Hypertrophie bénigne de prostate : la révolution de l’embolisation

23/02/2017 Par Chantal Guéniot

L'embolisation des artères prostatiques parait moins lourde qu’une énucléation au laser, avec de très bons résultats. Lorsque le traitement médical devient insuffisant, l’embolisation de la prostate permet un traitement peu invasif de l’hypertrophie bénigne de prostate (HBP). Le Pr Nicolas Thiounn, urologue à l’hôpital européen Georges Pompidou (Hegp), présente les avantages et les limites de cette technique.

  Egora.fr : Comment se déroule une embolisation des artères prostatiques ? Pr Nicolas Thiounn : L'intervention a lieu dans une salle de cathétérisme, sans anesthésie ou avec une simple anesthésie locale au point de ponction fémoral, au cours d'une hospitalisation d'un jour. Une sonde urinaire est posée.  Le radiologue interventionnel introduit le cathéter dans une artère fémorale et le monte pour cathétériser les artères prostatiques sous repérage 3D. Lorsque le cathéter est en place, des microbilles sont injectés, qui  vont obstruer les capillaires à l’intérieur de la prostate. Les limites de l'embolisation sont liées à l'état des artères (trop sinueuses ou trop calcifiées) et à l'expérience de l'équipe interventionnelle, car c'est une technique difficile. Quand nous avons commencé à l'HEGP, il y a 4 ans, le radiologue mettait 1h30 ou 2h par côté. Aujourd’hui l’ensemble de la procédure est réalisée en moins de 2 h.   Quels sont les risques et les avantages de cette technique ? L’embolisation a l'avantage de pouvoir être réalisée sans aucune limite d'âge. L'autre point positif est qu'elle n'a pas de conséquence sur la sexualité, alors que la chirurgie permet de récupérer un jet très fort, mais entraîne presque toujours une éjaculation rétrograde, quelle que soit la technique employée. Nous menons une étude actuellement, avec des spermogrammes, pour voir si l’embolisation altère la fertilité. En pratique il y a très peu de complications. Le principal effet secondaire est la survenue, dans environ un quart des cas, d'un syndrome post-embolisation, avec douleurs et aggravation transitoires de la dysurie. Cela peut justifier la prescription d’antalgiques de niveau 2 et un arrêt de travail. On conseille aux patients qui avaient une dysurie importante de poursuivre pendant 15 jours ou un mois les a-bloquants.  Il faut les avertir de la survenue possible de ce syndrome,  qui régresse toujours  en quelques jours.   Peut-on dire que c'est une technique intéressante pour les plus jeunes et les plus âgés ? Oui. Les embolisations ont d’abord été réalisées chez des patients très âgés porteurs de sondes à demeure ou très gênés, mais pour qui la chirurgie était risquée. Nos collègues de l'hôpital Henri Mondor (Créteil, 94) ont traité par embolisation 15 patients porteurs d'une sonde à demeure. Au bout d'un an, seuls deux d’entre eux avaient eu besoin d’une nouvelle sonde. Pour les plus jeunes, l’embolisation est intéressante pour leur redonner un confort urinaire sans modifier leur sexualité.   Est-ce encore expérimental ? Non. L’efficacité a été démontré sur près de 1 000 patients dans le monde. Il n’y a pas eu de morts, pas de complications graves et les patients sont améliorés de manière significative. C’est un sujet en plein essor. Il y avait 3 revues systématiques de la littérature début 2016 et aujourd’hui on en compte 7 ou 8. L’une d’elles a compilé les résultats de 7 études rassemblant 562 patients (Cizman Z et coll. J. Vasc.Interv.Radiol.2016). Une occlusion artérielle bilatérale a été obtenue dans 85 % des cas et unilatérale dans 12 %. Donc l'embolisation a échoué dans 3 % des cas seulement. Le volume de la prostate est passée de 96 à 46 cm³,  l'index clinique IPSS de 24 à 6, le débit maximal de 8 à 15 ml/s, le résidu post-mictionnel de 105 à 39 ml. Une seule complication majeure a été observée, une nécrose vésicale, d'évolution spontanément favorable.     En cas de récidive est-ce que cela complique le traitement ultérieur ? Non cela ne change rien. Il est possible d’opérer ou de réaliser une nouvelle embolisation. Le choix de l'intervention se fait au sein d’une équipe multidisciplinaire, avec le patient, qui doit être adressé et suivi par un urologue. L'embolisation a l'intérêt d'être très peu morbide, moins lourde et moins dangereuse qu’une énucléation au laser au bloc.   Quelle est l’expérience de l’HEGP ? Dans le service de radiologie interventionelle du Pr Sapoval nous avons traité plus de 150 patients.  Dans mon expérience, la moitié des patients sont très améliorés et ont arrêté tout traitement. Un quart a une amélioration appréciable mais conserve une petite gêne. Enfin un quart doit continuer le traitement médical. Avec un recul de 4 ans, les résultats apparaissent relativement stables. Donc les patients sont bien améliorés, bien que moins qu’avec la chirurgie.  Cependant l’objectif sur le plan urologique n’est pas forcément d’avoir un débit magnifique, mais d'éviter que le muscle vésical ne s’use prématurément et n’impose, chez certaines personnes, l’autosondage ou la sonde à demeure.   Combien d’hôpitaux proposent cette méthode en France ? Nous avons obtenu un PHRC pour un essai randomisé multicentrique,  Partem, qui comparera l’efficacité de l’embolisation à un traitement médicamenteux optimal sur les symptômes urinaires.  Une dizaine d’hôpitaux y participe, à Bordeaux, Marseille, Limoges, Grenoble, Lille et, en région parisienne, à Cochin et Saint-Louis, qui nous adressent les patients pour l’embolisation,  et à l’hôpital Henri Mondor de Créteil. Notre radiologue interventionnel va assister  les équipes qui n’en ont pas encore l’expérience pendant les 5 premières embolisations. Par ailleurs nous incluons des patients dans une étude simple bras (Paris 1), pour évaluer l’intérêt de l’embolisation chez les patients en échec de retrait de sonde après une rétention aiguë.   Est-ce que l’embolisation a des implications pour le cancer de la prostate ? On ne le sait pas encore, mais nous disposons d’une nouvelle voie d’abord et peut être un jour  pourrons-nous administrer des microparticules chargées avec de la chimiothérapie ou d’autres molécules thérapeutiques. Nous nous apprêtons à commencer des essais dans ce sens sur un modèle de chiens ayant des cancers spontanés de la prostate.

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