Fatigue chronique : une démarche diagnostique méthodique et progressive
Première étape avant de qualifier une fatigue de trouble somatique fonctionnel (dont le retentissement est très grand), écarter toutes les raisons somatiques de fatigue, potentiellement graves, éventuellement curables. Elles sont très nombreuses : anémie, iatrogénie (antalgiques, bêta-bloquants, etc.), cancer, infection, maladies endocriniennes (thyroïde), auto-immunes, douleur chronique, pathologies respiratoires, hépatiques, digestives (maladie cœliaque), neurologiques (la fatigue n’est ici pas isolée), insuffisance cardiaque, etc. On doit apprécier les facteurs d’amélioration ou d’aggravation, les symptômes associés, le mode de vie, les traitements, etc. Les problèmes graves sont écartés avec les dépistages de cancer, un scanner thoracoabodminopelvien si l’altération de l’état général est objectivable, une polygraphie ventilatoire en cas d’apnées. Une biologie de débrouillage, de première intention, comprend une NFS, une CRP, une glycémie, une ferritinémie, un TSH et une sérologie VIH. En 2è intention, après 6 mois de ce syndrome de fatigue, elle peut être complétée par : taux sanguin de magnésium, CPK, LDH, électrophorèse des protéines sériques, sérologies VHB, VHC, syphilis, Epstein Barr et CMV. La recherche des facteurs antinucléaires est inutile parce que présents chez 10% de la population sans traduction clinique de connectivites. Contre-productif également, le profil cytokinique élargi pour un diagnostic global de l’immunité.
"Pour chacun des symptômes éventuellement associés à la fatigue (déficit moteur à l’effort, troubles digestifs, etc.), la Haute Autorité de santé (HAS) a établi 13 fiches pour la conduite à tenir diagnostique et la prise en charge", a signalé la Pre Brigitte Ranque, spécialiste de médecine interne (Hôpital européen Georges Pompidou, Paris), lors d’une session médecine interne des JNMG.
Autres repérages indispensables avant de conclure, un trouble du sommeil, un syndrome des jambes sans repos, une anxiodépression, des pathologies urinaires ou prostatiques, une consommation de toxiques. "Point trop d’explorations toutefois puisqu’à peine 10% des fatigues chroniques sont effectivement dues à une cause somatique", prévient la Pr Ranque.
Au terme de cette longue enquête, le syndrome de fatigue chronique peut être étiqueté "trouble somatique fonctionnel" ; il perturbe donc la vie quotidienne depuis plus de 6 mois, génère des pensées excessives vis-à-vis de ce symptôme, qui est d’ailleurs parfois déclenché par une maladie somatique (emblématique, le Covid). La fatigue est fluctuante, présente dès le réveil, améliorée par l’activité physique (un distracteur), produisant un brouillard cérébral, accompagnée de symptômes neurovégétatifs (oppression thoracique), à l’origine de cercles vicieux cognitifs, d’anticipations erronées non contrôlables. Un syndrome qui touche plus volontiers des femmes, perfectionnistes, intolérantes à l’incertitude.
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