Le "foie gras" maternel, facteur de risques pour la mère et l’enfant

21/09/2021 Par Brigitte Blond
Hépato-gastro-entérologie
La stéatose hépatique non alcoolique chez la femme enceinte augmenterait significativement le risque de complications graves liées à la grossesse et lors de l’accouchement, pour la mère et l’enfant. En outre, l’apparition de cette maladie pourrait être liée à un excès de poids chez la mère, avant même la conception !
 

Alors que la prévalence de la stéatose métabolique augmente de façon alarmante, les hépatologues – via l’Association Française des Hépatologues - et les diabétologues – via la Société Francophone du Diabète – ont plaidé pour une surveillance rapprochée de la grossesse, lors de la 7è édition du Paris NASH Meeting, qui s’est tenue les 9 et 10 septembre dernier. "La stéatose métabolique ou hépatique non alcoolique ou NAFLD (pour Non Alcoholic Fatty Liver Disease), une accumulation de graisses dans le foie d’origine métabolique, est indépendante donc de la consommation d’alcool ou d’une histoire personnelle d’hépatites virales, etc.", a rappelé le Pr Lawrence Serfaty, chef du service d’hépatologie de l'hôpital Hautepierre de Strasbourg, à l’origine de cette conférence internationale. Elle peut être “simple“ et le rester, dans 80 % des cas. Pour les autres, son évolution peut être émaillée de lésions de stéato-hépatite, reflet d’une souffrance hépatocytaire, la fameuse Nash. Prévalence galopante Selon les derniers chiffres de la cohorte Constance (Inserm), la prévalence de la stéatose métabolique est de 18,2 % (dans la population adulte française) et 220 000 personnes souffriraient de lésions de fibrose avancée. Elle est deux fois plus fréquente chez l’homme, et augmente avec l’âge. Enfin, le risque de transformation en NASH est d’autant plus élevé que l’on est obèse (la NASH concerne 79,1 % d’entre eux) ou diabétique (62,4 %). "Un foie NASH 'gagne' un degré de fibrose tous les 7 ans", prévient-il. Par ailleurs, la NAFLD et plus encore la NASH favorisent les maladies extra-hépatiques, cardiovasculaires, cancers (colon et sein notamment) et maladies rénales, ce qui soulève la question du dépistage de ces pathologies en cas de NAFLD et a fortiori de NASH.   Complications de la grossesse En France, près de 10 % des femmes en âge de procréer (un tiers aux États-Unis) auraient une stéatose métabolique. Or une étude américaine portant sur plus de 18 millions de grossesses objective la part croissante des NAFLD d’une part (triplée entre 2007 et 2015), et le risque de complications graves liées à la grossesse d’autre part. Ainsi, le risque de complications “hypertensives“ liées...

au foie gras, pré-éclampsie, éclampsie et HELLP syndrome (pour hémolyse/élévation des enzymes hépatiques/Baisse des plaquettes), qui obligent à un déclenchement de l’accouchement, est multiplié par 3. Le risque d’hémorragie du post-partum l’est par 1,67 et le risque de décès maternel multiplié par 17,82. Des risques accrus que l’on observe indépendamment d’un diabète, d’une HTA, d’une dyslipidémie et/ou d’un surpoids préexistant. "A noter également, le risque de naissance prématurée, probablement en lien avec les complications hypertensives", relève le Pr Serfaty. Les risques engendrés par un foie gras (et les comorbidités associées) doivent inciter à les décrire à ces mères dès le désir de grossesse pour encourager la patiente à adopter un mode de vie plus sain, et à contrôler son poids, et éventuellement un diabète, une hypertension artérielle et/ou hyperlipidémie. La surveillance de la grossesse est alors plus attentive, et de l’aspirine peut être systématiquement proposée en prévention de l’éclampsie.   La Nash, une maladie transmissible ?
Comme il s’agit d’une maladie environnementale, et que le mode de vie est nécessairement partagé en famille, la question de la transmissibilité du foie gras est posée. "Les courbes de prévalence de l’obésité sont en effet inquiétantes, voire affolantes dans les pays émergents", souligne le Pr Rodolphe Anty, hépatologue au CHU de Nice (Inserm U 1065). Or tout se joue, - et l’avenir métabolique de l’enfant en particulier - , in utero et même avant la conception. L’excès de poids préconceptionnel est un facteur aggravant pour la NAFLD de l’enfant ou à l’adolescence ; les effets d’un diabète avant la conception ou gestationnel sont à l’heure actuelle incertains, sur l’apparition d’une stéatose métabolique chez l’enfant. L’allaitement est protecteur. L’exposome tout entier, - alimentation, activité physique, tabagisme, consommation d’alcool, stress psychosocial, etc.- , favorise l’émergence d’une NAFLD, reflet de stress métaboliques et de perturbations du microbiote intestinal. Et c’est par conséquent au médecin traitant, de famille, de poser la question du poids maternel et de préconiser, idéalement en amont, un régime méditerranéen (fruits et légumes de saison, en circuit court, peu de viande, peu de produits transformés, pas de soda), de l’activité physique régulière, une sédentarité limitée, etc.

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