Création d’une Société française du TDAH pour tordre le cou aux préjugés
L’objectif est de lutter contre la méconnaissance et la stigmatisation responsables de retards diagnostics importants et pour promouvoir les bonnes pratiques fondées scientifiquement. Entretien avec la Pre Diane Purper-Ouakil, présidente de la SF-TDAH et responsable du service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Saint-Éloi du CHU de Montpellier.
Egora : Quels sont les grands objectifs qui ont conduit à la création de la société française du TDAH ?
Pre Purper-Ouakil : Tout cela remonte à l’an dernier lors de la préparation de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND) 2023-2027. Plusieurs experts du TDAH ont été sollicités à l’époque autour de Madame Claire Compagnon à la délégation interministérielle. La question de la structuration professionnelle de la filière TDAH nous est alors apparue nécessaire. Car si des associations de personnes concernées et les familles sont très actives depuis longtemps, structurer le dialogue interprofessionnel (entre psychiatres, addictologues, éducateurs, psychologues..) est fondamental. Nous avions besoin d’une instance d’échange et de ressources pour proposer une évolution de l’organisation des filières diagnostiques et de suivi mais aussi la recherche et la formation. Enfin, nous souhaitons porter un discours cohérent auprès du grand public et diffuser une information scientifique solide.
Comment expliquer tant d’idées reçues ?
La sociologie autour du TDAH est une vraie question et effectivement la stigmatisation est centrale. Comme pour tout trouble du neurodéveloppement (TND), l’absence de biomarqueurs induit un diagnostic purement clinique avec des bordures liées à nos classifications et qui sont nécessairement un peu floues et arbitraires. Ce premier écueil est commun a tout ce qui relève du trouble psychiatrique au sens large. Par ailleurs, les manifestations comportementales sont très souvent traduites comme des carences ou défaillances éducatives, à tort. Mais c’est un raccourci particulièrement fréquent et culpabilisant pour les familles. Les injonctions sociétales ont un impact négatif sur l’environnement des personnes concernées et des familles. Les associations de patients ont su attirer l’attention des pouvoirs publics, il nous appartient désormais à nous, professionnels de santé, d’œuvrer en ce sens !
Connaît-on la prévalence de ce TND ?
Elle est de l’ordre de 5% chez les enfants et va perdurer dans la majorité des cas à l’âge adulte. Cela a bien été mis en évidence par plusieurs études longitudinales avec réévaluations sur des temps différents. Si la majorité des personnes concernées vont rester symptomatiques, les symptômes en eux-mêmes et leur expression vont évoluer dans le temps. En effet, chez l’adulte, des comorbidités peuvent passer au premier plan comme les troubles de l’humeur, les conduites à risque etc. Mais cela ne signifie pas que le TDAH a disparu, ses manifestations ont simplement évolué. Encore une fois, avec une telle prévalence, le TDAH ne peut relever du seul ressort des psychiatres et doit bénéficier de la mise en place de parcours gradués avec les différents interlocuteurs et la mise en place d’un suivi multimodal adapté à l’âge et aux besoins.
Quelles sont les comorbidités associées au TDAH aujourd’hui ?
L’identification des pathologies associées a récemment beaucoup progressé, et elles sont assez nombreuses : obésité, asthme, maladie atopique, maladies inflammatoires, troubles du sommeil etc. Plus récemment, des études ont montré un lien entre diabète et TDAH. La question des mécanismes d’action est encore à l’étude.
De nouvelles recommandations de la HAS sont attendues prochainement ?
De nouvelles recommandations concernant le TDAH de l’enfant et de l’adolescent vont être publiées dans les prochains mois. Celles relatives aux adultes suivront de près. Elles devraient porter sur le diagnostic et la prise en charge des patients. La stratégie nationale sur les TND soulève enfin l’espoir de voir sortir ce trouble de l’invisibilité ! Rappelons que les dernières datent de 2014 !
Par ailleurs, en 2021, une déclaration de consensus international sur le TDAH a été publiée pour lutter contre les idées fausses qui stigmatisent les personnes touchées et réduisent la crédibilité des professionnels de santé.
Quelle est la stratégie thérapeutique en France ?
Il y a très peu de médicaments disponibles en France, nous ne bénéficions pas du même accès aux molécules que dans d’autres pays. Le méthylphénidate est le seul médicament à disposer d’une AMM en France dans le TDAH de l’enfant à partir de six ans. Différentes formes galéniques sont disponibles, lorsqu’elles ne sont pas en rupture de stock ! L’atomoxétine chlorhydrate est le plus souvent utilisé en seconde ligne pour les patients ayant une réponse inadéquate ou une intolérance au méthylphénidate. Son accès est particulièrement restreint car il n’est disponible qu’en autorisation d’accès compassionnel. D’autres thérapies non médicamenteuses existent par ailleurs, pour accompagner les familles et les personnes concernées. Ce sont des programmes à destination des parents et des programmes de thérapies cognitivo-comportementales (TCC) individuels ou en groupe pour les personnes avec TDAH. L’efficacité de ces derniers est plus documentée chez l’adulte et chez l’adolescent que chez l’enfant. L’objectif des programmes parentaux est d’optimiser l’environnement : savoir comment gérer les symptômes, comment faire en sorte de ne pas ajouter de risque supplémentaire etc. Néanmoins, cela ne diminue pas les symptômes de TDAH en tant que tel, mais permet une diminution des risques de complications.
Quel rôle pour le médecin généraliste ?
Il joue un rôle capital dans le repérage et l’organisation du parcours de soins. Il est souvent impliqué dans renouvellement du traitement médicamenteux qui comporte une évaluation de la réponse clinique et une surveillance de la tolérance. Il doit également être vigilant pour les adultes, chez qui l’évolution du trouble a pu atténuer les symptômes. La Société française du TDAH se tient auprès d’eux justement pour identifier les réseaux locaux, optimiser le parcours de soins et ne laisser personne dans une éventuelle errance thérapeutique ou diagnostique.
Enfin, un point important concernant les enfants est celui des aménagements de la scolarité ou de l'environnement de la classe qui sont à développer et dont les effets sont à mieux évaluer dans le temps.
Pour en savoir plus : https://sftdah.fr/
La Pre Purper-Ouakil déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Medice, et HAC Pharma.
Au sommaire de ce dossier :
- Écrans : aboutir à un usage raisonné
- Céphalées de l’enfant : connaitre les "drapeaux rouges"
- Infections à streptocoque A : privilégier l’amoxicilline
- Risque suicidaire : la détection des signes précoces doit être considérablement renforcée
- Prématurité : les risques sont multiples même en cas de prématurité modérée
Références :
D’après un entretien avec la Pre Diane Purper-Ouakil, Présidente de la SF-TDAH et responsable du service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Saint-Éloi du CHU de Montpellier.
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