire, accru de 7,8 à 10,6 % chez les 170 hommes ayant refusé ce traitement hormonal. Pour les diabétiques sous insuline, les doses ont également été réduites après prise de testostérone (de 34 à 20 unités en moyenne), tandis qu’elles se sont accrues chez les patients ayant refusé la supplémentation (de 31 à 42 unités en moyenne). Enfin, le poids s’est abaissé de 113 kilos à 91 kilos en moyenne sous testostérone tandis qu’il est demeuré stable dans l’autre bras. Fait important, "le nombre de cancers de prostate n’a pas été accru sous hormonothérapie (en réalité il a même été deux fois moindre que dans le groupe non traité) et aucun infarctus ni AVC n’a été associé à une élévation de l’hématocrite due au traitement", s’est félicité  le Dr Saad.

  1. Frias JP, et al. Lancet. 2018 Oct 3. pii: S0140-6736(18)32260-8.
  2. Bohula EA, et al. N Engl J Med. 2018 Sep 20;379(12):1107-1117.
  3. Bohula EA, et al.  Lancet. 2018 Oct 3. pii: S0140-6736(18)32328-6.
  4. Lean ME, et al. Lancet 2018 Feb 10 ; 391 (10120) : 541-551.
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