Le microbiote vaginal, c’est entre 100 millions et 1 milliard de germes par millilitre de sécrétion vaginale : des colonies bactériennes bien-sûr, mais également des virus et autres levures microscopiques… Un écosystème dynamique qui vient coloniser le vagin de la femme à la puberté, et pouvant subir d’importantes modifications au cours de la vie. Les fluctuations du taux d’œstrogènes – particulièrement durant les règles, en post-partum et à la ménopause - les prises de traitements antibiotiques au long cours, une hygiène intime inadaptée, mais aussi le tabagisme, sont autant de facteurs qui aujourd’hui ont été clairement identifiés comme pouvant perturber cet équilibre microbien. « Quand la flore intime est déséquilibrée, les défenses locales sont au plus bas, ce qui va considérablement favoriser l’émergence d’infections urinaires et vaginales. C’est le cas notamment de la vaginose bactérienne, une infection caractérisée par une disparition ou une raréfaction des lactobacilles au profit de bactéries anaérobies présentes à l’état normal dans le vagin mais jusqu’alors en moindre quantité. On considère également qu’environ 50% des mycoses vaginales seraient associées à un déséquilibre du microbiote vaginal », retrace le Dr Jean-Marc Bohbot, infectiologue et directeur médical à l'institut Fournier à Paris. Autre infection qui se révèle être également tributaire de cette flore : la cystite. « La diminution des défenses locales va en effet favoriser l’accumulation d’entérobactéries – Escherichia coli dans près de 75% des infections, et Proteus et Klebsiella pour le reste - au niveau du vestibule par lequel ces germes venus de l’intestin doivent nécessairement transiter avant d’atteindre l’urètre puis la vessie », poursuit le Dr Bohbot. Complications gynécologiques et obstétricales : la flore vaginale également mise en cause De récents travaux sont également venus établir d’importantes corrélations entre la présence de tels déséquilibres du microbiote vaginal et des complications d’ordre gynécologiques et obstétricales, notamment une augmentation non seulement du risque de contracter une infection sexuellement transmissible (IST) - dont l’infection par le VIH - et d’autre part du risque d’évolution plus rapide de la maladie, une dégradation de la clairance virale du papillomavirus associée à une plus grande sévérité des lésions cervicales chez les femmes porteuses d’une infection HPV à haut risque oncogène, un risque accru de naissance prématurée ainsi que de moindres taux d’implantation en cas de fécondation in vitro. Des souches de lactobacilles destinées à restaurer l’équilibre microbien « À ce jour, une majorité de troubles gynécologiques mériteraient une prise en charge qui tienne compte du déséquilibre de la flore vaginale. En effet, si les traitements anti-infectieux classiques – antibiotiques, antifongiques, antiparasitaires – ont montré leur efficacité sur la crise aigüe, ils se révèlent toutefois incapables de rééquilibrer la flore vaginale, et parfois même ils aggravent le déséquilibre », retrace le Dr Bohbot, principal investigateur d’une étude de phase III* randomisée, comparative, en double aveugle versus placebo, visant à étudier l’impact de l’administration par voie vaginale de Lactobacillus crispatus – à raison d’une gélule par jour pendant 14 jours, à renouveler sur quatre cycles – dans la prévention de la récidive de la vaginose bactérienne, cette infection vaginale caractérisée par une disparition quasi-totale de Lactobacillus crispatus. « Les lactobacillus crispatus, mais aussi L. gasseri, L. rhamnosus, L. plantarum, L. reuteri et L. helveticus sont des souches utilisées comme probiotiques vaginaux avec des résultats sensiblement identiques : jusqu’à 50 % de réduction des récidives. S’agissant des échecs, ils sont probablement dus au fait que ces femmes ont une flore vaginale qui mériterait d’autres souches de lactobacilles », note le Dr Bohbot. On considère en effet que les techniques de bactériologie classiques ne permettent d’isoler que 10% des bactéries présentes dans un vagin. De plus en plus utilisées en microbiologie, les méthodes d’amplification génique permettront, de fait, un décryptage plus précis de l’écologie vaginale. «Elles sont en plein développement sur le territoire. Et déjà d’ici 2 ou 3 ans, de nombreux laboratoires y auront recours. Ces techniques permettront aux femmes de bénéficier d’un déchiffrage précis de leur microbiote vaginal et par conséquent de nouvelles ressources thérapeutiques plus spécifiques capables de prévenir voire de traiter de nombreux troubles gynécologiques », assure Dr Bohbot.
On considère que le microbiote vaginal est majoritairement composé de lactobacilles, de 60 à 80% en moyenne. Parmi les souches de lactobacilles fréquemment présentes dans le vagin de femmes saines, on retrouve L. crispatus, L. gasseri, L. rhamnosus ou L. reuteri… Ces souches sont aujourd’hui clairement identifiées comme des marqueurs de bonne santé vaginale. Les 20 à 40% restant de la flore vaginale hébergent majoritairement des bactéries anaérobies (Gardnerella vaginalis, Atopobium vaginae, Prevoletta...) mais également certaines espèces aérobies comme des staphylocoque ou des streptocoques ainsi que des champignons du type Candida.
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