Changement climatique : un impact global direct et indirect sur la santé au travail

20/03/2024 Par Muriel Pulicani
Médecine du travail Santé publique
Les changements environnementaux vont avoir – ou ont déjà – un impact sur toutes les composantes de nos vies, dont le travail. Une évaluation des risques et une adaptation des organisations est nécessaire.

  « Tous les risques professionnels sont et seront affectés par le changement climatique et les modifications de l’environnement, à l’exception des risques liés au bruit et aux rayonnements artificiels. Sont principalement en cause la hausse des températures, l’évolution de l’environnement biologique et chimique, et la modification de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques », a estimé l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans un rapport publié en 2018, une des premières études françaises sur le sujet (1). « 1,5 million de salariés "travaillent au chaud" (plus de 24°C) et 3,6 millions en extérieur (2) et 9,7 millions de travailleurs déclarent être incommodés par la chaleur dans leur activité professionnelle (3), soit 36 % de l’emploi total », selon le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ou France Stratégie). Dans sa note d’analyse parue en août 2023 (4), l’instance liste les 23 métiers les plus concernés par l’augmentation des températures, métiers exercés en extérieur (ouvriers du BTP, du béton et de l’extraction, agriculteurs et éleveurs…) ou métiers pénibles exercés dans un environnement clos (fondeurs, soudeurs, boulangers, cuisiniers…).   « Mécanismes en cascade » Cette approche s’éloigne de celle de l’Anses qui définit des « circonstances d’exposition » plutôt que des métiers à risque. « Certains secteurs sont à l’évidence très exposés aux vagues de chaleur (BTP…), mais tous les travailleurs vont être impactés, y compris ceux qui exercent dans un bureau », explique Rémi Poirier, chef de projets scientifiques au sein de l’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques à l’Anses. La hausse des températures engendre des perturbations physiologiques et augmente la pénibilité du travail, d’autant plus si celui-ci implique des efforts physiques et des postures contraignantes. Avec comme conséquences possibles, de la fatigue, une baisse de la vigilance, un accroissement des risques d’accident et une aggravation des situations de tension. « Le dérèglement climatique va accentuer les risques psychosociaux dans tous les milieux professionnels », ajoute Rémi Poirier. Le phénomène a également des effets indirects, encore mal documentés, sur l’environnement en général : augmentation de la pollution atmosphérique, élargissement des zones de présence d’animaux potentiellement vecteurs de maladies (moustiques, tiques…).   Une action nécessaire à tous les niveaux Pour limiter les effets sanitaires délétères, la première étape est la sensibilisation de tous les acteurs : professionnels de la santé, employeurs, travailleurs, décideurs politiques, mais aussi grand public. Des démarches d’évaluation des risques et d’adaptation de l’environnement et de l’organisation de travail doivent être mises en œuvre. « Nous recommandons d’intégrer systématiquement cette problématique dans les évaluations des risques au sein de chaque entreprise. Car les risques professionnels dépendent du contexte : isolation du bâtiment, rythmes de travail, horaires, récupération, management… », illustre Rémi Poirier. La prévention des risques se joue également au niveau des politiques publiques. Ainsi, le Code du travail ne fixe pas à ce jour de température maximale au-delà de laquelle les travailleurs peuvent cesser leur activité, alors que l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) considère qu’il existe un risque au-delà de 30°C pour un travail sédentaire et de 28°C pour un travail physique, et un danger au-delà de 33°C. Des associations demandent une législation en la matière au niveau européen. L’urgence écologique pourrait être une opportunité pour changer le travail et son organisation, afin d’adapter le travail à l’homme mais aussi d’adapter le travail à l’environnement.  

Références :
1.Anses, Avis et Rapport d’expertise collective « Évaluation des risques induits par le changement climatique sur la santé des travailleurs », 2018.
2.Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du Travail (Dares), Enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) 2017.
3. Dares, Enquête « Conditions de travail », 2019.
4.Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France Stratégie). Note d’analyse « Le travail à l’épreuve du changement climatique », 2023.

 

Les autres articles de ce dossier : - Cancers : une origine professionnelle largement méconnue
- Troubles musculo-squelettiques : une prévention précoce est nécessaire
- Risques psycho-sociaux : identifier les signaux d'alerte
- Bruit : savoir repérer une pathologie

1 commentaire
34 débatteurs en ligne34 en ligne
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Débatteur Passionné
Chirurgie générale
il y a 9 mois
le travail rend malade supprimons le travail on l'a bien fait pour la polio!
 
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