Médecin, que faire en cas de réclamation d'un patient mécontent des soins prodigués ?

09/10/2023
Si un médecin peut admettre une faute, il ne doit pas reconnaître expressément sa responsabilité ni s'engager vis-à-vis de son patient à ce que son assureur l'indemnise de son préjudice. 

 

Comme l’a rappelé un arrêt du Conseil d’Etat du 18 mars 2020, pour engager la responsabilité d’un professionnel de santé, il est nécessaire d’établir le lien de causalité entre la faute de ce professionnel et l’état pathologique du patient victime. Et la Cour de Cassation de préciser, dans un arrêt du 8 septembre 2021, qu’il n’existe pas de présomption de causalité dans le cadre de la responsabilité médicale. Le fait qu’un dommage médical survienne à l’occasion de soins médicaux n’est pas suffisant pour établir un lien causal permettant d’engager la responsabilité d’un médecin, a tenu à préciser la Cour de Cassation.

Pour engager cette responsabilité, un patient doit non seulement invoquer l’existence d’un dommage, mais également démontrer le lien de causalité entre ce dommage et une faute de ce praticien. Une complication imprévue ou un accident ne sont pas toujours fautifs. La réclamation amiable d’un patient mécontent des soins prodigués ne prouve pas à elle seule la faute du médecin, qui peut admettre les faits mais qui ne doit pas reconnaître expressément sa responsabilité ou s’engager vis-à-vis de son patient à ce que son assureur l’indemnise de son préjudice.

C’est en effet à sa compagnie d’assurances, si la réclamation est amiable et non judiciaire, de se prononcer sur le bien-fondé de cette réclamation. Aussi convient-il d’indiquer à son malade qu’une déclaration (d’incident, d’accident, de mise en cause…) a été faite à son assureur en précisant bien que cette déclaration est effectuée « sous toutes réserves de responsabilité ».

Si un médecin est tenu de s’assurer pour couvrir sa responsabilité professionnelle, son contrat d’assurance lui interdira de reconnaître expressément sa responsabilité ou de s’engager auprès de son patient à ce que son assureur l’indemnise, en se substituant à lui. Dès qu’un praticien est mis en cause, même officieusement, sans courrier de son patient, il doit prendre contact avec son assureur qui doit mettre à sa disposition une équipe de juristes et de médecins spécialisés, pour l’écouter, le rassurer, étudier son dossier et sa réclamation. S’il est toujours préférable d’éviter une procédure, la prise en charge financière de la réclamation amiable du patient ne pourra intervenir qu’en cas de faute avérée du médecin reconnue par son assureur qui pourra proposer une expertise amiable afin de déterminer le préjudice. 

En présence d’un patient mécontent, vindicatif voire agressif, il faut tenter de garder le contact car la qualité de la relation avec son malade est primordiale pour tenter d’expliquer et de comprendre une complication pas toujours fautive. Des explications simples, claires et anticipées peuvent désamorcer certains conflits. En cas de contestation d’une prescription thérapeutique ou d’une action diagnostique, un médecin doit rester à l’écoute et disponible en tentant d’apaiser certaines tensions, en faisant admettre à son patient que sa démarche n’est pas justifiée. Et surtout prévenir son assureur, par une déclaration simple relatant les faits et les données des échanges.   

Nicolas LOUBRY, Juriste 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Podcast Vie de famille
Jumelles et médecins généralistes : "L'idée, c'était d'avancer ensemble"
15/04/2024
0
Infirmières
Les infirmières Asalée sauvées?
16/04/2024
1
Pneumologie
Asthme de l’enfant avant 3 ans : une entité particulière
19/04/2024
0
Assistant médical
"Il faut arriver à transposer l'assistant médical dans une notion d'équipe": aux Rencontres d'AVECsanté...
03/04/2024
4
Neurologie
Syndrome de Guillain-Barré : une urgence diagnostique et thérapeutique
04/04/2024
0
Santé publique
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité
13/03/2024
17