assises de la télémédecine

Les premières Assises de la télémédecine ont été lancées ce vendredi 27 juin. Crédit photo : Cnam.

Téléconsultation : la revanche des plateformes

Longtemps montrées du doigt par les pouvoirs publics, les sociétés de téléconsultation ont désormais leur place à la table des discussions. Lancées vendredi 27 juin, les premières Assises de la télémédecine visent notamment à clarifier le rôle dans le parcours de soins de ces plateformes, qui représentent 43% des téléconsultations en 2025.

30/06/2025 Par Aveline Marques
Télémédecine Assurance maladie / Mutuelles
assises de la télémédecine

Les premières Assises de la télémédecine ont été lancées ce vendredi 27 juin. Crédit photo : Cnam.

13,9 millions. C'est le nombre de téléconsultations facturées à l'Assurance maladie en 2024, soit environ 1,2 million par mois, pour un montant total de 419,7 millions d'euros remboursés. Si l'activité a connu une hausse de près de 19% l'an dernier, elle reste très inférieure à celle de l'année 2020 (17,3 millions), et surtout marginale dans le quotidien des médecins libéraux. Au premier trimestre 2025, les téléconsultations représentaient seulement 2,3% de l'activité des généralistes et 2,5% de celle des autres spécialistes, même si certaines spécialités sortent du lot, tels les psychiatres (7%) et les endocrinologues (6%). 

"La vraie tendance, c'est la part que prennent les plateformes dans les téléconsultations", a analysé Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à l'organisation des soins à la Cnam, lors des premières Assises de la télémédecine, vendredi 27 juin. Alors que les plateformes ne représentaient que 1% des téléconsultations réalisées en 2020, leur activité est en passe de devenir majoritaire avec 43% des téléconsultations assurées au premier trimestre 2025, contre 38% pour les généralistes libéraux et 15% pour les autres spécialistes. 

Fini le "far west" : l'activité de ces "sociétés de téléconsultation" a été encadrée par la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, avec la mise en place d'un agrément qui leur impose de respecter le cadre légal - notamment les règles conventionnelles [voire encadré] - et de veiller à la sécurité des données. A partir du 1er juillet, les sept sociétés actuellement agréées* ne pourront facturer que sous le statut de "société de téléconsultation" et non de "centres de santé" comme elles le faisaient à leurs débuts. Si les médecins salariés de ces plateformes "facturent des majorations, on va le voir", a résumé Marguerite Cazeneuve.

Leur développement rapide traduit une demande des patients en quête de réactivité face à leur besoin de soins

Ces assises, qui doivent se dérouler tout au long de l'année, auront notamment pour objectif de "clarifier le rôle croissant des sociétés de téléconsultation, a affirmé Marie Daudé, la directrice de la DGOS, lors de son introduction. Leur développement rapide traduit une demande des patients en quête de réactivité face à leur besoin de soins et aussi des médecins, qui y voient un mode d'exercice complémentaire. Mais il soulève des questions cruciales sur la qualité des soins, du suivi et la pertinence des actes et des prescriptions, un des enjeux de ces assises c'est de trouver le bon équilibre."

Les "brèches" ouvertes par la crise du Covid ayant été "colmatées", l'heure n'est plus à la "régulation" mais à la coopération, assure la Cnam. Du côté des pouvoirs publics, la méfiance a laissé place à l'alliance car face aux déserts médicaux, "l'attente est forte", a insisté Marie Daudé. "On a beaucoup entendu les élus locaux nous dire 'on a besoin de réponses au problème des déserts médicaux' : la télémédecine en est une", a reconnu Thomas Fatôme, directeur de la Cnam. 

Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, aux Assises de la télémédecine. Crédit photo : Cnam.

"L'ambition" de ces assises ? Aboutir d'ici à la fin de l'année 2025, "à un cadre le plus partagé possible définissant la place des différentes formes de télémédecine, au service de l'accès aux soins et de la qualité des soins", résume le patron de la Caisse. Il prendra la forme d'une "feuille de route commune, pour préciser le rôle stratégique de la téléconsultation et de la télé-expertise dans notre système de santé", a résumé la directrice de la DGOS.

18% des patients ayant consulté une plateforme n'ont pas de médecin traitant

L'état des lieux chiffré dressé en amont de ces assises révèle un tableau tout en contrastes. Sans surprise, les patients ayant recours à la téléconsultation sont plutôt jeunes : les 20-29 ans représentent 38% des patients téléconsultant sur une plateforme, contre 20% pour les libéraux et 8% pour les consultations au cabinet. De leur côté, les patients en ALD sont sous-représentés : 9% de la patientèle des plateformes, contre 31% de l'activité des libéraux en présentiel. Tout en relevant une "déformation liée à l'âge", Marguerite Cazeneuve a souligné que "la téléconsultation en société, qui devient la norme, n'est pas nécessairement une bonne réponse pour les patients en ALD, c'est une offre de soins qui ne leur correspond pas". 

