"Pharma papers" : enquêtes sur les 3.5 milliards d'euros versés par les labos au profit des médecins

15/11/2018 Par A.M.
Déontologie

Le site Basta Mag et l'Observatoire des mutinationales, classés à gauche*, ont dévoilé mardi 13 novembre un premier volet d'enquêtes sur le lobbying des laboratoires pharmaceutiques. Ils se penchent notamment sur les liens d'intérêts avec les médecins.

"Le problème ne concerne pas tous les médecins, loin de là", reconnaît l'auteur principal de ces enquêtes, Rozenn Le Saint. Mais les chiffres mis au jour par la base de données d'utilité publique EurosForDocs ne sont pas moins impressionnants : depuis 2012, près de 14 millions de liens (avantages en nature, rémunérations, conventions pour des recherches, des conférences, etc.) - autant de "conflits d'intérêts potentiels"- entre laboratoires et médecins ont été recensés, pour un montant cumulé de 3,55 milliards d'euros. "Et ce chiffre n’inclut pas les contrats dont le montant a été tenu secret ; or c’est le cas pour 70% du total des conventions, malgré l’obligation en vigueur depuis le 1er juillet 2017", pointe la journaliste.   "Opacité   Autant de données que la base Transparence.sante.gouv, issue en 2012 du Sunshine act à la française, est censée recenser, sur déclaration des industriels. Mais le site "sous la responsabilité du ministère, est si mal conçu que ces informations sont au final inaccessibles aux citoyens et difficiles à exploiter", pointe l'enquête, qui met en cause "la mauvaise volonté aussi bien des laboratoires pharmaceutiques que du gouvernement" en la matière. L'outil EurosForDocs, disponible sur demande en attendant d'être rendu accessible à tous, se fait fort de mettre en lumière "l'opacité" régnant autour de ces liens d'intérêts. Il permet notamment d'obtenir le montant global dépensé par les labos pour chaque praticien, et d'établir une chronologie. Revenant sur l'affaire du Levothyrox, la journaliste pointe notamment les liens d'intérêts entretenus par 3 des 5 auteurs d'une tribune publiée dans Le Monde le 28 décembre 2017, qui mettait en avant le rôle de "l'effet nocebo" dans les plaintes des patients au sujet de la nouvelle formule. Le laboratoire Merck, fabricant du Levothyrox, aurait ainsi dépensé 12 571 euros au profit de l'endocrinologue Jean-Louis Wemeau depuis 2012, dont 7489 euros au cours du premier semestre 2018, notamment pour des conférences. "Comme je me suis prononcé dans diverses tribunes, il est vrai que Merck doit se dire que je ne vais pas dire du mal de leur laboratoire, reconnaît le professeur en réponse aux questions de la journaliste. Mais je n’ai jamais dit un mot que je ne pensais pas."  "Les entreprises du médicament se conforment de façon très stricte aux différents dispositifs mis en place depuis 1993" et "régulièrement renforcés", assure le Leem, interpellé par la journaliste. "Un lien d'intérêts ne constitue pas automatiquement un conflit d'intérêts", signale quant à lui le laboratoire américain Bristol Myers Squibb.L'enquête rappelle néanmoins que l'OMS elle-même a souligné l'influence des liens financiers sur les contenus scientifiques. S'agissant des essais cliniques, "la probabilité qu’une étude financée par un labo apporte des résultats qui lui sont favorables est quatre fois supérieure à celle des recherches sans apport des laboratoires. Le rapport Les conflits d’intérêts au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de mars 2016 met lui aussi en garde contre 'des résultats qui reposeraient sur des biais inconscients ou sur des pratiques qui consistent, par exemple, à ne faire porter l’étude que sur l’efficacité d’un médicament en ne prenant pas en considération les effets secondaires'." Mieux repérer les conflits d'intérêts, grâce à la transparence complète des données, permettrait ainsi d'éviter des crises sanitaires, plaide l'auteur de l'enquête.    

Et les internes?
Rebondissant sur la publication des Pharma papers, le SNJMG a dénoncé une nouvelle fois dans un communiqué la "présence de l'industrie pharmaceutique dans l'internat de médecine générale". "En ce mois de novembre 2018, dès la semaine de rentrée des internes, le SNJMG a été informé que des internes de médecine générale (notamment sur Paris - Ile de France) avaient été 'invités' à participer à des 'formations' organisées par des laboratoires sur leur lieu de stage." Alertant l'ensemble des internes, le syndicat entend constituer "un observatoire sur les différentes approches des internes en stage par l'industrie pharmaceutique et les moyens de les éviter". Les étudiants concernés sont invités à témoigner à l'adresse suivante : info@snjmg.org

[avec Bastamag.net]   *Le directeur de la publication et président de l'association éditant les deux titres, Alter-médias, écrit également pour le syndicat Force ouvrière.

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