Les patients se font petit à petit une place dans les facultés de médecine. La participation de ces derniers à la formation initiale des futurs médecins était au cœur d'un colloque, organisé mardi 23 janvier à Paris. Réunis dans les locaux du ministère de la Santé, différentes parties prenantes, dont des représentants de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et de celle de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP), ont présenté un état des lieux de l'intégration des patients dans le cursus médical français.
Cette initiative, permettant notamment aux patients de partager leur expérience de la maladie, existe depuis plusieurs décennies dans certains pays. En France, elle reste récente. "Les choses ont beaucoup évolué depuis vingt ans, a avancé Alexandra Fourcade, cheffe du bureau des usagers de la DGOS, lors de ce colloque. On est passé de patients-usagers qui étaient présents dans des instances institutionnelles […], à quelque chose de plus nouveau depuis une dizaine d'années. On est sorti de ce cadre institutionnel pour impliquer les patients dans le cadre des soins", mais aussi "dans la formation".
Depuis juillet 2019, la participation de ces derniers au cursus initial des médecins est inscrite dans la loi. L' article 3 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé soutient ainsi que les études médicales doivent "favoris[er] la participation des patients dans les formations pratiques et théoriques". Mais aucun cadre national d'application permettant le déploiement de cette initiative n'a depuis été mis en place.
Dans ce contexte, un comité de pilotage, regroupant différentes parties prenantes - dont la DGOS, la DGESIP ou encore la Conférence des doyens des facultés de médecine -, a vu le jour. L'un de ses objectifs ? Etablir un état des lieux de cette pratique qui "s'inscrit souvent dans une démarche de bon sens, notamment pour améliorer la relation patient-soignant, en permettant aux professionnels de santé de mieux comprendre la perspective des patients", précise le comité dans un rapport, publié en janvier.
Ces patients, parfois nommés "patients experts" ou "patients partenaires", peuvent participer de nombreuses manières à la formation. Certains, comme c'est le cas dans le cadre d'une expérimentation menée à la faculté de médecine de Bobigny, interviennent auprès des étudiants pour raconter "leur parcours de vie et leur expérience avec la maladie", selon Olivia Gross, titulaire de la chaire de recherche sur l'enseignement des patients à l'université Sorbonne Paris-Nord. D'autres encore intégrèrent pleinement des enseignements dirigés. A Bobigny, une deuxième expérimentation leur permet ainsi d'évaluer les étudiants, mais aussi d'être membres de toutes les commissions du département.
Une pratique qui fait consensus
Selon le comité de pilotage, cette participation des patients à la formation initiale des médecins est largement acceptée. "On a un consensus très large, quelles que soient les parties prenantes, sur les effets bénéfiques" de cette implication, a tenu à rappeler, mardi 23 janvier, Alexandra Fourcarde. D'après les recherches menées par le comité, cette pratique peut notamment permettre de "comprendre le vécu des personnes, d'améliorer l'empathie des étudiants", "d'identifier les étudiants 'à risque' de pauvre performance en matière de qualité relationnelle", ou encore " de développer l'approche centrée sur le patient".
Dans la pratique, cette initiative semble aussi convaincre les étudiants. "Actuellement, les connaissances et compétences académiques prennent énormément de place dans la formation […] Avec ce 'partenariat-patient', on cherche plus à développer la communication de l'étudiant, ses capacités d'initiative, son empathie", a, en effet, estimé Coline Trayssac, vice-présidente chargée de l'enseignement supérieur de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf).
En France, le recours à la participation des patients reste toutefois hétérogène. Sur les 35 UFR de médecine du territoire, trois groupes peuvent être distingués, d'après le comité. Le premier comprend une douzaine de facultés qui ne sont "pas très avancées sur la participation des patients", a détaillé Alexandra Fourcarde. D'autres, "un peu moins nombreu[ses]", associent déjà des patients à la formation, mais "dans un cadre qui n'est pas structuré". Enfin, le troisième groupe rassemble "six universités dans lesquelles il y a vraiment un département universitaire structuré avec des patients recrutés qui font partie prenante du corps enseignant."
Pour expliquer ces difficultés de mise en œuvre, le comité a identifié plusieurs obstacles. Parmi eux, "la réticence de certains professionnels à intégrer des patients et à reconnaître la complémentarité de leurs savoirs expérientiels", "l'absence de préparation et de formation des professionnels de santé à l'intégration" de ces patients dans les enseignements, ou encore "l'absence de financements dédiés", souligne le groupe de travail dans son rapport.
Afin d'améliorer le déploiement de cette pratique, ce dernier a dégagé 23 recommandations. Elles proposent, entre autres, "de modifier les textes réglementaires" avec notamment "l'introduction [de cette participation des patients, NDLR] dans les arrêts régissant la formation des premier, deuxième et troisième cycles", a précisé François Couraud, conseiller scientifique à la DGESIP. D'autres recommandations invitent, par exemple, à "concevoir, réaliser et publier des études participatives pour évaluer les effets des programmes d'enseignement mis en place" avec des patients. Les études sur le sujet sont en effet peu nombreuses. Dans ce contexte, un comité de suivi sera mis en place pour poursuivre le travail de celui de pilotage.
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