"On m'enlève le fruit de mon travail" : à l'aube de la retraite, une généraliste dénonce la préemption de son cabinet par la mairie

Hélène* a le cœur lourd. À 67 ans, cette généraliste installée dans un quartier parisien en zone sous-dense s’apprête à prendre sa retraite. Mais ce départ n’est pas celui qu’espérait la praticienne qui a “vraiment tout donné à la médecine”... si bien qu’elle a lancé un appel à l’aide sur Egora.
Éreintée, après 32 ans d’exercice en tant que médecin de famille ultra engagée auprès de ses patients, elle s’est décidée à sauter le pas et prévenir la Caisse autonome de retraite des médecins de France de son intention de cesser son activité pour le mois de juillet. “J’ai exercé dans un quartier populaire de Paris parce que j’avais à cœur de faire un accès aux soins pour tous et de faire de la prévention. C’est un quartier qui était tout de même moins difficile il y a 32 ans mais qui s’est transformé avec le temps”, explique-t-elle sourire aux lèvres. “Je soigne deux générations, j’ai des gens qui viennent me revoir avec leurs petits-enfants. J’ai une notoriété assez importante auprès des médecins qui exercent autour de mon cabinet. Je suis connue des hôpitaux à proximité”, ajoute encore Hélène, intarissable sur son activité, sa “passion”, sa “vocation”.
Fièrement, elle assure avoir pratiqué la médecine qu’elle voulait tout en élevant seule ses trois enfants. “Je me suis énormément investie. J’ai fait de la HAD, j’allais en pleine nuit en visite à domicile. J’ai fait partie des réseaux ville/hôpital pour les hépatites à l’époque, j’ai participé au réseau anti-douleur d’un hôpital parisien, j’ai fait un DU** de gynécologie, je fais de la permanence des soins le samedi. Tous mes patients qui ont des maladies graves, comme un cancer, ont mon numéro personnel et peuvent me joindre, à tout moment de la journée, de la nuit et même le week-end”, liste-t-elle machinalement.
Son quotidien n’est pas non plus de tout repos. “Je commence entre 8h30 et 9h. Je consulte jusqu’à 12h30, entre 12h30 et 14h je fais des visites de personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer. Je reprends les consultations à 14h et je ne suis pas une rapide en consultation, poursuit Hélène. J’ai parfois affaire à une population qu’il faut aider pour prendre les rendez-vous, je termine souvent à 20h et 20h30. C’est démentiel. Et je ne vous parle pas de mon retard sur la partie administrative que je rattrape le week-end.”
“Je suis tout le temps au travail”
Rien ne l’arrêtait, plaisante-t-elle… mais le Covid, lui, a changé la donne. “Déjà, dans les cabinets, on a perdu nos remplaçants qui sont partis faire de la vaccination. Je ne trouvais plus personne. Il faut aussi parler de l’agressivité des patients qui n’hésitent plus à se retourner contre leur médecin traitant. La période où on n’avait pas de masque, pas de gel… c‘était compliqué”, se remémore-t-elle. Exerçant dans un cabinet isolé, sans secrétariat, la médecin se dit aujourd’hui “fatiguée” par cette somme de patients. “À 67 ans, j’ai décidé de m’arrêter pour profiter un peu de ma vie, de mes enfants et des petits. On peut profiter de rien, je suis tout le temps au travail”, souffle-t-elle, lasse. Pour pouvoir partir, il lui faut vendre son cabinet. “Il est petit et donne sur la rue. Il est accessible, il a des qualités, mais il n’y a pas de place pour un secrétariat, pour un deuxième médecin…”, explique Hélène.
Sans chercher à le vendre en tant que cabinet médical, elle trouve un acheteur rapidement. Mais rien...
D'accord, pas d'accord ?
Débattez-en avec vos confrères.