Maladies cardiovasculaires : vers de nouvelles stratégies pour la prévention

28/12/2018 Par Thierry Billoir
Cardio-vasculaire HTA
BILAN ET PERSPECTIVES - S’il y a eu peu de nouveautés thérapeutiques en 2018, des résultats d’études cliniques présentées ou attendues pourraient avoir des répercussions sur les pratiques. Le Pr Nicolas Danchin*, du service de cardiologie de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (AP-HP, Paris), fait le point.

    Egora - Le Panorama du médecin : Quelles ont été les nouveautés thérapeutiques en 2018 en cardiologie ?

Pr Nicolas Danchin (DR)

Pr Nicolas Danchin : En fait, si on commence il y a exactement un an à l’AHA [American Heart Association, NDLR] de 2017, trois éléments sont particulièrement intéressants. Le premier, c’est l’étude Cantos avec le canakinumab, qui est un inhibiteur d’IL-1bêta donc un anti-inflammatoire spécifique. C’est la première étude qui est réellement positive avec un anti-inflammatoire chez des patients en prévention secondaire de la maladie coronaire. Nous savons depuis très longtemps que l’inflammation participe au processus d’athérosclérose mais jusqu’ici toutes les tentatives pour évaluer des anti-inflammatoires étaient négatives. Les résultats de Cantos sont modestes mais ils montrent qu’il est possible avec un anti-inflammatoire de ralentir l’évolutivité de la maladie, et ses complications. C’est conceptuellement intéressant. La deuxième étude, présentée cette année en mars, c’est Odyssey Cardiovascular Outcome avec l’alirocumab, un anticorps dirigé contre la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (Pcsk9), qui inhibe la dégradation du LDL-C par les hépatocytes. Dans cette étude, on observe une baisse des accidents ischémiques et une réduction assez importante, de 15 %, de la mortalité globale chez des patients en post syndrome coronaire aigu traités par l’alirocumab. Cette molécule n’a pas encore cette indication mais on peut gager qu’elle l’aura. On peut aussi imaginer qu’elle puisse être utilisée chez les patients intolérants vrais aux statines, devant lesquels les cardiologues se trouvent très démunis. Et puis la troisième nouveauté, c’est l’étude Reduce-IT avec des oméga-3 à forte dose (4 g/J d’acide eicosapentaénoïque) chez plus de 8000 patients à haut risque cardio-vasculaire, sous statines, en prévention primaire et secondaire. Jusqu’ici, toutes les études avec les oméga-3 étaient négatives ou discutables. Celle-ci est très positive avec une réduction de 26 % des événements cardio-vasculaires, de 20 % de la mortalité cardio-vasculaire et de 13 % de la mortalité globale. C’est venu un peu comme une surprise, et personnellement je pense que le facteur le plus important de ces résultats c’est probablement la dose, beaucoup plus importante que dans toutes les études précédentes.   Voilà pour la maladie athéroscléreuse, et pour le reste de la cardiologie ? Pour le reste, il y a une nouveauté thérapeutique qui à mon avis est appelée avoir des conséquences importantes. C’est un médicament qui s’appelle le tafamidis, utilisé en neurologie, qui a été testé dans l’étude Attract, chez les patients ayant une cardiomyopathie avec une anomalie de la transthyrétine. Dans cette situation, ce médicament est extrêmement efficace avec une réduction de la mortalité globale d’à peu près 30 % au bout d’un an de traitement. Il va y avoir un programme de développement pour essayer de savoir si ce médicament peut être bénéfique dans d’autres indications plus larges en cardiologie. Il y a eu également trois grandes études sur l’aspirine en prévention primaire. Deux études, Arrive et Aspree, montrent que le rapport bénéfice risque n’est pas bon : il y a peu d’effet sur les évènements cardio-vasculaires et une augmentation du risque hémorragique, et donc schématiquement cela condamne l’aspirine en prévention primaire.

La troisième étude, l’étude Ascend, chez des patients diabétiques de plus de 40 ans, montre un bénéfice mais assez faible, sauf dans le sous-groupe des patients les plus jeunes, ceux qui ont entre 40 et 60 ans, où il y a une réduction tout à fait nette des événements ischémiques avec une très faible majoration du risque hémorragique. Je pense donc qu’il pourrait y avoir un groupe intéressant parmi les patients diabétiques qui pourraient bénéficier de ce traitement, qui a l’avantage d’être simple et peu coûteux.   Quelles sont les perspectives pour 2019 ? Nous allons attendre des études sur les anticoagulants oraux directs. En particulier une étude qui s’appelle Augustus. Chez les patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire et une maladie coronaire, notamment à la suite d’un syndrome coronaire aigu, il y a une discussion à l'heure actuelle pour savoir quelle est la meilleure stratégie en termes de traitements anti-thrombotiques, et en particulier il s’agit de savoir si on peut réduire le risque hémorragique en réduisant ce traitement à une association qui serait un seul anti-agrégant plaquettaire et un anticoagulant plutôt que deux anti-agrégants plaquettaires et un anticoagulant, ce qui actuellement préconisé.   *Le Pr Nicolas Danchin déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Amgen, AstraZeneca, Bayer, BMS, Boehringer, Intercept, Novo-Nordisk, Pfizer, Sanofi, Servier, et Socar.   

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