Fluorette, son "je t’aime moi non plus" à la médecine générale

10/04/2014 Par Sandy Berrebi-Bonin

Elle est jeune, passionnée par son métier mais souvent habitée par le doute… Dans son premier livre intitulé Promenade de Santé, chroniques d’une jeune généraliste (Grasset), la bloggeuse Fluorette revient sur un métier qui ne lui était pourtant pas prédestiné. Elle y retrace son parcours avec la sincérité et l’humour qui caractérisent sa plume.  Fluorette nous confie sans langue de bois, sa vision de la médecine générale.   Egora : Comment est né ce livre ? Fluorette : Après ma participation à une émission de radio sur France Culture avec Xavier De La Porte, Martine Bouttang, (directrice littéraire chargée des premiers romans chez Grasset) m’a téléphoné en disant qu’elle aimerait faire un livre avec moi. Elle avait lu mon blog et il l’avait intéressée. J’ai longuement hésité. Plein de copains sur internet m’ont dit qu’il fallait le faire.  J’ai fini par accepter.   Pourquoi avoir hésité ? Je suis médecin et pas écrivain. Grasset voulait que je fasse de la télé, or je ne voulais pas pour garder mon anonymat. Au final, je m’aperçois que l’anonymat n’est pas si important. Je le garde mais les histoires que je raconte sont universelles. Les choses sur lesquelles les gens pourraient se reconnaître, je ne les raconte pas. Ce livre est aussi un roman dans lequel il y a une part d’imaginaire. Autre source d’hésitation : la peur de me confronter au jugement des autres. Ecrire un livre c’est aussi prendre le risque que des gens disent que c’est nul.   En quoi l’écriture du livre a-t-elle été différente de celle du blog ? Il y a, je pense, un public moins large pour un blog que pour un livre. J’imagine que mes patients pourraient plus facilement lire mon livre que mon blog. J’ai repris pas mal d’histoires du blog que j’ai retouchées puis j’ai ajouté des parties. Mais mon écriture reste la même. L’écriture évolue surtout avec le temps. Quand je vois mes premiers billets, je n’écris plus de la même façon. C’est mon style qui a changé et non ma façon de voir le métier.   Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’écriture d’un blog ? Au départ, j’ai écrit parce que je me sentais professionnellement très seule. Je pense qu’on se crée, au fur et à mesure de nos études, un cocon de gens avec lesquels on aime bien bosser. En déménageant je me suis retrouvée vraiment seule face aux situations que je rencontrais. Cela m’a posé problème. Le secret médical est très important mais on a tous besoin de parler. On a besoin de dire que notre boulot n’est pas tous les jours évident et de parler des situations qui nous travaillent. On ne peut pas tout garder pour soi. Le fait de se confronter à l’avis des autres permet aussi de changer sa pratique.   Vous ne comptez donc pas arrêter le blog une fois le livre sorti ? J’y ai pensé mais pas à cause du livre. Ma situation professionnelle, personnelle, amicale a changé et je me disais que je n’avais peut être plus autant envie d’écrire qu’avant, ou pas sur les mêmes sujets. Finalement je continue parce que je m’aperçois que j’aime bien ça, et que c’est une façon de rester en contact avec l’autre.   Ce livre, qui retrace votre parcours, a-t-il été une façon de prendre du recul ? Oui un peu. Je me dis que j’aime mon métier, ce dont je doute régulièrement ! Je me suis rendu compte en me relisant que cela me manquerait si j’arrêtais. Pourtant l’idée d’arrêter la médecine est récurrente. J’aime vraiment ce que je fais donc je continue pour l’instant…   Qu’est-ce qui vous le fait réaliser ? Je m’aperçois que j’aime certaine consultations, la façon dont ça se passe. J’aime mon cabinet, les gens avec qui je travaille. Tout ça, je le vois en me lisant.   