Pathologies dermatologiques : lutter contre la stagnation thérapeutique
Pour ce qui est de l’observance, « 95 % des patients “dermatologiques“ sont en sous-dosage de traitement topique en général, 60 % respectent les consignes de traitement d’un psoriasis (ils sont 92 % à déclarer le faire…) et une prescription sur 3 n’est jamais achetée », regrette le Dr Bruno Halioua (Paris). Observance, vraiment ?... L’observance inclut le respect de la prise médicamenteuse, des conseils hygiénodiététiques et le suivi médical. Elle est déterminée à la fois par le patient, sa maladie, son traitement et le médecin. Le patient « idéal » étant généralement constitué par une femme, mariée, mature, qui travaille, ne fume et ne boit pas, et dont l’entourage est compréhensif. Le psoriasis est un exemple de maladie à risque de dérapage d’observance. Cette dernière est moins bonne si le degré d’acceptation du psoriasis (jugé sévère et incurable notamment) est faible… La quantité prescrite d’un topique peut être un problème comme avec la corticothérapie qui rime parfois avec corticophobie. Certaines régions du corps, épaules et bas du dos, sont, par ailleurs souvent négligées. Enfin, « le médecin idéal est celui qui regarde son patient dans les yeux et le touche, insiste le spécialiste. Il existe à l’évidence un lien entre le toucher et la satisfaction du patient ». Internet peut être utile, avec des sites dédiés, de référence, et donc il ne sert à rien d’exprimer son mécontentement face à ce ménage à 3, inéluctable aujourd’hui. … Ou inertie L’inertie thérapeutique est définie quant à elle par le fait de ne pas instaurer ou intensifier un traitement en dépit de recommandations spécifiques qui l’autorisent et surtout l’encouragent. Elle est le fait du médecin dans la moitié des cas. La vraie inertie (quand jamais on ne prescrit d’isotrétinoïne notamment…) doit être différentiée de l’inertie justifiée, à l’orée des vacances d’été par exemple où l’on ne veut pas mettre le patient dans l’embarras s’il survenait un problème. Préférer le statu quo peut expliquer une inertie ; mais elle peut être liée aussi à un refus du patient, pour qui tout changement est parfois difficile quand le traitement actuel est bien supporté, ou en cas de médicament innovant, alors moins accessible. Freins et incitations Bien formés, les médecins sont à l’évidence plus confiants pour changer à condition de dépasser certaines contraintes, liées au système de soins qui veut par exemple, qu’il y ait une caution hospitalière pour un traitement innovant, alors que l’hôpital est parfois éloigné. La peur des effets indésirables, la lourdeur de la mise en route, les difficultés à se fixer des objectifs sont autant de freins. A l’inverse, ce statu quo peut être bouleversé par l’état du patient, le retour positif d’autres malades, l’acquisition de meilleurs outils de formation et la primoprescription par les médecins de ville autorisée. Pour les patients, si les médecins font preuve d’inertie, c’est qu’ils ne se rendent pas compte de la souffrance psychologique et de la gêne occasionnée par un psoriasis par exemple. L’un des obstacles au switch topique/systémique pourrait être également que cette étape est synonyme de stagnation voire de dégradation de l’état de santé… « Ainsi, 80 % des patients atteints d’une dermatite atopique auraient préféré recevoir un traitement systémique plus tôt et c’est d’ailleurs eux qui l’ont proposé près de 4 fois sur 10 ! », rapporte la Dre Florence Corgibet (Dijon). Une fois sur 3, l’initiation d’un traitement systémique est réalisée lors d’un changement de médecin. L’exemple de l’acné « Emblématique, la prise en charge d’une acné chez un adolescent. Celui-ci est, en effet, le plus souvent, fuyant, révolté… et monosyllabique, en présence ou non de parents “envahissants“ », constate le Dr Emmanuel Mahé (Centre hospitalier Victor Dupouy, Argenteuil). Les médecins font ici preuve d’inertie pour toutes sortes de raisons : quand l’atteinte est trop localisée, par absence de temps ou de motivation (les dermatologues ont un certain âge, voire un âge certain qui incite peu à de nouvelles expériences), un manque de maturité de l’adolescent ou son refus de traitement per os, la primoprescription impossible par un médecin autre que dermatologue, la crainte des effets secondaires… Par ailleurs, la moitié seulement des médecins, pédiatres et généralistes, ont connaissance des recommandations de prise en charge de 2015 pourtant simples et largement diffusées.
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