"Faut arrêter de se raconter des histoires" : face aux médecins, le directeur de la Cnam hausse le ton sur la pertinence des prescriptions
Pour "sauver" l'Assurance maladie, il faut "activer tous les leviers", a insisté ce vendredi matin Thomas Fatôme face aux médecins de la CSMF, réunis en congrès à Avignon. Et notamment celui de la pertinence des prescriptions. Arrêts maladie, médicaments, imagerie… le directeur de la Cnam a mis la profession face à ses responsabilités.
"On peut sauver notre système de santé, on peut sauver le soldat Assurance maladie, même s'il est dans une situation extrêmement difficile, mais il faut activer tous les leviers… et beaucoup plus fortement", a appelé le directeur de la Cnam ce vendredi matin, dans l'enceinte du Palais des papes à Avignon, où se tiennent jusqu'à samedi les 31e Universités de la CSMF.
La gravité de la situation budgétaire a justifié le report des revalorisations tarifaires prévues le 1er juillet dernier, mais celles-ci n'ont été "ni annulées, ni supprimées", mais simplement "décalées" au 1er janvier prochain, a rassuré Thomas Fatôme. Sauf disposition législative contraire votée d'ici là, "les mesures conventionnelles s'appliqueront normalement, il n'y a pas de raison". Mais les médecins doivent respecter leur part du contrat, rappelle en substance le patron de l'Assurance maladie : relever collectivement le défi de l'accès aux soins et s'engager sur la pertinence de leurs prescriptions.
S'agissant de l'accès aux soins, il y a déjà "beaucoup de leviers, beaucoup de médecins qui s'engagent", a salué Thomas Fatôme, citant en exemple la mobilisation collective en faveur des patients en ALD sans médecin traitant qui a permis de "casser la courbe" ; le service d'accès aux soins (SAS) : les équipes de soins spécialisées (ESS) ; ou encore l'emploi d'assistants médicaux (AM). "8500 contrats ont été signés, par 15% des médecins généralistes, mais il y en a peu chez les spécialistes cliniques alors qu'ils pourraient s'en saisir aussi", a-t-il relevé. "Qu'est ce qui empêche davantage de médecins de prendre un assistant médical ? Il y a question des locaux, l'administratif, la peur de recruter… mais ce qui est déjà sur la table est quand même très significatif, a-t-il souligné. Pourquoi on n'en a pas 20 000, 30 000? Il n'y pas de limite budgétaire et les évaluations montrent que ça permet d'augmenter la patientèle médecin traitant et la file active."
Quant aux maisons de santé pluriprofessionnelles, autre "levier de l'accès aux soins", le directeur de la Cnam se dit prêt à reprendre les négociations sans délai. "Ce sont les syndicats de médecins et de kinés qui se sont retirés [pour protester contre le report des revalorisations, NDLR], la balle est dans leur camp", a-t-il lancé.
Thomas Fatôme appelle par ailleurs la profession à "porter ensemble le discours de l'attractivité", car en ce qui concerne les installations en zones sous-denses, "la tendance est inquiétante", a-t-il alerté. Il a, enfin, incité les médecins à relever "le challenge" de la solidarité territoriale, pour "dire qu'on est au rendez-vous". "C'est une réponse que la profession gagnerait à apporter vite et bien", a-t-il lancé face à une salle plus que dubitative sur le dispositif lancé par l'ancien Gouvernement.
Mais c'est surtout la question de la pertinence qui a été au cœur de son intervention ce vendredi. Notamment celle des prescriptions d'arrêt de travail. Les dépenses d'indemnités journalières augmentent chaque année d'un milliard d'euros et "un tiers, voire 40% de cette augmentation ne s'explique pas par des facteurs économiques ou démographiques", a-t-il une nouvelle fois pointé. "L'Assurance maladie souhaite activer les différents leviers d'information, de prévention et de contrôle sur l'ensemble des acteurs : il n'y en a pas que pour les médecins", a-t-il lancé, évoquant 300 000 contrôles sur les assurés et une centaine d'entreprises ciblées.
