Egora : Une allergie liée à la consommation de viande de mammifères (bœuf, porc, agneau…), le syndrome α-gal, est en augmentation. Quels en sont les facteurs déclenchants et les symptômes ? Dre Catherine Quéquet : Le syndrome α-gal se développe davantage chez les adultes, accentué par des comorbidités. L’allergène en cause, le galactose-alpha-1,3-galactose est un glucide qui n’existe pas chez l’Homme et qui lui est transmis de différentes façons : par les morsures de tiques ou par des médicaments (cétuximab, abatacep, infliximab), produits à base de protéines animales (héparine, gélofusine, Plasmion, Plasmagel, Haemaccel)… La liste s’allonge. Les symptômes peuvent être une urticaire, un angio-œdème, une anaphylaxie, avec un délai d’apparition plus long que dans l’allergie immédiate classique, 3 à 6 heures après. Les manifestations peuvent être trompeuses : vomissements, diarrhées... Il a récemment été documenté une anaphylaxie à l’effort, dans les 4 heures suivant l’ingestion de l’aliment. Comment le médecin généraliste peut-il établir le diagnostic ? L’interrogatoire du patient est très important : circonstances de déclenchement de l’allergie (morsure de tique, consommation de viande et surtout d’abats), symptôme récurrent... La deuxième étape est la réalisation de tests anticorps IgE spécifiques anti-α-gal. Il est important dans le bilan de rechercher d’autres allergies comme des antécédents d’allergie au lait de vache, puis d’adresser à un allergologue. Quelles sont les recommandations de prise en charge ? Des recommandations ont récemment été publiées. Elles dépendent du seuil de réactivité et de l’importance des symptômes : se protéger des tiques, ne plus consommer de viande de mammifères, voire de produits laitiers, ni de produits pouvant contenir des extraits animaux (bonbons…). Il faut également éviter certains médicaments ou faire des tests avant. Il existe des contre-indications relatives pour les vaccins ROR, Zostavax (varicelle-zona) et fièvre jaune. Le suivi par une diététicienne est conseillé pour pallier le déficit en vitamine B12 et en fer. Enfin, le patient doit avoir un stylo auto-injecteur d’adrénaline en cas d’antécédent d’anaphylaxie. Le contact avec des albumines sériques d’espèces différentes peut engendrer diverses allergies croisées, comme le syndrome porc-chat. Quels en sont les mécanismes ? Le syndrome porc-chat, relativement rare, est une des premières allergies alimentaires de ce type qui a été décrite : des personnes allergiques aux chats peuvent développer de l’urticaire quand elles mangent du porc. L’interrogatoire est essentiel. Puis l’allergologue effectuera un dosage des anticorps IgE spécifiques anti-FelD2 et des anticorps IgE anti-porc. L’allergologie moléculaire représente une révolution dans le diagnostic. Elle permet une prise en charge de plus en plus personnalisée. Des allergies à la viande de volaille, principalement au poulet, sont également observées. Quelles sont leurs spécificités ? Les allergènes, bien particuliers, sont de description beaucoup plus récente. Le syndrome œuf-oiseau est le plus ancien mais n’est pas très fréquent. Il peut passer inaperçu car les symptômes ne sont pas flagrants : petite réaction buccale, douleur abdominale… Il faut interroger le patient sur l’élevage d’oiseaux de compagnie. Le diagnostic sera conforté par des pricks tests et des dosages IgE. Attention, souvent les patients confondent volaille et porc dans la description des viandes blanches ! Pour la prise en charge, deux possibilités : soit la personne reste à un seuil de réactivité raisonnable, soit elle devra arrêter l’aliment. Par ailleurs, des allergies ont été décrites récemment, comme le syndrome poulet-poisson. L’émergence de ces allergies peut-elle s’expliquer par l’exposition à la pollution, la consommation d’aliments transformés ou encore une diversification alimentaire inadéquate chez le jeune enfant ? Il y a eu un virage à 180 degrés dans la diversification alimentaire : on préconise d’introduire les allergènes principaux (œuf, arachide…) à partir du 4e jusqu'au 6e mois de la vie. Il peut y avoir une sensibilisation aux allergènes alimentaires par voie cutanée (cosmétiques, contact physique…) ou par inhalation (cuisson). L’alimentation industrielle provoque une dysbiose dans le microbiote et favorise les allergies. Ainsi, on estime que 50% de la population sera allergique en 2050. * La Dre Quequet est autrice de l’ouvrage "Les nouvelles allergies", Les éditions du Rocher, 2022, 280 p. Elle déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
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