Bactéries

Virus et bactéries, causes émergentes de rhumatismes

Les arthrites post-infectieuses, nouveau champ d’action de la rhumatologie ? Depuis la pandémie de Covid-19, ces symptômes post-infectieux, longtemps négligés, prennent une place croissante dans le débat médical.

14/07/2025 Par Romain Loury
Eular 2025 Rhumatologie
Bactéries

Selon plusieurs travaux, le Covid-19 a été associé à un sur-risque de développer des maladies auto-immunes, dont des rhumatismes inflammatoires chroniques. Lors d’une analyse de la base de données américaine TriNetX, les patients ayant contracté un Covid-19 en 2020-2021 étaient 2,98 fois plus à risque de polyarthrite rhumatoïde (PR), 2,99 fois plus à risque de lupus érythémateux disséminé et 3,21 fois plus à risque de spondylarthrite ankylosante(1). D’autres travaux ont révélé que ce risque était particulièrement accru avec le variant Delta, chez les personnes ayant développé une forme sévère de Covid-19 et chez les non-vaccinés(2).

Au-delà du Covid-19, plusieurs maladies virales ont été associées à un risque accru de rhumatismes chroniques. "Bien que ce sujet soit probablement important, les maladies rhumatismales post-infectieuses demeurent sous-diagnostiquées", constate le Pr Francesco Ursini, chef du service de rhumatologie de l’Institut orthopédique Rizzoli (Bologne, Italie).

 

Des rhumatismes émergents ?

Parmi les infections à risque articulaire, le chikungunya, dont 15 à 35 % des patients développent des symptômes chroniques répondant aux critères d’une PR ou d’une spondylarthrite. "Au cours des prochaines années, le chikungunya deviendra en Europe une nouvelle éventualité lors du diagnostic différentiel de tout nouveau cas de rhumatisme", prévoit Francesco Ursini. Véhiculée par le moustique tigre, cette maladie ne cesse de progresser en Europe : début juillet, la France était le pays européen le plus touché en 2025, avec une épidémie en cours à La Réunion et à Mayotte, et 14 cas autochtones en métropole.

Autre source de rhumatismes post-infectieux, la maladie de Lyme, liée à l’infection par les bactéries du genre Borrelia contractées par piqûre de tiques, elles-mêmes favorisées par le réchauffement. Ou encore l’infection par le parvovirus B19, dont le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a constaté en 2024 une forte hausse de la circulation sur le continent. Le plus souvent bénin, ce virus engendre arthralgies et arthrites chez environ 60 % des adultes infectés. S’ils se résolvent le plus souvent de manière spontanée, ces symptômes articulaires peuvent, comme ceux découlant du chikungunya, perdurer à long terme.

L’arthrite réactive, d’origine bactérienne

Les virus ne sont pas les seuls agents impliqués dans les rhumatismes post-infectieux. Également en cause, certaines bactéries, en particulier celles à l’origine d’infections gastro-intestinales (Campylobacter, Salmonella, Shigella) et génito-urinaires (Chlamydia, Ureaplasma), peuvent engendrer une arthrite réactive, entre une et quatre semaines après l’infection. À la différence des arthrites septiques, les bactéries ne sont pas retrouvées dans l’articulation touchée.

À bien des égards, l’arthrite réactive se rapproche de la spondylarthrite. Elle touche le plus souvent des personnes jeunes, en particulier les hommes, et survient plus fréquemment chez les porteurs du gène HLA-B27 – également un facteur de risque de spondylarthrite. La présence de ce gène est en outre liée à une sévérité accrue de l’arthrite réactive mais également à une chronicisation plus fréquente (durée supérieure à six mois), y compris vers une spondylarthrite déclarée.

En termes de traitement, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes oraux constituent la première ligne thérapeutique contre l’arthrite réactive. En cas d’échec, il est possible de recourir à des traitements arthritiques de fond, en particulier la sulfasalazine. Quant aux biothérapies, elles n’ont pour l’instant fait l’objet que de quelques études de cas, plutôt encourageantes, en particulier avec des anti-TNF alpha.

Les antibiotiques sans efficacité, sauf…

Bien que l’arthrite réactive découle d’un épisode infectieux, les antibiotiques ne sont en général d’aucun secours. Les articulations concernées ne contiennent, en effet, pas de bactérie vivante, uniquement des fragments bactériens issus de l’infection initiale. Exception notable, l’arthrite réactive liée à Chlamydia, la plus fréquente : à la différence des autres bactéries, celle-ci est bien présente dans l’articulation, mais sous une forme très peu active – ce qui nécessite une antibiothérapie de six à neuf mois.

Autre cas particulier, les arthrites réactives liées aux instillations intravésicales de BCG (souche atténuée de Mycobacterium bovis), qui surviennent chez 0,5 à 1 % des patients suivant ce traitement du cancer de la vessie. Si l’arthrite disparaît spontanément dans la plupart des cas, elle peut nécessiter la suspension de la BCG thérapie, la mise sous AINS, corticoïdes oraux et/ou traitement antiarthritique ainsi que la prise d’antibiotiques dans les cas les plus sévères.

(1) Chang R et al., eClinicalMedicine, 10 janvier 2023

(2) Heo YW et al., JAMA Dermatology, 1er décembre 2024

Références :

Congrès de l’European League Against Rheumatism (Eular), Barcelone, 11-14 juin. D’après la session "Post-infectious rheumatic diseases" ; et d’après "Chikungunya, dengue et zika en France hexagonale. Bulletin de la surveillance renforcée du 2 juillet 2025" de Santé publique France.

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Claire FAUCHERY

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Débatteur Passionné
il y a 5 mois
On croit tout savoir... Il y a de façon évidente des virus et des bactéries peu ou pas connues qui influent sur la santé en général, d'une façon ou d'une autre. Certains "diagnostics" sont des "poubelles pathologiques" qui démontrent de fait notre incompétence involontaire. Il suffit de regarder l'histoire de la médecine pour voir l'évolution dans les diagnostiques: elle va forcément continuer. Il faut rester modeste, c'est pour sa partie inconnue que la médecine n'est pas qu'une science mais aussi un art.
 
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