Pertinence des actes, évolution des métiers... Comment la FHF veut réarmer le système de santé
Constatant que "le système de santé n’est pas suffisamment armé pour les défis qui l’attendent", la Fédération hospitalière de France (FHF) a rédigé un livre blanc pour "bâtir la santé de demain". Celui-ci a été présenté au salon SantExpo, qui s'est ouvert mardi 21 mai.
La FHF, qui célèbre son centenaire en 2024, entend bien continuer de se tourner vers l'avenir. A l'occasion de son annuel salon SantExpo, qui s'est ouvert mardi 21 mai et doit se poursuivre jusqu'à ce jeudi 23 mai, Porte de Versailles (Paris), la fédération a présenté son livre blanc pour "bâtir la santé de demain". Le document, issu de travaux conduits "ces derniers mois" avec "plus d'une centaine de personnalités" du secteur (médecins, usagers, directeurs d'établissements, associations d'élus, ordres professionnels…), a été remis au ministre délégué chargé de la Santé, Frédéric Valletoux, ce mercredi matin.
"Notre démarche répond à une évidence : le système de santé n’est pas suffisamment armé pour les défis qui l’attendent. Longtemps érigé en modèle, il s’est affaibli pendant des années faute de réformes systémiques et sous l’effet de politiques redoutablement comptables", écrivent Arnaud Robinet, président de la FHF, et Zaynab Riet, déléguée générale, en préambule de ce document de 60 pages. Inquiets, ces derniers appellent à accélérer le "processus de reconstruction" du système de santé engagé à la suite de l'épidémie de Covid, qui a mis en exergue les faiblesses de ce dernier.
Il y a "urgence", soulignent-ils : "Si l’activité progresse à l’hôpital, un sous-recours aux soins demeure en 2023 dans plusieurs disciplines essentielles de médecine ou de chirurgie lourde, quels que soient les acteurs, publics ou privés." En parallèle, la situation budgétaire des CHU, CH et établissements médico-sociaux publics "n'a jamais été aussi dégradée". "Alors que la 'dette de santé publique', qui demeure après quatre années de pandémie de Covid, et que le vieillissement de la population, associé à une explosion des pathologies chroniques, vont, dans les prochaines années, accroître encore la demande de soins et de solutions d'accompagnement, il n’a jamais été aussi urgent d’anticiper."
@ArnaudRobinet accueille le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention @fredvalletoux pour la remise de notre livre blanc #Agirmaintenant #Bâtirlasantédedemain : l'occasion d'échanger sur les enjeux qui contribueront à façonner l'avenir de notre système de santé. pic.twitter.com/M6kmhAjCSQ
— FHF (@laFHF) May 22, 2024
"Des choix difficiles nous attendent", estiment le président et la déléguée générale de la FHF. "Ils sont inévitables, et le nœud gordien devra être tranché. Il faut donc agir avec détermination, prendre le risque d’innover. Non pas pour reconstruire un système de santé adapté aux problématiques d’aujourd’hui, mais bien pour en inventer un nouveau, un bouclier sanitaire capable de surmonter les défis des décennies à venir."
La fédération liste ainsi sept chantiers "prioritaires", à commencer par celui de la sobriété qui doit "s’imposer, tant sur le plan écologique que financier". Plusieurs propositions en découlent : "accélérer le déploiement des mesures en faveur de la transformation écologique" notamment (via la création d'un fonds vert destiné aux établissements publics de l'Etat) ; agir sur "la pertinence des actes et des parcours de soins" ; améliorer "l'efficience du système de santé" en "mettant en cohérence, pour tous les acteurs, les tarifs des actes et des soins avec leurs coûts de production" ; déployer au moyen d'outils médico-économiques la prévention et les alternatives à l'hospitalisation complète ; etc.
