Il y a 40 ans, j'ai voulu devenir médecin…

21/04/2016
Témoignage

A l'occasion des 40 ans de la revue Egora-Panorama du médecin, nous vous avons demandé à nos lecteurs, thèsés il y a une quarantaine d'années, de nous parler de leur vocation et de leur parcours. Voici aujourd'hui quelques-uns de vos témoignages.   "Je me suis inscrit en médecine pour garder ma bourse… Moi, je voulais faire kiné" Il y a 40 ans (et bien plus), pour faire "sa médecine" avoir ou déclarer avoir "la vocation" était encore une figure imposée. Inéluctablement, famille ou amis de la famille, demandaient au petit pourquoi il avait entrepris de faire sa médecine, études réputées onéreuses ("tes parents se sacrifient"), longues ("c'est combien d'années?"), lointaines (la grande ville U.). Le mot vocation était incontournable. La maman flattée ajoutait cerise sur le gâteau: "il veut faire pédiatre, il aime beaucoup les enfants" ou "chirurgien, il est très adroit de ses mains" ça se la pétait ! Les mamans n'évoquaient jamais l'intérêt adolescent pour la gynéco ou l'urologie, pourtant flagrant, et toujours documenté sous le lit. Pour les enfants de médecins le problème de la vocation ne se posait pas. Au pire, ils reprenaient le cabinet familial ou se spécialisaient pour ne pas connaître la vie harassante du père généraliste. Moi je voulais faire kiné, c'était court 1 an. Ça flambait moins que médecine. L'entourage était moins admiratif d'autant qu'à l'époque kiné était synonyme de métier pour aveugle. Mais, pour conserver ma bourse au moins 1 an, je me suis aussi inscrit en médecine car à l'époque les études de kiné ne donnaient pas droit à la bourse. Ayant réussi médecine, bingo, j'ai continué. Entre la bourse, le restau U matin midi et soir, la chambre en citée U., le sport universitaire, les réductions étudiant, vendanges, puis remplacements d'infirmières, puis interne, puis remplacements, on s'en sortait. De vocation, point jusque-là. Pour me rattraper j'ai envisagé d'aller faire le médecin en Afrique (voire en Chine pendant ma crise Mao). J'ai donc oublié la pédiatrie, et je suis passé par la médecine infectieuse, dont la parasito. Là j'ai eu comme patron, Pierre Ambroise-Thomas (de la famille du compositeur). Aussi aimable que magnifique enseignant, brillantissime. C'était un personnage. Accent pied-noir, cours sans notes, cravates spectaculaires, Président de l'Académie de médecine, etc. Je lui demande un sujet de thèse. Il me branche sur les septicémies à candidas. Il faut se souvenir que c'est très très antérieur au SIDA. Où trouver des cas ? En service de réa ! Et donc je fais ma thèse sur des cas de septicémies à candidas en réa locale. Et le jour de la soutenance, je n'avais pas pensé que parler des ces cas en service de réa, ça n'allait pas faire plaisir au patron de la réa, qui s'est senti mis en cause. Or ce patron-là n'était pas un rigolo du tout. Il m'a démoli la plupart des cas, a reproché à mon maître de thèse sa perfidie non confraternelle, etc. Avec ma famille, habillée comme si elle allait aux courses à Ascot, moi avec ma tenue poussiéreuse, en état second, on a assisté à une engueulade terrible entre les deux patrons, noms d'oiseaux, clown colonialiste contre protestant coincé etc. C'est passé juste. Pas question de félicitations du jury ! Ma vocation s'est arrêtée là ! L'Afrique a perdu son futur Schweitzer, "on fait les valises", direction la Côte d'Azur. Patrick Fabre   "J'ai fait médecine… Pour être missionnaire chez les Mayas" Tout enfant, j'étais attiré par les indiens (d'Amérique). A 12 ans, j'ai assisté à un concert d'orgue d'Albert Schweitzer à Pfaffenhoffen, ville d'un de ses grands-parents et aussi de ma grand-mère. A l'issue du concert, il m'a serré la main. C'était l'époque où je passais tous mes jeudis après-midi au Musée du Louvre, sections Egypte et Mésopotamie. L'Antiquité, et donc l'archéologie, me passionnaient. En deuxième langue, j'avais choisi l'espagnol. Ce fut décisif, car, après une année consacrée à l'Outre-Pyrénées, je passais à "l'Amérique de Langue Espagnole", avec des textes sur les Aztèques et les Mayas. Ces derniers m'ont passionné et je désirais donc m'orienter vers l'archéologie précolombienne. Je fus attristé d'apprendre que c'était une chasse gardée des Américains (du Nord) et, d'autre part, que les Mayas étaient en implosion démographique du fait des maladies tropicales, comme l'ankylostomiase. Il ne fut pas difficile de penser à Schweitzer qui s'était attristé de l'implosion démographique des Gabonais et avait pour cela fait médecine à Paris pour aller les soigner. D'autant que la vocation de médecin-missionnaire passait pour la plus élevée dans le milieu protestant qui était le mien. Je serais donc médecin-missionnaire chez les Mayas. C'est ainsi que, bien qu'amateur de sciences humaines, je fis médecine… Mais n'est-ce pas une science humaine ? François Volff     "En première année, seul contre tous, j'ai posé un diagnostic rare" J'étais en première année de ma spécialité de chirurgie générale et ce jour-là j'avais reçu en consultation un patient, la quarantaine qui était le frère d'une sage-femme qui exerçait dans le même établissement. Après examen physique, interrogatoire et après avoir affiché les clichés du TOGD sur le négatoscope, mon diagnostic était celui de Pseudokyste du pancréas. En qualité de résident, nous n'avions pas le droit d'admettre les patients dans le service sans l'accord du professeur chef de service. C'est ainsi que je suis monté le voir dans son bureau pour lui présenter le cas. J'ai regagné le box de consultation pour l'attendre à sa demande et dès qu'il est rentré et qu'il a vu les clichés et l'état général du patient qui avait perdu du poids et présentait des hématémèses, son diagnostic sans appel était celui de cancer de l'estomac. J'ai répondu que j'étais en faveur plutôt d'un pseudokyste du pancréas. Sa réponse était alors "Mais non qu'est-ce que tu connais toi tu es en première année, non c'est un néo de l'estomac, hospitalise le pour compléter le bilan et on va l’opérer" Le patient hospitalisé et le bilan complété, vint le jour du colloque et j'ai présenté le dossier. Bien sûr j'avais maintenu mon diagnostic initial, mais tout le monde était contre moi, aussi bien le chef de service que tous les assistants, qui étaient tous pour le diagnostic de cancer gastrique. Le jour de l'intervention, et bien que le patron ne m'eut pas programmé à cette intervention, je suis quand même rentré en salle d'opération et quelle ne fut ma joie quand le chirurgien, après avoir incisé, découvre un pseudokyste. Se sentant bien sûr blessés dans leur amour propre, ni le chirurgien qui avait opéré et qui est devenu un très bon ami par la suite, ni le chef de service ni aucun autre n'avait reconnu son erreur, ni ne m'avait encouragé. J'étais fier et heureux d'avoir posé un diagnostic rare alors que j'entamais ma carrière, j'étais content pour le patient qui présentait finalement une affection bénigne et qui avait bien évolué, mais j'avais appris aussi à faire confiance à mes intuitions et cela m'a bien servi dans la suite de ma carrière.     Dr Nekhla Ahmed Algérie   Et vous ? Comment est née votre vocation pour la médecine ? Racontez-nous en commentant cet article…  