En revanche, les patients bénéficiaires de la C2S sont légèrement surreprésentés : ils représentent 14% des actes facturés par les plateformes, contre 12% pour les libéraux en présentiel. La téléconsultation représente peut-être "une possibilité d'attraper des publics un peu précaires, qui ont peut-être plus de difficultés à trouver un médecin et pour lesquels la barrière est moins forte en téléconsultation". L'un des sept ateliers qui seront organisés en région dans le cadre de ces assises sera dédié à la prise en charge des publics précaires.

Autre question clé : l'origine géographique des patients. "Est-ce que les gens qui téléconsultent viennent de zones très rurales où il n'y a pas de médecin ou est-ce que ce sont des cadres urbains qui ont déjà un accès à foison et surconsomment de la téléconsultation?", a caricaturé la numéro 2 de la Cnam. Les chiffres montrent que les patients résidant dans les zones où l'indice APL** est faible recourent davantage à la téléconsultation : leur part est surreprésentée sur les plateformes, "ce qui est quand même une bonne nouvelle", a relevé Marguerite Cazeneuve. Alors que 28% de la population réside en ZIP, ces patients représentent 42% de l'activité clinique des plateformes, contre 24% pour les libéraux. Par ailleurs, 18% des patients ayant consulté une plateforme n'ont pas de médecin traitant (contre 11% de la population).

Les chiffres semblent confirmer que la téléconsultation est aussi un outil au service du suivi pour des patients déjà connus : 65% des patients qui téléconsultent des libéraux sont leur propres patients médecin traitant (contre 76% pour l'activité au cabinet). "On peut imaginer que ce sont des consultations de suivi dans le cadre de ce qu'on a défini comme étant une bonne pratique : alterner présentiel et distanciel", a commenté la directrice déléguée. Et alors que certains médecins ont pu enrager de voir des patients venir au cabinet peu de temps après avoir téléconsulté sur une plateforme (et inversement), ce comportement est loin d'être répandu : en 2024, respectivement 82% et 88% des téléconsultations n'ont été suivies ou précédées d'aucune consultation ou visite dans les 15 jours.

La pertinence des prescriptions en question

Un point d'inquiétude demeure : celui de la qualité et de la pertinence des prescriptions. Notant le faible écart de prescription d'antibiotiques entre les téléconsultations (7%) et les consultations au cabinet (8,3%), la Cnam a saisi la Haute Autorité de santé sur le sujet. "Ça nous a interpellés : si vous n'avez pas eu la possibilité de faire un examen clinique ou un Trod, c'est un peu étrange de prescrire des antibiotiques", a pointé Marguerite Cazeneuve. La Cnam s'interroge aussi sur la prescription d'analgésiques, qui représente 20% des prescriptions des médecins officiant sur les plateformes, contre 11% au cabinet. Un autre atelier sera dédié à cette thématique.

Ces assises aborderont également deux autres formes de télémédecine, ayant en commun de faire l'unanimité mais dont le développement reste limité : la télé-expertise et la téléconsultation accompagnée par l'infirmière. "La télé-expertise, on y croit beaucoup, lance la numéro 2 de la Cnam. On se rend compte qu'il y a vraiment une appétence des requérants médecins généralistes car ça leur permet d'avoir une réponse immédiate quand il faut attendre 1-2-3 mois pour avoir un rendez-vous chez le spécialiste ; pour les spécialistes, ça permet d'avoir une demande structurée, un meilleur filtrage des patients, en fonction du niveau de gravité, a-t-elle souligné. C'est une pratique qui est assez plébiscitée même si son nombre reste limité." Depuis le 1er janvier 2022, 1,5 million de télé-expertises ont été facturées, dont 270 000 au premier trimestre 2025. 

Les établissements de santé sont à la pointe de cette activité, confirmant leur rôle de "pôle d'expertise" dans des départements où "peu de spécialistes sont installés", a commenté Marguerite Cazeneuve. Les dermatologues et cardiologues sont également sur le podium des spécialistes les plus sollicités. Si la télé-expertise répond à l'enjeu de "l'accès aux soins spécialisés", "il y a sans doute des freins à identifier et des obstacles à lever", a relevé Marie Daudé. Le sujet sera au centre d'un atelier, le 12 novembre, à Bordeaux.

Quant à la téléconsultation accompagnée par les infirmières, c'est un modèle "à forte valeur ajoutée" sur lequel les pouvoirs publics misent beaucoup, pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, éviter des hospitalisations plus délétères qu'utiles, améliorer la coopération entre professionnels et "valoriser les compétences" de chacun. L'activité reste pour l'heure marginale, avec quelques 39000 actes en 2024. Un autre atelier (à Rennes, le 14 octobre) lui sera consacré. 

 

* MEDADOM, TESSAN MED, QARE, PODALIRE COMMUNAUTÉS (MEDAVIZ), THF Service Médical (MédecinDirect), Digital Consultation Centre France (Livi), Cleer Consult (EOS Care)

** Accessibilité Potentielle Locale, un indicateur de disponibilité de l’offre de soins dans une zone donnée.

 

Une convention pour les sociétés de téléconsultation?

