Anévrisme aortique : la révolution française de la chirurgie cardio-vasculaire

13/04/2017 Par Dr Philippe Massol
Cardio-vasculaire HTA

Cinq à dix pour cent des hommes de plus de 60 ans sont aujourd’hui opérés d’un anévrisme de l'aorte abdominale. Cette intervention à haut risque de complications est particulièrement coûteuse du fait du prix élevé des dispositifs nécessaires, pourtant tellement standardisés que 20 % à 30 % de ces patients sont inopérables, alors qu’une rupture d’anévrisme est mortelle dans plus de 80 % des cas. Pour résoudre ce problème, un groupe de chirurgiens, chercheurs et cliniciens du service de chirurgie vasculaire de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP), sous la direction du Pr Fabien Koskas, a mis au point Customi, la première endoprothèse sur mesure 100 % française et la seule à bénéficier du marquage CE (septembre 2016). Cette endoprothèse a été testée sur plus de 1 000 patients avec d’excellents résultats sur le long terme.

Jusqu’à présent, le chirurgien devait adapter l’implant du marché aux dimensions de l’anévrisme aortique en emboîtant plusieurs endoprothèses de façon à obtenir la forme recherchée. Dans les années 1990, Fabien Koskas reçoit en dernier recours dans son service les patients dont les anévrismes de l’aorte abdominale sont jugés inopérables. Il ne trouve alors pas d’autre solution que de construire lui-même des implants endovasculaires en assemblant des stents métalliques initialement trachéaux et des membranes de polyester tissées. Il peut ainsi opérer plusieurs centaines d’anévrismes de l’aorte abdominale puis thoraciques sans recourir à des prothèses commerciales. Ce procédé original lui vaut en l’an 2000 le Prix Delannoy-Robbe de l’Académie de médecine. En utilisant des composants simples du commerce, l’équipe du Pr Koskas va progressivement mettre au point des endoprothèses sur mesure, monobloc, constituées d’un squelette métallique recouvert d’une enveloppe de polyester standard commercialisé en chirurgie vasculaire ouverte. La longueur et la forme de l’endoprothèse sont soigneusement adaptées, au millimètre près, à la morphologie de l’anévrisme à traiter. La structure monobloc sur mesure facilite l’intervention car l’endoprothèse peut être implantée d’un seul geste, de façon précise et sûre, et s’ancrer de façon optimale sur les parois artérielles fragilisées, évitant le risque de migration et les endofuites précoces ou tardives entre les différentes endoprothèses.   Cette nouvelle prothèse se traduit pour le patient par moins de complications: risques d’endofuites notablement limités grâce au renflement de l'endoprothèse qui, en comblant la cavité de l’anévrisme, permet d’obstruer complètement les artères collatérales saines ; et par plus de chance de survie : sur les 3 700 cas d’anévrismes aortiques chaque année en France, on passe de 17 à 80 % d'éligibilité à l'intervention par endoprothèse avec un taux de survie de plus de 95% sur 10 ans de suivi, alors que 40 % des patients opérés selon les techniques habituelles ne survivent pas au-delà de 3 mois. Et pour la collectivité, cette prothèse est source d’économie : 40 % moins chère à l’achat, moins de chirurgie ouverte lourde, d’où une convalescence moins longue ; moins de complications (50 % de moins d’endofuites) et 4 fois moins de  réinterventions. De janvier 1996 à juin 1999, l’évaluation par angioscanner et aortographie graduée des 472 patients ainsi appareillés a donné des résultats cliniques fiables, pour un coût modéré par rapport aux endoprothèses industrielles standard. Et un essai clinique mené de 2001 à 2009 sur 455 patients dans 9 centres hospitaliers, a confirmé ces données. Ces moyens artisanaux s'avérant plus performants, médicalement et financièrement que les endoprothèses standard, l'équipe de la Pitié-Salpêtrière s’est donné pour objectif d'inciter les pouvoirs publics à développer cette technologie. En 2013, la société Endonov a été créée. Installée au Mans, au sein de l'incubateur Emergence, la start up est aussitôt reconnue comme porteuse d'innovations majeures dans le domaine des dispositifs médicaux. Endonove obtient le soutien de BPI France, du conseil général de la Sarthe et du conseil régional des Pays de la Loire, qui lui a décerné un de ses sept "Trophées territoire innovation". Endonov développe actuellement une deuxième innovation, Customi Arch. Il s’agit de la première endoprothèse de la crosse aortique. En acier inoxydable pour la partie "stent", elle est recouverte de polyester qui la rend imperméable. Pour cette "enveloppe", Endonov a fait appel aux services d'une couturière d'Alençon pour assembler dans une salle blanche les composants de l'endoprothèse en faisant comme des noeuds de suture, à la façon des dentellières de jadis. Le brevet est déposé en Europe et en Amérique du Nord. Un essai clinique doit débuter en 2019.

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