Tribune anti-homéopathie : plusieurs médecins condamnés par l'Ordre national
La bataille durait depuis 7 ans. En mars 2018, 124 médecins ou professionnels de santé signaient une tribune anti-homéopathie publiée conjointement dans Le Figaro et sur Egora. Après plusieurs plaintes ordinales des médecins homéopathes ou à exercice particulier contre les médecins signataires, certains ont écopé au niveau régional d'avertissements voire d'une suspension avec sursis. Ils ont fait appel. Quatre praticiens viennent de recevoir un avertissement de la juridiction ordinale nationale.
"Ça a pris 7 ans mais on y est arrivé quand même." Ces quelques lignes, assorties des décisions ordinales de condamnation à l'encontre de deux médecins signataires d'une tribune anti "fake med", sont arrivées dans les boîtes mail de plusieurs journalistes de la rédaction d'Egora.
Cette tribune, publiée en mars 2018 dans Le Figaro et sur Egora, avait alors fait grand bruit. "Les thérapies dites "alternatives" sont inefficaces au-delà de l’effet placebo, et n’en sont pas moins dangereuses", écrivaient les signataires, demandant au Conseil de l'Ordre et aux pouvoirs publics de "ne plus reconnaître d’une quelconque manière les diplômes d'homéopathie, de mésothérapie ou d’acupuncture comme des diplômes ou qualifications médicales", de "ne plus faire produire en faculté de médecine ou dans les établissements de formation de santé, des diplômes appuyés sur des pratiques dont l’efficacité n’aura pas été scientifiquement démontrée" ou encore de "ne plus rembourser par les cotisations sociales les soins, médicaments ou traitements issus de disciplines refusant leur évaluation scientifique rigoureuse".
"La tentation peut (…) être grande de pratiquer des soins sans aucun fondement scientifique. Cette tentation (…) est toujours, nourrie par des charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire", pointait encore la tribune.
Ulcérés par ce texte, plusieurs praticiens ou représentants syndicaux, dont le Syndicat national des homéopathes (SNMHF), le Syndicat de la médecine homéopathique (SMH), l'Union collégiale ou encore le Syndicat des mésothérapeutes français (SMF) avaient déposé une soixantaine de plaintes ordinales contre des médecins signataires à travers la France.
Après une première condamnation en appel survenue en février 2024 à un avertissement contre un médecin breton, par la chambre disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, les suivantes viennent de tomber. "La chambre disciplinaire, par ordonnance, a envoyé à tout le monde des avertissements. Pour l'instant quatre médecins sont concernés", précise pour Egora, le Dr Pierre De Bremont d’Ars, à la tête du Collectif No Fakemed. "Une consœur a reçu un avertissement alors qu'elle n'a pas été notifiée que son dossier allait être évalué par la chambre disciplinaire. Elle n'a donc pas pu se défendre. On se demande donc dans quelle mesure la justice ordinale a-t-elle encore une fois été instrumentalisée pour lancer des procédures bâillon", déplore le médecin, qui s'interroge aussi sur '"le respect de l'individualisation des peines". "Nous trouvons cela choquant alors que la désinformation en santé est devenue un sujet majeur", a ajouté Pierre De Bremont d'Ars.
Dans deux décisions dont Egora a eu copie, la chambre disciplinaire nationale a rappelé que "la tribune litigieuse s'inscrit dans un débat ancien et récurrent sur l'efficacité des pratiques de soins non conventionnelles", soulignant même le déremboursement des médicaments homéopathiques, survenu postérieurement à la rédaction du texte. Pour autant, la justice ordinale a estimé que "certains propos figurants dans cette tribune excèdent par leur ton, la pondération attendue de médecins lorsqu'ils s'expriment publiquement sur un sujet même polémique", citant l'exemple des propos : "[les] charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausse thérapies à l'efficacité douteuse". "De tels propos ne se bornent pas à mettre en avant l'inefficacité de ces pratiques mais mettent en cause de façon globale et indifférenciée, dans des termes qui ne peuvent être perçus par les intéressés que comme offensant, l'éthique de l'ensemble des médecins qui les mettent en œuvre et les accusent d'avoir une attitude dangereuse pour leurs patients." La décision souligne également que "ces propos, par leur caractère excessif, manquent au devoir de prudence et de prise en compte auprès du public […] et méconnaissent l'obligation de confraternité".
"Nous sommes passés à autre chose. Nous avions décidé de poursuivre par principe les activistes meneurs de ce mouvement", a commenté pour Egora le Dr Meyer Sabbah, médecin homéopathe, mésothérapeute et président de l'Union collégiale et vice-président de l'URPS-ML Paca. "Nous sommes ouverts à la discussion, on peut ne pas être d'accord, mais de là à nous traiter de charlatan, c'était un peu extrême. Ce sont des djihadistes de la médecine", a réagi le praticien se qualifiant du "plus homéopathe des allopathes et du plus allopathe des homéopathes".
Précisions du Dr Meyer Sabbah, le 8 septembre 2025
"Je précise que le terme « djihadiste » exprimé à l’occasion de mon interview qui ne pouvait bien naturellement pas être intégralement retranscrit a été utilisé dans le contexte de mon combat constant contre l’intolérance d’où qu’elle provienne (la phrase suivante de l’article l’illustrant bien).
Sauf à ce que mes contradicteurs considèrent le terme de « djihadiste » comme une insulte, il n’est à ma connaissance qu’une idéologie prônant notamment l’intolérance."
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