C'est l'une des trois revendications formulées en amont de ces assises par la Fédération des médecins téléconsultants, dans un livre blanc diffusé la semaine dernière : "la mise en place d’un accord national spécifique" qui encadrerait l'activité des sociétés de téléconsultation, "en clarifiant les règles de rémunération, les modalités d’exercice et le suivi des médecins téléconsultants salariés". "Il n'y a pas d'un côté la médecine traditionnelle et de l'autre coté la télémédecine", a balayé Marguerite Cazeneuve, lors d'une séance de questions-réponses avec la presse. La Cnam a fait le choix d'aborder la télésanté dans chaque convention, rappelle-t-elle. "Nous, on est contre le principe de médecin téléconsultant, c'est la raison pour laquelle on a mis en place les 20% [d'activité en télémédecine, NDLR] : pour que ça ne devienne pas une profession", a-t-elle appuyé. Alors que deux médecins retraités ont pris la parole vendredi après-midi pour réclamer une dérogation à ce plafond, la directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins a rappelé que la dernière convention avait déjà prévu ce cas de figure. "Des exceptions" à ce seuil maximal d’actes, "notamment pour les médecins retraités" mais aussi les femmes enceintes, par exemple, pourront être décidées en CPN.

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Médecine générale
il y a 5 mois
Voici comment l'équipe de la FMT a vécu vendredi, la journée de lancement des Assises de la Téléconsultation. Le CNOM et les syndicats médicaux étaient absents ou sont restés très discrets. La présence d’Agnès Giannotti, présidente de MG France, était prévue à l’une des tables rondes. Mais sa chaise est restée désespérément vide. En fait, nous n’avons entendu que des intervenants passionnés et passionnants. Parmi eux, je cite les principaux responsables de la CNAM (Thomas Fatôme, Marguerite Cazeneuve, Albert Lautman) et du ministère de la Santé (Marie Daudet, Mickael Benzacki). Les interventions de nos financeurs de la santé et de nos décideurs politiques n’ont laissé aucun doute: La TLC est promise à un bel avenir. La première table ronde était consacrée à « L’état des savoirs ». Voici les meilleures petites phrases de Pierre Simon, fondateur de la Société Française de la Télémédecine. « Rassurez vous, à l’étranger aussi, il y a des opposants à la télémédecine », « 50 millions de téléconsultations par mois en Chine… », Les patients sont parfaitement capables d’apprécier la qualités des soins reçus en TLC », « Des études ont montré une excellente corrélation entre les diagnostics faits en présentiel et ceux faits en TLC: 87% ». La seconde table ronde s’intitulait « Quels acteurs, pour quelles finalités? ». Parmi les invités, se trouvaient Arthur Dauphin et Arnaud Gibaru. Le premier représentait France Assos santé. Il nous a détaillé de façon très positive, les conditions dans lesquelles, les patients sont amenés à téléconsulter. Le 2ème a résumé avec fierté, sa journée très lourde d’infirmier libéral. Après un début de matinée, chargé en soins classiques (6h à 9h30), il démarre ensuite à son cabinet un second créneau consacré aux TLC assistées. Voici sa meilleur anecdote: Une patiente de 82 ans en EHPAD, est invitée à faire sa première TLC. Elle remplace sans hésiter, sa chemise de nuit habituelle par une belle robe à fleurs. Elle n’oublie pas non plus de passer chez le coiffeur et de se maquiller. Une (télé)consultation ne se résume pas à l’aspect médical. Bien qu’assez brève, la séance des questions a permis ensuite au président et au vice président de la FMT, de faire passer quelques messages. Les Assises de la Télémédecine vont maintenant se poursuivre en province. Différents thèmes seront abordés d’ici la fin de l’année. Le bouquet final aura lieu en décembre ou en janvier au Ministère de la santé. La FMT sera bien sûr au RDV.
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Médecine générale
il y a 5 mois
Petite réflexion du vice président de la FMT, le Dr Hassan Mikati: " Etude réalisée sur 350 patients : Je souhaite vous partager cette étude que j ai réalisé auprès de 350 patients en TLC sur une période de 15 jours en notant à chaque fois le chiffre qui correspond à la catégorie de provenance patient en fonction de son médecin traitant. Je suis arrivé à la conclusion suivante ; sur 350 patients téléconsultés, 206 patients n ont pas de médecin traitant et ne sont pas acceptés par les médecins libéraux sur place, 89 patients ont un médecin mais n arrivent pas à le joindre ou avoir un RDV dans les meilleurs delais pour des pathologies aigues, enfin , 55 patients n ont pas cherché à joindre leurs médecins et téléconsultent car c est plus pratique pour eux. Conclusion : les médecins téléconsultants ne font pas de la concurence déloyale aux médecins libéraux. Cette enquête pourrait être plus significative si elle est réalisée à grande échelle bien évidemment en sondant les patient en amont..."
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Médecine générale
il y a 5 mois
La Secu ou le pigeon magnifique. Teleconsultations, arrêts de travail, dialyse des IRC... Et bien sûr la pharmacie, le cabinet infirmier, le MG aux 120 actes jour pour des détournements de 800 KE, voire 1M.
 
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