AVC : pour l’Académie, 5 000 décès ou dépendances seraient évitables chaque année en France

04/10/2022 Par Marielle Ammouche
Neurologie
L’Académie nationale de médecine publie un rapport sur la prise en charge en urgence des patients ayant fait un AVC. Malgré les progrès réalisés ces dernières décennies avec l’arrivée de nouvelles techniques et la création de filières spécifiques, trop de patients ne sont pas pris en charge de manière adéquate. L’Académie liste les dysfonctionnements et propose des moyens d’amélioration.

  Selon un rapport de l’Académie nationale de médecine, 5 000 décès ou dépendances annuels en France faisant suite à des accidents vasculaires cérébraux (AVC) seraient évitables, car liés à des défauts concernant l’organisation de la prise en charge. Pour arriver à cette constatation, les académiciens ont passé en revue la littérature scientifique sur ce sujet, les recommandations, les rapports, etc. Ils ont aussi mené une enquête sur le fonctionnement des unités neurovasculaires (UNV) françaises, et auditionné des personnalités. Leurs conclusions viennent d’être publiées dans un rapport daté du 20 septembre, dans lequel ils soulignent le manque de lits et de personnels, les inégalités territoriales, et des défauts dans l’accès à certaines techniques. Ils l’assortissent de plusieurs propositions d’actions concrètes pour améliorer la situation.   De multiples dysfonctionnements De nombreux progrès ont été réalisés ces 30 dernières années dans la prise en charge des AVC, avec notamment la thrombolyse intraveineuse (IV) et/ou thrombectomie mécanique, et la prise en charge en UNV. L’intérêt de ces dernières n’est plus à prouver. Ainsi, les auteurs du rapport ont calculé que pour 100 patients pris en charge en UNV, le bénéfice net est de deux survivants, six vivant à domicile, et six indépendants supplémentaires. « L’UNV est la mesure qui apporte le bénéfice le plus important à l’échelon de la population » souligne le rapport.

Mais pour l’Académie, il existe plusieurs dysfonctionnements préjudiciables à une prise en charge optimale des patients. Le rapport mentionne ainsi tout d’abord un déficit en lits d’USI-NV, et des inégalités selon les régions et le niveau de vie des patients. « Un patient sur deux n’a pas accès à une USI-NV », soulignent les auteurs du rapport. Ces derniers ont calculé que le besoin s’établit à 986 lits pour une durée moyenne de séjour de 3 jours (durée jugée raisonnable pour stabiliser la plupart des patients). Or il n’en existe que 911 actuellement, soit un déficit de 75 lits « sous réserve d’une fluidité de la filière d’aval (UNV-non intensive [UNV-NI] et soins de suite et réadaptation) et d’une répartition équitable sur le territoire ». « Ces lits d’USI-NV supplémentaires laisseraient la France derrière l’Allemagne et l’Italie (avec 14,7 lits par million d’habitants vs. 29,9 et 23,2), mais permettrait la prise en charge de 90% des patients », jugent les académiciens qui précisent que « l’augmentation du nombre de lits d’USI-NV ne doit pas s’accompagner obligatoirement d’une augmentation du nombre global d’UNV, sauf en régions déficitaires, pour ne pas aggraver le déficit de démographie médicale ». Le manque de personnel médical et paramédical fragilise, par ailleurs, les UNV existantes et fait planer la menace de fermetures de lits. « La France est 25ème sur 27 pour le nombre de neurologues dans l’UE, devant deux pays où les AVC et les démences sont pris en charge par d’autres spécialités » souligne le rapport. Il existe aussi un déficit en centres de thrombectomie, entrainant un manque d’accès à cette technique des patients trop éloignés. « Quatorze UNV ont dès à présent une activité suffisante pour justifier la création d’un centre de thrombectomie » considèrent les auteurs du rapport. Ensuite sur le plan local, les académiciens déplorent : une insuffisance de procédures écrites de prises en charge dans différents domaines, dont l’enfant ; un accès limité à certaines techniques d’exploration ; des délais de prise en charge excessifs (ou inconnus) pour les traitements de recanalisation ; et une insuffisance d’évaluation de l’ensemble de la filière (urgence et suivi post-AVC). L’objectif d’une prise en charge optimale, calculé par les auteurs sur la base des essais randomisés, est que 55 000 patients supplémentaires soient pris en charge en UNV, 16 047 patients supplémentaires devraient avoir une thrombolyse IV, et 6 042 une thrombectomie. « Le bénéfice net annuel attendu serait de 3 125 survivants indépendants supplémentaires par la prise en charge en UNV, 1146 par thrombolyse et 1373 par thrombectomie, soit au moins 5000 survivants indépendants supplémentaires » explique le rapport.   Création de 75 lits spécialisés Les auteurs du rapport recommandent donc la création de 75 lits d’USI-NV, pour assurer la prise en charge de 90% des patients hospitalisés pour un AVC, sous-entendu du respect d’une durée moyenne de séjour de 3 jours, d’une répartition équitable sur le territoire national, et d’une fluidité optimale de la filière d’aval ; de privilégier le renforcement des UNV existantes et ne pas augmenter nécessairement le nombre global d’UNV, sauf dans certaines régions. « Il peut être nécessaire de regrouper certaines UNV sous médicalisées, pour leur permettre d’assurer la permanence des soins ». Il s’agit aussi de mieux organiser la filière AVC par territoires « avec environ 3 UNV (dont une avec thrombectomie) pour 1,2 million d’habitants fonctionnant en réseau et reliées par télémédecine ». Cette organisation doit « être modulée en fonction de la densité de population et des délais de transfert. Il apparait ensuite nécessaire d’augmenter le nombre de neurologues et de « neuro-interventionalistes » en formation, d’adapter les effectifs non médicaux, et enfin, de mettre en place une procédure d’accréditation des UNV sur la base de critères déterminés par la Haute Autorité de santé en lien avec les sociétés savantes et les associations de malades. « Cette procédure doit inclure l’analyse des performances de la filière, en particulier les délais et les mesures visant à les réduire ».

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