Obésité de l’enfant: le médecin traitant a un rôle majeur dans le repérage précoce des enfants à risque

12/02/2024 Par M. R.-D.
Nutrition
Malgré une stabilisation observée depuis 2006, la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent reste trop élevée en France. Dès le diagnostic, prévention de la stigmatisation, construction d’un parcours de soins personnalisé et coordination entre professionnels impliqués sont autant de défis à relever. Entretien avec la Dre Bogna Gehanno*, pédiatre nutritionniste à Rouen.

 

Egora: Qu’entend-on par obésité infantile et quelle en est la prévalence aujourd’hui ?  

Dre Bogna Gehanno : Si le surpoids est une affection caractérisée par une adiposité excessive, l’obésité est une maladie complexe chronique évolutive. En réalité, on ne parle pas d’une obésité mais bien des obésités car elles sont multifactorielles et doivent par conséquent être considérées au cas par cas. Il y a eu un véritable changement de paradigme sur la définition de l’obésité ces dernières années car cette affection n’était pas envisagée de la sorte auparavant. Si elle reste stable depuis plus de 10 ans, la prévalence de l’obésité demeure trop élevée puisque 20% des adolescentes et 17% des adolescents sont en surpoids dont 5,4% d’obésité chez les filles et 4,7% chez les garçons. Ici, la prédominance féminine s’explique notamment par une moins bonne estime de soi, un mode de vie différent avec moins d’activité physique chez les adolescentes qui sont par ailleurs plus consommatrices de facteurs de sédentarité (les écrans).  Enfin, 18% des enfants (à partir de 6 ans) seraient en surpoids, dont 5 à 6 % d’obésité.  

 

Quels sont les principaux facteurs de risque de l’obésité infantile ?  

La prédisposition génétique est un facteur de risque majeur d’obésité infantile. En effet, un enfant avec un parent obèse a 4 fois plus de risque d’être en surpoids ou obèse à l’âge adulte, et 8 fois plus de risque si les deux parents sont obèses. Et ce, d’autant plus si l’enfant évolue dans un environnement obésogène (manque d’activité physique et sédentarité, alimentation excessive ou déséquilibrée…). Le facteur socio-économique est lui aussi déterminant : 24% des enfants ouvriers sont en surcharge pondérale et 8% sont obèses, contre respectivement 12% et 3 % des enfants de cadres. Mais il y a d’autres facteurs de risque, comme la prise de certains médicaments connus pour ouvrir l’appétit (corticoïdes, antihistaminiques, antipsychotiques) et dont la prescription est fréquente en population pédiatrique. Enfin, différents facteurs psychologiques, une immobilisation due à une opération, une maladie génétique ou hormonale peuvent aussi être à l’origine d’une prise de poids importante. C’est la raison pour laquelle le parcours de vie de l’enfant doit être apprécié dans sa globalité afin de personnaliser au mieux sa prise en charge ! 

 

Alors, quand et comment dépister une obésité chez l’enfant ?  

Le rôle du médecin qui suit l’enfant est essentiel. Grâce à un suivi régulier de l’indice de masse corporelle (IMC) et à l’analyse de l’évolution de la courbe de corpulence, on peut repérer précocement les enfants et adolescents à risque de développer un surpoids ou une obésité. L’IMC augmente la première année avant de diminuer jusqu’à l’âge de 6 ans pour augmenter à nouveau jusqu’à la fin de croissance. Si le rebond d’adiposité survient avant l’âge de 6 ans, on parle alors de rebond précoce. Et plus le rebond est précoce et plus le risque d’obésité à l’âge adulte est élevé. Dès le diagnostic d’une obésité, une évaluation multidimensionnelle (diététicienne, psychologue et le professeur d’activité physique ou le kinésithérapeute) est essentielle pour accompagner la mise en place de changements de comportements dans une démarche d’éducation thérapeutique, et agir précocement afin d’éviter les complications futures. Les deux consultations dédiées au médecin généraliste sur la question de l’obésité dans le parcours de soins sont bien entendu insuffisantes dans le cadre du suivi de l’obésité puisque le suivi normal est d’abord mensuel puis une fois tous les 2 à 3 mois par la suite. Quoi qu’il en soit, la bienveillance des professionnels de santé sur l’obésité doit être de mise. Il est effectivement crucial de mettre fin à toute stigmatisation de cette population et prendre l’habitude de ne pas systématiquement parler du poids de l’enfant si ce n’est pas le motif de consultation. Même si la volonté est d’aider le patient, les conséquences peuvent être délétères avec abandon des soins notamment.  

 

Des traitements sont-ils disponibles aujourd’hui ?  

La chirurgie bariatrique est accessible aux enfants dont la croissance et la puberté sont terminées et qui présentent un IMC supérieur ou égal à 40 ou un IMC de 35 associé à des comorbidités. Cette technique apporte de bons résultats puisqu’une perte de poids d’environ 35% a été rapportée par de récentes études. Par ailleurs, le liraglutide (un agoniste de GLP-1) dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour les enfants obèses à partir de 12 ans, mais n’est pas remboursé à ce jour. L’administration se fait par injection quotidienne, ce qui n’est pas évident en population pédiatrique. Mais l’ensemble de la profession est particulièrement enthousiaste en observant la véritable révolution thérapeutique qui s’opère actuellement dans la prise en charge médicale de l’obésité adulte. L’arsenal thérapeutique en cours de développement est très important et le recours à la chirurgie bariatrique pourrait être amené à diminuer dans les années à venir.  

 

*La Dre Gehanno déclare n’avoir aucun lien d’intérêts 

 

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