Méthadone : le risques d’overdoses et de décès en hausse

14/02/2018 Par Dr Philippe Massol
Psychiatrie

Un bilan de 9 ans de suivi d’addictovigilance de la méthadone dans la prise en charge des addictions aux opioïdes.

Une évolution des consommations des opiacés est en cours. Il semblerait qu’aujourd’hui on meurt plus d’overdoses par opiacés licites que par produits illicites. Ce changement est encore mal connu et sans doute largement sous-estimé, alors que les traitements pour les opiacés illicites sont aussi efficaces que pour les addictions aux opiacés licites.  Ce changement est confirmé par le bilan à neuf ans du suivi d’addictovigilance pour les formes sirop et gélule de la méthadone qui a été présenté à la Commission des stupéfiants et psychotropes de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), lors de sa séance du 1er février 2018.  La méthadone forme sirop est indiquée dans le "traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés dans le cadre d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique". Quant à la forme gélule, elle est indiquée en relais de la forme sirop. L’analyse des données montre que depuis plusieurs années, on observe une augmentation de l’obtention illégale de méthadone (5,9 % des consommateurs de méthadone l’ont obtenu illégalement en 2008 versus 9,7 % en 2016) et des cas nécessitant une prise en charge hospitalière. Durant la 9ème année, les analyses révèlent en plus, une augmentation de la consommation de méthadone par des sujets naïfs ou occasionnels, une hausse du nombre de patients ayant présenté un coma profond et du nombre de patients ayant fait une tentative de suicide. D’après le dispositif Drames (Décès en Relation Avec les Médicaments Et les Substances), l’estimation du taux de décès par méthadone est de 2 décès pour 1 000 patients traités, 6 fois plus élevé qu’avec la buprénorphine et 4,5 fois plus élevé qu’avec l’héroïne. L’analyse des données met également en évidence des prescriptions de méthadone hors AMM dans la douleur et dans certains cas ne respectant pas les recommandations de l’Afssaps de 2010 (douleurs rebelles en situation palliative avancée). Ces recommandations insistent sur la complexité de la titration et sur l’extrême importance de la surveillance des patients. Dans ce domaine, une demande d’AMM pour la méthadone dans le traitement de la douleur est en cours d’instruction à l’Ansm. La Commission des stupéfiants et psychotropes s’est interrogée sur l’accessibilité de... la méthadone en France et plus particulièrement sur les raisons de son obtention illégale. En vue d’infléchir l’augmentation continue des cas d’overdoses et de décès dans lesquels la méthadone est impliquée, la Commission a souhaité qu’un plan d’actions soit élaboré. Réagissant à cette proposition, la Fédération Française d’Addictologie (FFA) soutient la Commission pour la mise en place d’un plan d’actions. La FFA souligne également "l’importance des données et analyses scientifiques dans toute réflexion sur les modalités de prescription et de dispensation de la méthadone et dans le champ des addictions en général". Ces données suivent de quelques semaines la publication des premières recommandations européennes sur la prise en charge des addictions aux opioïdes (Recommendations for Buprenorphine and Methadone Therapy in Opioid Use Disorder : a European consensus. Maurice Dematteis et al. Expert Opin Pharmacother. 2017 Dec ; 18 (18) : 1987-1999). Les dernières recommandations françaises datent de 2004. Selon ces premières recommandations européennes, "la prise en charge des patients ayant un trouble d'usage des opioïdes (TUO) comprend généralement un traitement par agoniste des opioïdes (OAT) dans le cadre d'un plan de traitement intégré". L'utilisation de la méthadone et de la buprénorphine doit se faire "dans le cadre d'un plan de traitement intégré", avec "des interventions psychosociales visant à réduire les risques d'utilisation illicite d'opioïdes, de diminuer la mortalité par surdosage, les infections par le VIH ou le VHC et à améliorer les résultats sanitaires, psychologiques et sociaux". Les recommandations pour les choix d'OAT sont basées sur l'efficacité clinique, l'innocuité, la préférence du patient, les effets secondaires, les interactions pharmacologiques, la qualité de vie, le potentiel de titration des doses et les résultats (désir de contrôle, consommation continue d'opioïdes et autres comorbidités psychiatriques). "Les femmes enceintes, les prisonniers, les patients ayant des problèmes de santé mentale ont des besoins spécifiques qui doivent être traités avec le recours d'experts". Le traitement à la buprénorphine est recommandé en tant "qu’une option importante sur le profil de sécurité avec un faible risque de surdosage". La buprénorphine / naloxone est recommandée dans les risque d'abus ou de détournement. "La méthadone bénéficie d’un grand recul clinique chez les patients qui peuvent continuer à utiliser d'autres opioïdes, pour ceux qui ont des douleurs et / ou bénéficient des effets sédatifs. Il y a un risque important de surdosage avec la méthadone".

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