Complications des sinusites bactériennes : quelle prise en charge ?
"La prévalence des complications des rhinosinusites aigues bactériennes (RSAB) reste stable malgré la prescription d’antibiothérapies, en soins primaires notamment, et l’importante vaccination contre le pneumococcique", indique le Dr Nicolas Saroul (CHU de Clermont-Ferrand). Une étude (S. Hultmann Dennison, Int.Journ. of Pediatric Othorhynolaryngologie, 2019) réalisée à partir de registres suédois indique que les complications orbitaires chez les enfants de moins de 5 ans sont peu fréquentes (13,5%), et avec un traitement chirurgical peu systématique (4,2%), à la différence des enfants ayant plus de 5 ans qui ont un taux de complications orbitaires plus important (28%) mais aussi intracrâniennes (6%) et osseuses (4%) et dont le taux de traitement chirurgical est plus élevé (16,8%). Complications orbitaires : demander un examen ophtalmologique Les symptômes des complications orbitaires sont similaires chez l'enfant et chez l’adulte. Fièvre, douleurs, oedème / érythème palpébral s’associent parfois à une diplopie. Une baisse d'acuité visuelle doit être recherchée. La classification de Chandler répertorie trois stades de complications : cellulite orbitaire ; abcès entre l'os et la périorbite ; pu dans l’orbite. Un examen avec endoscopie permet d’établir le diagnostic positif. Une consultation ophtalmologique doit être demandée ainsi qu’un scanner des sinus avec injection, une IRM en cas de suspicion d'extension à l’apex et au sinus caverneux et un bilan biologique (NFS, CRP, bilan bactériologique par écouvillon nasal). Le traitement est une antibiothérapie IV large spectre. Selon une méta-analyse (Schwartz. Int.Journ. of Pediatric Othorhynolaryngologie, 2023), la corticothérapie diminuerait la durée d’hospitalisation. Des lavages de nez et des vasoconstricteurs sont associés. "Le drainage chirurgical s’effectue soit par voie endoscopique, soit par voie externe, soit par voie combinée. Le geste endoscopique est impossible pour les abcès latéraux", précise le Dr Saroul. Complications intracrâniennes : surtout chez le jeune homme Les complications intracrânienne (empyème, méningite, abcès cérébral) touchent essentiellement l'adulte jeune, voire l’adolescent avec une prédominance masculine. "Le sinus frontal se complique puis le sphénoïdal et l’ethmoïdal. Le diagnostic doit être le plus précoce possible", souligne la Dre Clémentine Daveau (CHU de Lyon). Les symptômes sont essentiellement des céphalées (alternant avec des accalmies), de la fièvre, des troubles de la conscience, des signes neurologiques focaux et des convulsions. Les empyèmes sous-duraux comportent plus de signes neurologiques focaux, plus de convulsions et le pronostic est moins bon. Un scanner injecté et une IRM injectée permettent de différencier l’empyème extra-dural du sous-dural et de détecter si une thrombophlébite est associée. La prise en charge est multidisciplinaire (ORL, neurochirurgien, infectiologue, radiologue). L’empyème sous-dural a un taux de mortalité élevé (20 à 35%) et 30% des patients ont des séquelles neurologiques. Le drainage neurochirurgical est quasiment systématique. Le drainage sinusien endoscopique suffit pour un empyème extra-dural et un petit empyème parenchymateux. Dans le contexte de RSAB, le risque de méningite est plus rare. Une brèche doit être recherchée surtout en cas d’antécédent de chirurgie ethmoïdale et de traumatisme mais également une brèche spontanée. Le traitement est celui de la méningite à la phase aiguë. La vaccination (anti-pneumocoque, anti-haemophilus, anti-méningocoque) doit être discutée même s’il n’existe pas de recommandation. La pachyméningite (inflammation de la dure-mère) est un peu plus fréquente. La prise en charge repose sur des prélèvements bactériologiques, le drainage de la sinusite par voie endonasale et un traitement antibiotique classique. Penser à la thrombose septique du sinus caverneux Les thromboses septiques du sinus caverneux peuvent survenir sur tous types de sinusites. "Le point de départ (maxillaire, frontal…) passe par l'étape sphénoïdite pour aboutir à la thrombose septique du sinus caverneux. La sinusite en cause est bactérienne et peut aussi apparaître dans un contexte d’aspergillome", précise le Dr Benjamin Verrillaud (hôpital Lariboisière, Paris). Il n’existe pas de terrain prédisposant. Cette complication peut se déclarer chez des sujets jeunes. Les signes cliniques sont des céphalées rétro-orbitaires intenses avec parfois des irradiations sur les territoires du V1 et du V2. L’évolution est souvent biphasique. Les signes orbitaires sont une diplopie par atteinte du VI puis des autres nerfs oculomoteurs III et IV, suivis d'un chemosis, un ptosis, une exophtalmie, une ophtamoplégie, une anesthésie cornéenne, une mydriase réactive et une baisse d’acuité visuelle. Les signes neuroméningés doivent évoquer le ; diagnostique. "Les patients arrivent à l’hôpital environ 14 jours après le 1er symptôme ! Essayez d'y penser devant les signes cliniques de cette complication", conseille le Dr Verrillaud. Le scanner injecté peut suffire. L'IRM confirme l'atteinte intra-crânienne et permet d’en rechercher d'autres (présentes dans plus de 50% des cas). Le traitement repose sur trois piliers : le drainage chirurgical des sinus en cause (la dent "point de départ" doit être traitée), l’antibiothérapie IV et l'anticoagulation efficace jusqu’à re-perméabilisation du sinus caverneux. Le pronostic vital n'est pas engagé mais des déficits neurologiques peuvent être prolongés ou permanents dans 50% des cas. Le Pott’s puffy tumor, est une complication rare. Elle associe un abcès sous périosté et une ostéomyélite de l'os frontal. Elle peut compliquer une sinusite frontale. L’ostéite bactérienne (streptocoques alpha-hémolytiques, haemophilus influenzae, anaérobies type fusobacterium et bacteroïdes) touche la table antérieure ou postérieure de l’os frontal. Des thromboses septiques se forment dans les veines interosseuses (valvulaires de Breschet). En cas d’effraction de la paroi antérieure, une collection frontale sous périostée peut se fistuliser. La diffusion postérieure entraîne alors un empyème extra ou intradural (jusqu’à 72% des cas). Un scanner avec injection doit être effectué. L’IRM est réalisée en cas de doutes. "Le traitement consiste en une intervention de Riedel. L’antibiothérapie complète l’intervention mais son protocole n’est pas clairement défini. C’est un traitement contre l’ostéïte pouvant être raccourci. Aujourd'hui, nous pouvons faire des gestes moins invasifs avec des traitements conservateurs qui obtiennent de bons résultats (Tréphine + Draf I à III + dents + antibiothérapie ciblée voire l’antibiothérapie seule sans chirurgie)", conclut le Dr Verrillaud.
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