"Si les médecins ne se réveillent pas, il ne leur restera que les yeux pour pleurer"
Vous avez été nombreux ces derniers jours à réagir aux annonces faites par Agnès Buzyn en réponse à la crise des urgences. La volonté ministérielle de déléguer davantage de compétences aux infirmières cristallise les tensions, réveillant chez les médecins, en particulier les généralistes, la crainte d'être les grands perdants d'un système en pleine "refondation".
Renvoi des cas non urgents vers les médecins de garde, coup d'arrêt à l'intérim médical, montée en compétences des infirmières et des kinés, biologie délocalisée au cabinet… Les mesures présentées ces derniers jours par Agnès Buzyn en réponse à la crise des urgences sont loin de vous avoir convaincus.
La création du métier d'infirmière en pratique avancée, notamment, soulève son lot de questions et de doutes : s'agit-il de former des "sous-médecins"? quid de la responsabilité des actes ? quelle place pour le généraliste?
Voici une sélection de vos commentaires.
Par Ysbredoc
"Nous sommes sauvés ! MDR ! Tout ça pour ça ! Allons-y gaiement :
- Admission directe en lit d'aval !? ... Super idée, ça fait 20 ans qu'on supprime des lits, obligeant les patients à passer et stagner aux urgences ! On fait comment ?
- Biologie délocalisée ... mouais, avec des résultats rapides comme aux urgences ... on demande à voir ! Et lorsque les D-Dimères ou la Troponine ne seront pas dans les clous ... retour à la case ...urgence !
- Tiers-payant sur les gardes de ville ? ... ne faudrait-il pas plutôt dérembourser une partie des actes de médecine de ville faits aux urgences lorsque le patient vient pour un motif "bidon", genre ce soir chez nous : des boutons qui ne passent pas malgré trois ordonnances de dermatologues ... l'urgentiste serait meilleur que le spécialiste ?
- Sutures, radios et plâtres par les IDE, tout à fait d'accord ... mais sous leur seule responsabilité, ce qui ne sera jamais le cas ! Je préfère alors tout faire moi-même !
- IIDE en pratique avancée, avec des algorithmes ... oui, mais ... sous leur propre responsabilité ? ... je doute que non ! Mais, j'y suis, en fait un bon logiciel + 1 IDE, ça remplace un médecin, j'avais oublié ! On peut faire mieux : ni IDE ni médecin, juste une bonne application sur smartphone pour remplacer 10 ans d'études et 25 ans d'experience !
- Gestion informatisée des lits d'aval ... retour à ma première remarque : il n'y a pas de lits !
- Le VSL pour amener le patient au MG de garde ... oui, mais plus de garde de MG passé minuit chez nous ...
Réflexions d'un petit urgentiste de province praticien attaché"
Par Latifa_P_1
"Le Samu devient 'Uber taxi' et le médecin urgentiste devient 'IPA'. Le nivellement par le bas continue, ainsi que le dépeçage du métier de médecin généraliste. Avec tous ces non-médecins autorisés à pratiquer la médecine, on peut comprendre que beaucoup de médecins, ne désirant pas servir de boucs-émissaires, ne veuillent plus signer les formulaires "médecin traitant".
Parce que, Buzyn décrète qu'un non médecin peut prescrire, suturer bref pratiquer la médecine mais elle ne dit pas qui est responsable en cas de problèmes !
On a obligé des laboratoires de biologie à se regrouper pour une histoire de label de qualité, les laboratoires sont devenus de simples lieux de prélèvement et maintenant, ils veulent que les médecins généralistes transforment leurs cuisines en laboratoires de biologie. De même, on veut obliger les médecins à se regrouper dans des CPTS et transformer les pharmacies en cabinets médicaux sans médecins.
L'argent va à l'hôpital et c'est aux médecins de ville de faire encore plus de sacrifices. Chez ces gens-là, on marche sur la tête; heureusement que d'autres préfèrent courir sur leurs deux jambes pour s'éloigner le plus vite possible de ce système de santé en perdition."
Par Medkate
"Urgentiste, j'ai quitté le public où les postes étaient payés au lance-pierre et les collègues se tiraient dans les pattes pour s'arracher un quart temps car ils n'avaient jamais exercé ailleurs (ambiance!). Maintenant je quitte le privé car ce que Agnès Buzyn décrit, le privé le fait déjà. Dès l'admission, les patients sont vus par l'infirmière d'accueil et d'orientation qui prescrit les radios, les pansements, la biologie, etc. Nombreux sont les patients que le médecin ne voit jamais au retour de sa radio 'thérapeutique'...
D'accord, pas d'accord ?
Débattez-en avec vos confrères.