"Généraliste, j'ai prouvé que les chiffres de la Rosp étaient bidon"

Que les choses soient claires : "Ce n'est pas une histoire d'argent". Si le Dr Renaud Miller s'est engagé dans cette longue bataille autour du calcul de sa Rosp 2017, ce n'est pas pour gagner quelques centaines d'euros, mais pour révéler au grand jour les "failles" de cette rémunération forfaitaire à la qualité, instaurée il y a maintenant 10 ans.
Installé en 2012 à Bazancourt, dans la Marne, le jeune généraliste a signé la Rosp sans sourciller. D'année en année, il scrute ses indicateurs afin de "mettre le paquet" sur ceux qui sont en berne. "Mais je ne voyais rien évoluer, mes efforts n'étaient pas récompensés", nous raconte-t-il. Pour le généraliste, qui tient scrupuleusement ses dossiers patients, il devient évident que les indicateurs ne collent pas à sa pratique. Son premier courrier à la commission de recours amiable de la CPAM, en 2017, reste sans réponse. "La tête dans le guidon, j'ai fini par lâcher." Au printemps 2018, une nouvelle Rosp tombe et là encore, Renaud Miller note un "couac". "Je ne m'en suis pas rendu compte par rapport à la somme - j'étais un peu au-dessus de la moyenne car j'ai plus de 1200 patients médecin traitant, explique le généraliste. Mais en regardant les indicateurs de chaque item sur mon compte Ameli pro. Pour la Rosp enfant, j'avais 80% de vaccination ROR. C'est une aberration : c'est évident qu'ils l'ont tous reçu! Pareil pour la méningite. Je peux vous garantir qu'il n'y a aucun enfant qui quitte le cabinet avec un carnet de vaccination incomplet", assure-t-il. Le médecin relève par ailleurs des prescriptions d'anxiolytiques atypiques, non conformes à sa pratique. Il se décide donc à former un nouveau recours amiable, avec la ferme intention cette fois "d'aller jusqu'au bout".
Au bout de deux mois sans réponse, suivant un mot d'ordre du syndicat UFML, le généraliste porte l'affaire en justice, en contestant formellement le calcul de sa Rosp devant le tribunal administratif. Cette procédure inédite agit comme un électrochoc sur la CPAM, qui dépêche son médecin-conseil en septembre 2018. Ensemble, durant trois séances de trois heures, les deux confrères épluchent "un à un" 320 dossiers médicaux litigieux, pour lesquels un ou plusieurs items (16 au total sont contestés) sont notés non atteints. "ça nous a pris un temps fou, on est devenus intimes", sourit le médecin. Mais le résultat en vaut la peine : "nous avons corrigé des erreurs en ma défaveur pour quasiment un dossier sur deux", affirme le Dr Miller. Ce qu'atteste un versement complémentaire de 1170 euros.
"Les taux sont forcément faux"
Loin d'être anecdotiques, les erreurs constatées révèlent selon le généraliste les "failles de la Rosp". Des "trous dans la raquette" qui doivent pénaliser bon nombre de médecins, si ce n'est tous. Pour les items de dépistage, "les taux sont forcément faux, et forcément au détriment des médecins", assure ainsi le praticien : les mammographies et frottis réalisés au CHU ne sont jamais...
D'accord, pas d'accord ?
Débattez-en avec vos confrères.