Epidémies et cassoulet : la rude journée d'une généraliste

26/02/2015
Billet de blog

Fluorette est médecin généraliste et auteur du blog "Promenade de santé" dans lequel elle raconte son quotidien, livre ses états d'âme... Egora vous propose ce billet, publié mercredi dernier. Fluorette y raconte sa journée marquée par un planning plein à craquer et un tweet de Marisol Touraine... sur le cassoulet.  

En ce moment, je passe des journées entières à courir. A tenter de gérer les vraies urgences. Pour lesquelles quand j’appelle aux urgences, j’entends d’abord un immense soupir, et le confrère me demande si c’est vraiment indispensable de l’adresser parce que c’est plein tout partout. A tenter de programmer de courtes hospitalisations, pour ce qui ne relève pas des urgences, et il n’y a pas de lits, puisque c’est encore plein tout partout. A tenter de caler plein de monde sur un planning qui déborde, en créant de nouveaux créneaux, en agrandissant mes journées. En soupirant parce que je m’aperçois que j’ai créé des créneaux et je rentrerai épuisée parce que certains ont seulement le nez qui coule depuis le matin et qu'il leur faut un arrêt de travail. Et en écoutant d’une oreille plus que distraite les reproches sur les délais de rendez-vous, parce quand même 48 heures, quel scandale, on peut mourir, et tout le monde le dit au village que c’est un scandale.

Entre deux, je lis mes mails, qui parlent de la diminution des possibilités de formation des médecins, de grève de la télétransmission, de la préparation de la manifestation du 15/03/15, du ras-le-bol de mes confrères d'être pris pour des blaireaux...   "Je dois faire des journées de 16 heures, sinon qui verra les gens ?"   Le soir, je sors donc dîner en famille, pour me changer les idées et manger en plus que quinze minutes en prenant le temps de mâcher. Et j’entends que “c’est normal de faire des gardes, [je] l’ai choisi, que [je] dois faire des journées de 16 heures, sinon qui verra les gens, déjà que [je] m’arrête à minuit, franchement on peut mourir, comment ça [je] suis déjà débordée mais ils ont dit à la télé que le pic n'est pas encore atteint” et que “ah bon [je] ne vais pas manger au restaurant tous les midis ? par manque de temps ? (et de budget, ndlr)”. Comme c’est la vision globale de mon travail que doit avoir la majorité de la population je suis un peu déprimée, je reprends des frites et un verre de vin. Je laisse le Poilu répondre et s’énerver. Après, je vais à la réunion des gardes. Et j’y souris intérieurement. Quand je suis arrivée, il y a quelques années, je suis passée pour une emmerdeuse parce que j’ai dit que les patients étaient trop exigeants et qu’on devait faire bloc, éduquer et cadrer, que la démographie locale allait s’effondrer et qu’on ne pourrait pas gérer des journées plus grosses et plus de gardes, que c’était maintenant qu’on devait tous se serrer les coudes et réfléchir à notre avenir. Je sortais de remplacement en département sinistré, j’avais plein d’idées. On m’a dit que j’étais une chieuse, jeune et inconsciente, et qu’il fallait que je bosse et me taise.   "Avec la loi santé, enfin des repères clairs !“   Cette année, curieusement, on m’a dit du bout des lèvres que c’était bien d’avoir demandé l’arrêt des astreintes à minuit parce qu'au moins on pouvait dormir un peu. J’ai aussi entendu que les patients insultaient la femme de l’un qui ne prend plus de nouveaux patients comme ils insultent ma secrétaire, quand elle propose un rendez-vous 5 heures plus tard, alors qu’eux veulent un rendez-vous tout de suite. Certains pensent aussi qu'il y a plus de menaces qu'avant. J’ai entendu que beaucoup en avaient marre des astreintes. J’ai entendu l’inquiétude de ceux dont les locaux ne sont pas aux normes handicapés, leur peur d’investir alors que la loi de santé leur fait peur et que la démographie médicale commence à leur arriver dans la figure. Le burnout se profile dans leur propos. Je leur rappelle que si ceux qui étaient intéressés pour reprendre le cabinet du DrKisenva sont repartis c’est parce qu’ils habitent loin et que les gardes loin de chez soi c’est un sacré frein sur une installation alors maintenant qu’est ce qu’on décide. Je savoure la réponse : on attend. [Visualiser ici une joli image de crash d'avion] En rentrant, j’allume mon twitter. Et je tombe sur ça : “Le cassoulet parfois plus équilibré que le poisson cuisiné ? Contre-intuitif mais vrai. Avec la loi santé, enfin des repères clairs !“ Marisol Touraine, le 24/02/2015, 20h. Bon.

Je vois que notre ministère a bien cerné quelles sont les priorités.

Je suis rassurée.

Vignette
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Jerry Tulassan

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