Comment jugez-vous votre parcours ? Je ne me suis pas trop mal débrouillée. C’est très surprenant parce que je n’ai pas du tout fait médecine pour être généraliste, c’est quelque chose qui m’est venu petit à petit. On me disait qu’être MG c’était un échec et que c’était vraiment nul donc il fallait quand même y croire pour avoir envie de le faire. Ça m’est venu quand même assez rapidement. Je n’ai pas continué en chirurgie ce qui était mon vœu de départ, je n’ai pas fait de médecine légale ce qui était un autre vœu d’ado et je me retrouve à faire un métier que j’aime vraiment.   Dans le livre vous abordez l’opération #privédedésert. Avec d’autres bloggeurs, vous aviez été reçus par Marisol Touraine, où en est-on aujourd’hui ? (Eclat de rire) Nulle part, mais ça on s’en doutait bien ! Elle nous a reçus, mais je pense que c’était pour faire de la com. C’est l’impression que j’avais en arrivant, c’est ce que je me suis dit quand j’en suis sortie. Je ne crois pas...[ pagebreak ] trop aux déclarations politiques. Puis après elle a sorti son contrat de praticien territorial de médecine générale, qui est une vaste blague ! Les gens qui auraient clairement besoin de subventions sont ceux qui voient peu de patients, or ils sont exclus du système, et ceux qui sont dans une zone déficitaire voient énormément de patients. Le seul point intéressant de ce contrat c’est la couverture sociale mais elle n’est que ponctuelle puisque ça ne dure que trois ans. Lorsqu’on s’installe, à priori, ce n’est pas le moment que l’on choisit pour faire un enfant. Pour ceux qui se sont installés avant la sortie du PTMG, ce qui est mon cas, tant pis pour nous ! C’est un effet d’annonce. J’ai des échos de collègues qui me racontent qu’ils ont été appelés au téléphone. En fait, les gens du ministère en appellent plein pour dire, “on a signé des contrats et on incite les jeunes”. Tout ce que nous on a dit n’a pas été fait. Tout ce qui pourrait aider à faire des maisons universitaires est passé à la trappe. Ce n’est que du faux semblant.   Qu’est-ce que ce livre représente pour vous ? Il représente ma vision de mon métier. Quand j’allume la télé, on me dit que les médecins généralistes sont des branleurs, que les jeunes ne s’installent pas, c’est un peu ma réponse à ça. C’est ma façon de dire, que ce n’est pas comme ça que ça se passe, qu’on aime ce qu’on fait, que c’est possible mais que c’est pas évident tous les jours. C’est un peu à chacun de mettre de l’eau dans son vin.   Conseillez-vous aux jeunes de faire de la médecine générale ? Je suis partagée. Je ne sais jamais quoi répondre à cette question ! C’est un peu antinomique parce que c’est un métier que j’aime beaucoup mais dont l’avenir me fait peur. Lorsqu’on s’installe, ce n’est pas évident car il y a toujours un investissement de temps, d’argent. Ce n’est pas simple. Le tarif actuel des consultations donne plutôt envie de bâcler que de faire des consultations correctes. C’est un peu déprimant de voir que ceux qui font 100 actes par jour s’en sortent vraiment bien, alors que si j’en fais 20, j’ai l’impression d’avoir bien bossé mais ce n’est pas assez. J’ai peur pour l’avenir. Les mutuelles sont en train de prendre le pas en matière de financement. On va se retrouver avec des médecins généralistes affiliés à des mutuelles et j’ai vraiment très très peur de ça. Je pensais que les centres de santé étaient une alternative et j’ai rencontré une consœur qui m’a dit qu’elle devait faire 6 patients par heure. La logique de rentabilité n’est pas compatible avec la santé.   Comment envisagez-vous votre avenir en médecine générale ? Je ne sais pas du tout. Pour l’instant je suis là. Ça ne dépend que de moi. On propose des postes à l’étranger à mon mari, il est possible que je parte. Pas parce que je le voudrais vraiment mais parce que ça sera un choix de couple.

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