Hypertension artérielle : l’avenir appartient à la santé numérique

30/06/2021 Par D.R.
Cardio-vasculaire HTA

Les outils de la e-santé sont amenés à jouer un rôle de premier plan dans le dépistage et la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA).
Le Pr Xavier Girerd (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) fait le point sur les avancées les plus récentes réalisées sous l’égide de la Fondation de recherche sur l’HTA qu’il préside depuis 2016.   Egora-Panorama du Médecin : Quelles sont les lignes de force de vos actions au sein de la Fondation ?
Pr Xavier Girerd : Nous pensons depuis plusieurs années à la Fondation que la prévention cardiovasculaire représente un nouveau challenge pour notre système de santé et qu’il est essentiel de réfléchir aux changements nécessaires pour améliorer la prise en charge des patients et prioritairement les hypertendus. D’autant plus qu’aucune nouvelle famille d’anti-hypertenseurs n’a vu le jour depuis de nombreuses années.  Dans ce contexte, nous avons estimé que cela passerait par le développement de la e-santé, avec un nouveau parcours de soins utilisant des outils numériques. Le but étant d’impliquer tous les acteurs, autrement dit les médecins généralistes, les spécialistes, les pharmaciens, les infirmières et les patients. Je rappelle que sur 15 millions d’hypertendus en France, seulement 10 millions sont diagnostiqués et traités, dont la moitié n’est pas correctement contrôlée.   Qu’avez-vous réalisé concrètement ?
Nous avons développé plusieurs programmes en parallèle. J’aimerais tout d’abord citer le programme INOHTA initié en 2017 et terminé en février 2018, qui s’est déroulé...

en région Bourgogne-France-Comté et qui avait pour objectif d’aider les médecins généralistes à être plus performants dans la prise en charge de patients hypertendus non contrôlés ; cela grâce à une solution de santé numérique, dont j’ai présenté les résultats, très positifs, le 17 mai dernier, lors du congrès de la Société internationale d’hypertension.   En pratique, nous avons recruté des personnes hypertendues non contrôlées de 65 ans d’âge moyen auxquelles nous avons remis un tensiomètre électronique relié à une tablette. Ce programme comprenait également une plateforme dédiée, concentrant notamment les informations saisies (mesures de la tension, questionnaire d’observance…) à laquelle avaient accès les médecins, qui pouvaient ainsi pratiquer une efficace télésurveillance. Ces derniers bénéficiaient aussi d’un système informatisé de télé-expertise (mettant à profit les recommandations nationales et internationales) – qui apparaît comme un élément clé -, avec des aides à la prescription et un simulateur de prescription optimale. Les résultats à 3 mois montrent que la pression artérielle a été contrôlée dans 82 % des cas. En automesure, celle-ci est passée, en moyenne, de 152/85 mmHg à 130/79 mmHg.   Au-delà de la prise en charge elle-même, avez-pu tirer d’autres conclusions de cette opération ?
En effet, nous avons constaté le poids de diverses difficultés, liées à l’industriel en charge des aspects techniques, au manque de cardiologues dans certaines zones, à des endroits non couverts par la 4G, et enfin à l’importance d’un bon accompagnement local pour la mise en place des outils auprès des patients, que nous avions pourtant prévu en faisant appel à des infirmières Asalée* afin de former les patients à l’utilisation d’un tensiomètre – et aux autres outils- numériques. Dans l’avenir, il nous semble incontournable d’impliquer des professionnels de santé non médecins à la mise en place de parcours de e-santé dans les maladies chroniques.   Vous êtes-vous également investi dans le dépistage de l’hypertension artérielle ?
Oui, car il s’agit également d’un volet important, d’autant plus que près de 7 millions de Français n’ont pas de médecin généraliste et que la périodicité des visites obligatoires en médecine du travail a été portée à 5 ans. Je rappelle qu’il est recommandé de faire mesurer sa pression artérielle tous les ans à partir de 30 ans, et plus tôt dans les groupes à risque ; et que la consommation de sel caché demeure trop élevée dans certains types d’alimentation, notamment africaine, asiatique et italienne. Nous avons ainsi développé l’application DepistHTA, téléchargeable sur smartphone et tablette. Nous l’avons testé avec succès pendant un an auprès des salariés de la boulangerie...

artisanale et nous venons de terminer une récente campagne de dépistage de même nature auprès cette fois des pâtissiers artisanaux de France. Ces deux opérations démontrent la faisabilité d’un autodépistage efficace rendu possible par les outils numériques.   SuiviHTA est une autre application, disponible depuis octobre 2020, destinée plus particulièrement à aider au suivi de l’hypertension artérielle traitée. Je rappelle à ce sujet que 30 à 40% des patients présentent une tension artérielle différente selon qu’ils la mesurent chez eux ou qu’elle est mesurée au cabinet médical !   Quels sont vos projets à court terme ?
Nous espérons lancer en 2022 une nouvelle plateforme dénommée PPH, pour Parcours Patients en Hypertension, incluant téléconsultation, télésurveillance et e-outils, destinée aux médecins généralistes volontaires pour améliorer leur pratique. Nous travaillons également à une nouvelle version de SuiviHTA incorporant une proportion d’algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Ces derniers nous enseignent déjà que dans 70% des cas, des automesures réalisées trois fois de suite le matin et le soir au cours d’un seul jour, au lieu de trois comme il est habituellement recommandé, suffisent pour faire un diagnostic d’hypertension ou de normotension. Allant plus loin, je pense que l’IA, qui ne remplacera pas de sitôt la décision médicale, peut devenir un compagnon utile pour le médecin, voire même peut-être un garde-fou en analysant le comportement de prescription de chacun. Nous travaillons d’ailleurs actuellement sur ce sujet avec un programme ambitieux visant à traiter de façon optimale les 6 000 patients hypertendus résidant à Monaco.
*Une association privée née de l’initiative d’un médecin généraliste il y a une quinzaine d’années Pour en savoir plus : Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle : http://www.frhta.org

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