Arrêt de travail: "Vous n'êtes ni de près, ni de loin obligés de dire oui pour 'garder le client'"
La campagne MSO-MSAP en cours concerne "1% des généralistes", a-t-il souligné. "C'est normal qu'on contrôle des prescripteurs qui ont des pratiques très décalées." "Si des gens ont le réflexe de se dire 'je vais me mettre en arrêt de travail', c'est quand même qu'ils trouvent des médecins qui les mettent en arrêt dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes", considère Thomas Fatôme. "Ça reste une énigme pour moi : vous n'êtes ni de près, ni de loin en position d'être obligés de dire oui pour 'garder le client' car vous en avez plutôt trop que pas assez", a-t-il remarqué.
"On n'y arrivera pas que par le contrôle", a toutefois jugé le patron de la caisse, appelant à "une réforme du système de prise en charge des arrêts de travail" et à "limiter la durée de prescription". "On a trop souvent des arrêts trop longs sans suivi intermédiaire", a justifié le directeur de la Cnam. Par ailleurs conscient des difficultés que peuvent rencontrer les généralistes sur les arrêts longs, Thomas Fatôme a évoqué la généralisation prochaine du service SOS IJ.
La discussion s'est ensuite portée sur les dépenses d'imagerie, sur lesquelles la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 impose 300 millions d'euros sur 3 ans. Le protocole pluriannuel proposé par la Cnam, et rejeté en masse par les représentants des médecins, prévoyait de faire porter l'effort pour moitié sur des baisses de tarifs jugés déconnectés des charges, et pour moitié sur la pertinence, a rappelé Thomas Fatôme. "Si on veut faire de la pertinence, il faut quand même s'en donner quelques moyens, pas seulement signer des beaux accords et s'arrêter là, il faut un minimum de cadres", a-t-il déclaré. "Le boulot du radiologue c'est d'évaluer si la demande est pertinente ; si elle ne l'est pas, il ne fait pas [l'acte] et s'il le fait alors que ce n'est pas pertinent, alors on va aller chercher de l'indu chez lui : c'est ça la pertinence, au bout d'un moment faut arrêter de se raconter des histoires, faut juste la faire", a-t-il lancé, affirmant être "honnêtement déçu" de l'échec de cette négociation, qui l'autorise à prendre "rapidement" une "décision unilatérale".
Imagerie : "Si la profession ne veut endosser aucune baisse tarifaire, ça décrédibilise notre dialogue conventionnel"
"Si aujourd'hui, en 2025, avec 16 milliards d'euros de déficit de l'Assurance maladie, avec des actes qui sont manifestement surévalués, la profession ne veut endosser aucune baisse tarifaire, ça met un sérieux coup au dialogue conventionnel : ça ne peut pas être que du plus, ça décrédibilise notre dialogue conventionnel."
"Si vous avez un niet des syndicats qui veulent construire habituellement, ça mérite de retravailler ce sujet", a plaidé le Dr Franck Devulder. "La loi dit qu'on doit aboutir à 300 millions d'euros sur 3 ans : mettons les imageurs que nous sommes tous face à leurs responsabilités, a proposé le président de la CSMF. Rendez-vous dans un an : soit nous les médecins on a réussi à baisser l'augmentation phénoménale de l'enveloppe de l'imagerie, soit la punition financière risque d'être beaucoup plus dure."
"Notre objectif n'est pas d'emmerder le monde, on sait très bien que votre temps est compté"
"La pertinence a quand même souvent besoin d'un cadre qui aide à ce que les comportements changent", a insisté Thomas Fatôme. Si les prescriptions de Tramadol "ont nettement chuté depuis le début de l'année", c'est grâce à la mise en place de l'ordonnance sécurisée, et si les prescriptions de pansements sont en train de "diminuer", c'est grâce à la limitation de la délivrance à 7 jours, a-t-il souligné. "Notre objectif n'est pas d'emmerder le monde, on sait très bien que votre temps est compté, mais il faut qu'on attrape un certain nombre de cadres qui rendent effective cette pertinence. On est un des pays du monde où la disparité de prescriptions, ou l'absence le respect des référentiels est le plus significatif sur… à peu près tout", a pointé le directeur de la Cnam, invitant les médecins libéraux à se "saisir" des 15 programmes de pertinence définis par la convention.
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