Rembourser les actes à visée préventive
S'agissant d'ailleurs de la prévention, la FHF veut en faire le "fondement de l'avenir des politiques de santé" et y consacre un chapitre entier. Elle doit être "la priorité absolue" pour ses dirigeants. Pour cela, il faut d'emblée déployer une campagne massive de communication en faveur de la prévention et d'information sur "les risques des produits addictifs", estime la fédération. Elle veut aussi rendre "obligatoire" les labels et scores validés par les autorités sur "tous les produits concernés", et mieux valoriser l’engagement dans la prévention, "par des rétributions symboliques et financières pour les usagers et les professionnels". Autre idée : ouvrir le remboursement d'actes à visée préventive et "définir une nomenclature d'actes de prévention claire et précise".
La FHF appelle aussi à généraliser la signature des contrats locaux de santé qui incorporent un volet prévention. Et pousse pour les bilans de prévention destinés aux usagers.
Par ailleurs, la fédération insiste sur la nécessité de décliner la "responsabilité collective" des acteurs de santé. Cela doit passer par la généralisation des modes d'exercice collectif et le renforcement de la coordination entre acteurs, "respectivement de ville et de l'hôpital" sur un territoire, ainsi que par le déploiement des projets territoriaux de santé dans chaque territoire. "Pour décliner la loi", la FHF entend "inscrire chaque établissement et chaque professionnel dans un schéma territorial de permanence de soins sous l’égide des ARS", dont elle veut par ailleurs réaffirmer le rôle dans la régulation et l'organisation de l'offre de soins.
En outre, "afin de corriger les inégalités profondes dans la régulation de l’Ondam entre ville et hôpital, tout en s’assurant de la maîtrise des dépenses publiques", elle propose de mettre en place une "réserve prudentielle pluriannuelle" qui serait commune à l’ensemble des acteurs de la santé.
Redonner du sens
Un pan entier de la réflexion de la FHF est consacré aux métiers et aux compétences des acteurs. La fédération propose de "redonner du sens à l'engagement" des professionnels de santé "en les recentrant sur leur cœur de métier". Elle plaide en outre pour des "formations ouvertes et adaptées", et appelle les pouvoirs publics à anticiper et accompagner les "nécessaires montées en compétences et les reconversions professionnelles", à l'heure où les personnels hospitaliers sont devenus des denrées rares.
L'attractivité passe aussi par un soutien massif à la recherche et à l'innovation, "moteurs de l'excellence". Il faut structurer la politique de recherche en santé, pour la FHF, à tous les niveaux (du national à l'échelle de l'établissement). Mais aussi "lever les obstacles et les lourdeurs actuels" et soutenir les dispositifs déjà existants. Les coopérations territoriales de la recherche doivent également aussi soutenues. Le financement de l'innovation doit, en outre, être sanctuarisé et pérennisé.
"Plus de souplesse et d'efficacité"
Alors que la population française vieillit et que les pathologies chroniques explosent, la FHF appelle aussi à faire de l'investissement dans le grand âge, "une priorité absolue". Cela passe en priorité par une correction des "différences des situations socio-fiscales" entre les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) de différents statuts. L'Etat doit "au plus vite" élaborer une loi de programmation pour le grand âge, presse par ailleurs la fédération. Celle-ci, promise par le Président de la République, se fait attendre. Un soutien doit aussi être apporté aux Ehpad publics en grande difficulté financière. La FHF réclame que soit garantie la pérennité des financements de la branche autonomie consacrés à l'investissement au-delà de 2024 par "l'affectation d'une ressource durable".
Enfin, le septième chantier qu'elle souhaite mettre en œuvre est celui de la simplification, "pour plus de souplesse et d'efficacité". Dans ce champ, la fédération soutient par ailleurs l'évolution de la répartition des prestations couvertes entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances maladies complémentaires, et simplifier les circuits de facturation des établissements publics de santé en instaurant un guichet unique.
La fédération hospitalière profite en outre de la parution de ce livre blanc pour "réaffirmer le rôle central du service public hospitalier, la cohérence et l'exigence de ses missions pour assurer l'accès aux soins de la population dans les territoires".
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