Médecin depuis 40 ans…   "Mes espoirs n’ont jamais été déçus malgré la difficulté de la pratique de cette profession. Je ne regrette rien !!! Ni la médecine générale pratiquée pendant 12 ans, ni la psychiatrie ou la psychanalyse que je pratique depuis plus de 30 ans soit en milieu hospitalier, soit en libéral après ma retraite hospitalière… et que malgré mon âge je continue à aimer et pratiquer avec plaisir." Professeur M. Peyron   "J'ai 68 ans et je travaille avec plaisir, je ne vois pas pourquoi je cesserais. J’ai un exercice particulier car je suis médecin légiste, je me suis associée avec un jeune depuis 6 ans, et cela me permet de finir en douceur." Dr Françoise Nadau   "Sauvé par un Chef de Clinique en pédiatrie à ma naissance, tout au long de ma carrière j’ai voulu offrir aux nouveau-nés et aux enfants la qualité de posséder une très bonne santé." Dr André-Pierre Blanc-Garin, ancien Chef de Clinique au C.H.R.U. de Lille.   "Thèse de Doctorat en Médecine il y a 45 ans et DESS de Médecine du Travail il y a 20 ans, je suis un retraité de 70 ans... L’évolution depuis 20 ans est accablante !" Dr C. Lamy  

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