Prévention primaire des sujets à risque cardiovasculaire : l’aspirine plus dangereuse que bénéfique, rappelle le CNGE

22/10/2021 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA
Concernant la place de l’aspirine en prévention primaire chez les sujets à risque cardiovasculaire, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) vient d’afficher une position conforme à celle préconisée par les cardiologues depuis quelques années, à savoir que son utilisation à faible dose n’est pas recommandée, même chez le sujet diabétique, lorsque le patient n’a pas présenté d’antécédent d’événement cardiovasculaire.

Le Collège considère que la balance bénéfices/risques de ce traitement n’est pas positive dans les différentes populations concernées : « il n’y a pas de place pour l’aspirine chez les patients en prévention cardiovasculaire primaire, qu’ils soient diabétiques ou pas, quel que soit leur âge, et y compris en cas d’artériopathie asymptomatique des membres inférieurs ». Pour le CNGE, en effet, les arguments en faveur de cette stratégie ne sont pas étayés suffisamment sur le plan scientifique, les preuves d’efficacité ne sont pas assez « solides » : « ces opinions reposaient sur des analyses (et méta-analyses) conduites sur des critères secondaires, et/ou post-hoc et/ou dans des sous-groupes non préspécifiés, alors que le résultat sur le critère de jugement principal clinique de chaque essai n’était pas significatif » écrit le CNGE dans un communiqué daté du 19 octobre. Pour appuyer son avis, le Collège cite trois études randomisées en double aveugle, publiées en 2018 qu’il considère « de bonne qualité » : Arrive, publiée dans The Lancet (Gaziano JM,et al. Lancet 2018;392:1036-46) ; Ascend, publiée dans The New England Journal of Medicine (Bowman L. et al. N Engl J Med 2018;379:1529-39) ; et  Aspree-2, publiée aussi dans The New England Journal of Medicine (McNeil JJ.N Engl J Med 2018;379:1509-18). Arrive (12 546 patients non diabétiques suivis pendant 5 ans) n’a pas montré de différence significative concernant les événements cardiovasculaires (HR = 0,96 ; p = 0,60) et la mortalité ; en revanche, il y avait significativement plus d’hémorragies chez les patients sous aspirine (HR = 2,11 ; p = 0,0007). Dans Ascend (15 840 patients diabétiques de type 2 suivis pendant 7,4 ans), la différence d’efficacité en faveur de l’aspirine était significative sur le critère primaire composite d’événements et de décès cardiovasculaires (HR = 0,88, p = 0,01), mais pas sur la mortalité totale, et au prix d’une hausse significative, là aussi...

des hémorragies graves (HR = 1,29 ; p = 0,003). Le CNGE précise que dans cette étude, « la réduction absolue de 1,1% du risque d’événements cardiovasculaire dans le groupe aspirine était contrebalancée par une augmentation absolue de 0,9% des hémorragies graves. De ce fait, le bénéfice net et incertain de l’aspirine n’a concerné que 2 patients sur 1 000 traités pendant 7,4 ans ». De même, dans Aspree-2 (19 114 patients de 70 ans et plus sans pathologie cardiovasculaire suivis pendant 4,7 ans), la réduction de l’incidence des événements cardiovasculaires sous aspirine n’était pas significative (HR = 0,95 ; p = 0,44), à l’inverses de l’augmentation des hémorragies graves et de la mortalité totale (HR = 1,38 et 1,14 respectivement, avec p < 0,001 et p = 0,03).   Le conseil scientifique du CNGE s’inquiète donc de la « iatrogénie importante » liée à l’aspirine dans ces populations et «pour un bénéfice clinique incertain ». Selon une revue de la littérature qui date de 2016 (Whitlock EP. Et al., Ann Intern Med 2016;164:826-35), le risque annuel d’hémorragie gastro-intestinale, d’AVC hémorragique et d’hospitalisation pour hémorragie est estimé respectivement à 0,7/1000, 0,3/1000 et 3,6/1000. Il augmente avec l’âge. Or, dans ce cas de la prévention primaire, le traitement est très long. Suite à ces études présentées au Congrès de l’European Society of Cardiology (ESC), en 2018, le Pr serge Kownator de la Société française de cardiologie (SFC) écrivait sur Cardio-online : « le problème de la prévention primaire par de petites doses d’aspirine semble pour le moment réglé, en attendant d’autres études. En tous cas pour la pratique, la décision d’une prévention par aspirine chez les sujets n’ayant pas d’antécédents cardiovasculaires doit résulter d’une approche personnalisée pour chaque patient ».   Des recommandations américaines fonction de l’âge Cette recommandation du CNGE fait suite celle de l'US préventive Service Task Force (USPSTF), un organisme de prévention américain. Pour ces experts, si le bénéfice de l‘aspirine en prévention primaire chez les patients à risque n’est pas prouvé, il faut différencier 2 classes d’âge. Ainsi, chez les patients à risque mais jeunes (40-59 ans), la décision d'initier l'utilisation d'aspirine à faible dose pour la prévention primaire « doit être individuelle ». Pour ce groupe d’experts, « les preuves indiquent que le bénéfice net de l'utilisation de l'aspirine dans ce groupe est faible. Les personnes qui ne présentent pas de risque accru de saignement et qui sont prêtes à prendre quotidiennement de l'aspirine à faible dose sont plus susceptibles d'en bénéficier ». En revanche, pour les sujets plus âgés (60 ans et plus), l'USPSTF recommande « de ne pas commencer à utiliser de l'aspirine à faible dose pour la prévention primaire ». Enfin, les récentes recommandations européennes (de l’European Society of cardiology, ESC), ne préconisent pas l’aspirine en prévention primaire, sauf en cas de risque cardiovasculaire élevé ou très élevé.

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