Telle est la conclusion alarmante d’une étude, publiée le 4 mars par une équipe de chercheurs américains et allemands dans la revue Science Advances et relayé par le média américain Inverse. Les scientifiques ont mesuré les émissions et les concentrations de composés organiques volatils (COV) dans un cinéma en Allemagne ayant strictement respecté la loi nationale, vieille de 15 ans, y interdisant de fumer. Verdict ? Des COV caractéristiques de la fumée de cigarette en concentration significative. Pour tester l’hypothèse que ces COV étaient diffusés par les spectateurs fumeurs, les chercheurs ont mesuré la concentration en parties par milliard (ppb) de 35 COV dans le cinéma sur 4 jours consécutifs. Ils avaient vu juste : les émissions de COV étaient synchrones, et augmentaient par pics correspondant au début d’une nouvelle séance (pics caractérisés par l’augmentation brusque de la concentration en C02, marqueur de l’occupation humaine). La concentration en COV était d’autant plus importante que le film était un "R-rated movie", ou film interdit aux mineurs non accompagnés ; ceci s’explique probablement par la plus forte proportion de fumeurs dans la salle, en comparaison avec un film familial. Selon les COV considérés, l’équivalent en nombres de cigarettes subies par tabagisme passif par heure de film va de 1 (formaldéhyde, cancérogène avéré pour l’homme) à 8 (benzène, cancérogène avéré), voire 10 (naphthalène, cancérogène potentiel). Enfin, la nicotine constituait 15% des particules organiques de l’aérosol présent sur les filtres du système de ventilation du cinéma. Présence de nicotine dans des services pédiatriques L’étude actuelle est une première par sa recherche systématique de COV en environnement d’intérieur non-fumeur, et par l’étude de la dynamique de leur diffusion. Ces résultats confirment cependant de précédentes recherches, qui avaient montré que les COV émis par les cigarettes pouvaient diffuser en intérieur dans des environnements où le tabagisme était autorisé... ou non. Une étude de 2018, également parue dans la revue Science Advances, estime ainsi à 29% la proportion de PM1 (microparticules inférieures à 1 µm de diamètre) provenant du tabagisme ultra-passif dans un milieu d’intérieur non-fumeur. Pire, "dans certains de nos environnements supposés les plus propres, comme les unités de soins pédiatriques et néonatals, de précédents travaux ont montré la présence de nicotine" explique à Inverse Drew Gentner, professeur en chimie à l’université de Yale et co-auteur de l’étude actuelle. Et cette exposition "ultra-passive" n’est pas sans impact pour la santé : une étude de 2014 estimait que le tabagisme ultra-passif entraînait 5 à 60% de la diminution d’espérance de vie en bonne santé causée par l’exposition au tabac en intérieur.
Un tabagisme ultra-passif équivalent à 1 à 10 cigarettes respirées par heure, même dans un milieu bien ventilé comme la salle de cinéma étudiée, remet en question la notion de "zones non-fumeur" qui seraient épargnées par le tabac. Mais comment protéger les non-fumeurs du tabac si la seule présence d’un fumeur est néfaste, alors même que 15% de la population mondiale fume régulièrement ? Dans un premier temps, "l’interdiction de fumer à moins de 8 mètres d’un bâtiment pourrait aider à combattre le problème", indique Drew Gentner. En effet, l’émission de COV par le fumeur est d’autant plus marquée qu’il a consommé du tabac juste avant d’entrer. "En attendant, complète le professeur, nous aimerions que les fumeurs sachent que les particules émises par leur cigarette ne restent pas entièrement à l’extérieur", afin qu’ils aient plus conscience de l’impact caché que leur tabagisme peut avoir sur les non-fumeurs.
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